Le radicalisme de droite en Russie courtisé par tous les partis

© RIA Novosti . Ilïa Pitalev / Accéder à la base multimédiaAlexeï Navalny
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Le nombre de crimes nationalistes diminue en Russie depuis quelques années grâce au travail actif des forces de l’ordre, selon les informