La politique étrangère: pilier du programme électoral de Poutine

© RIA Novosti . Yana Lapikova / Accéder à la base multimédiaVladimir Poutine
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Deux revues sur le site électoral de Vladimir Poutine ne sont pas encore le programme du candidat à la présidence, mais plutôt son ébauche (parue le 13 janvier) développant le thème de l’article La Russie se concentre… (publié le 16 janvier).

Deux revues sur le site électoral de Vladimir Poutine ne sont pas encore le programme du candidat à la présidence, mais plutôt son ébauche (parue le 13 janvier) développant le thème de l’article La Russie se concentre… (publié le lundi 16 janvier). Dans les deux cas, il est très intéressant de noter l’accent mis sur la politique étrangère, qui les 10-15 dernières années n’était pas un sérieux problème électoral en Russie.

Mais les temps changent.

Ne pas laisser passer sa chance

Il est toujours possible de présenter les sujets les plus complexes de manière succincte. C’est précisément ce que fait Vladimir Poutine. Son programme doit tenir sur une centaine de page (que tout le monde ne lira pas), et La Russie se concentre est pensée comme une introduction au programme, et par conséquent comme son résumé.

On constate avant tout que la politique étrangère n’est pas un élément complémentaire, mais pratiquement le principal pilier de ce programme. En fait, Poutine commence directement par les "risques et les tâches auxquels la Russie sera confrontée" dans le monde, et la question de savoir si "la Russie suivra l’évolution ou participera à l’établissement des règles du jeu." Suivi par les révolutions et les particularités de l’élite russe et de la démographie, etc., pour terminer à nouveau par la place de la Russie dans le monde changeant.

L’évaluation de la situation dans ce monde est évidente: le modèle fondé sur l’augmentation incontrôlable des emprunts est dans l’impasse. D’ailleurs, en suivant la logique de Poutine, la "surchauffe" concerne également le milieu politique, par exemple, l’utilisation de la puissance ou de la puissance illusoire (ce qui est une bonne idée d’ailleurs). Mais l’époque de l’irresponsabilité est terminée, et au final les anciens centres de force sont désormais incapables d’utiliser cette force comme auparavant, et les nouveaux centres ne peuvent ou ne veulent pas encore le faire. Finalement nous entrons dans une longue période de turbulences globales, nous entrons dans une nouvelle époque.

L’analyse, répétons-nous, n’est pas inattendue. Puis suivent les réponses aux questions "que faire", ce qui fait généralement partie des programmes électoraux.

La première réponse est coopérer. Plus précisément, il est nécessaire de parvenir à une "coopération marquée par la responsabilité et la confiance" entre les puissances mondiales. La seconde réponse est assez claire: l’époque des changements est une chance "colossale" qui s'offre à la Russie pour deux raisons. La première est que la période de la reconstruction du pays dans les années 2000 est terminée (et désormais Moscou dispose d'immenses capacités). Et la seconde est que dans la nouvelle situation, parmi d’autres avantages la Russie possède un modèle civilisationnel et un "génome culturel."

En ce qui concerne le génome culturel, Poutine, qui est plutôt "européen" de par son éducation et son expérience de travail, s’est exprimé de manière très intéressante: le génome en Russie n’est pas de 50/50 l’Occident et l’Orient, mais "il combine les bases fondamentales de la civilisation européenne et l’expérience séculaire d’interaction avec l’Orient." Quoi qu’il en soit, c’est une chance historique, lorsque la nation possède au moins une "expérience d’interaction" avec une partie de la planète où, de toute évidence, se sont déjà établis les nouveaux centres de force et d’influence.

Et c’est précisément pour utiliser cette chance que la Russie se concentre, et le candidat n’a pas choisi cette idée pour intituler son article par hasard.

Cui prodest?

Il est facile d’expliquer l’accent des discours programmatiques de Poutine mis sur la politique extérieure: de cette manière il gagne des points ne serait-ce que parce que les slogans idéalistes de l’opposition à ce sujet sont fragmentaires et naïfs (que ce soit la nouvelle ou l’ancienne opposition). Les opposants n’ont rien à dire à ce sujet.

Peut-on interpréter les propos de Poutine comme une proposition de nouvelle politique étrangère? En aucun cas. D’autant plus qu’il n’existe pas de "nouvelle politique étrangère", autrement dit d’un tournant radical dans ce domaine, à l’exception de pays marginaux et totalement dépendants lorsqu’ils remplacent celui dont ils dépendent.

La politique étrangère peut parfois être un thème de débats préélectoraux, mais par la suite les changements s’avèrent minimes. Regardez ce qui s’est passé aux Etats-Unis après qu'un président démocrate eut succédé à un président républicain. Il y avait certainement un prétexte pour un changement total de politique étrangère – les échecs militaires, la perte de l’influence américaine dans le monde, même parmi les alliés européens. Bref, une catastrophe.

Mais qu'est-ce les démocrates d’Obama ont fait de fondamentalement différent par rapport aux républicains? Ils ne parlent plus d’Etat voyous, n’inventent pas d’axes du mal et craignent une participation directe aux guerres. Ils réorientent les principaux efforts du Moyen-Orient vers le Pacifique, là où la Chine est présente (les républicains auraient probablement fait la même chose, mais peut-être sans la fausse intimidation de la Chine). La "démocratie" a été saluée au Moyen-Orient, bien que depuis le début il ait été clair que les événements dans cette région n’avaient rien à voir avec la démocratisation et étaient, qui plus est, un préjudice considérable pour les positions américaines. Mais c’est plutôt la question de savoir ce qu’ils disent et comment ils le disent. Bref, le style est différent, mais pas le reste.

Pourquoi cela arrive précisément de cette manière pratiquement dans tous les pays qui ont une importance dans le monde? Pourquoi le thème de la politique étrangère n’est-il pas utilisé dans les campagnes électorales ou les jeux des partis? Parce qu’il représente les intérêts matériels très sérieux de millions de personnes. D’ailleurs, l’expérience de la Russie au début des années 1990, lorsque Moscou a presque sérieusement tenté de changer sa politique et son orientation étrangère en se tournant vers l’Occident le confirme. Résultat: la perte des marchés et les accords défavorables. Et les professionnels s’efforcent jusqu’à présent de réparer les dégâts de l’époque, sachant que la politique étrangère n'a été réellement "différente" que pendant 3-4 ans. Et aujourd’hui, il n’y a plus de raison pour la Russie de se tourner vers l’Occident, qui n’est plus le même qu’à l’époque.

Voyons où est le véritable intérêt des électeurs dans la politique étrangère. Premièrement, ils veulent être libres de voyager dans le monde dans un but touristique ou pour leurs affaires. Par conséquent, les enlèvements d’enfants (par l'un des parents en cas de conflit ou de séparation de couple de deux nationalités différentes - ndlr) ou de personnes telles que Konstantin Iarochenko et Viktor Bout sont des événements qui doivent être empêchés par les autorités.

Il y a des histoires moins dramatiques mais où la politique étrangère, sous la forme du lobbying, est également requise pour défendre les intérêts de plusieurs milliards de dollars.

Ensuite, le pays doit empêcher d’autres puissances de s’ingérer dans ses affaires intérieures, par exemple de lui dicter les règles du commerce ou de renverser le gouvernement. Sans parler d’une invasion militaire. Et c’est tout. Et cela nécessite des professionnels compétents, et non pas des propagandistes de parti. Et les professionnels dans ce milieu spécifique travaillent toujours pour le gouvernement. L’opposition (du moins en Russie) n’a aucune réserve de cadres de ce genre.

On ne peut compter que sur des prétextes artificiels et des personnes très mal informées pour utiliser la politique étrangère contre Poutine dans les conditions actuelles. Mais cela dépend de leur nombre et du camp auquel ces personnes appartiennent.

Par exemple, à quel point la nouvelle classe moyenne russe est-elle instruite, et dans quelle mesure internet lui remplace-t-il le cerveau. Ou dans quelle mesure les électeurs des camps nationaliste et communiste sont-ils idéalistes, et à quel point ont-ils tendance à surestimer les capacités physiques du gouvernement russe à atteindre ses objectifs dans le monde sans aucune coopération empreinte de "responsabilité et de confiance."

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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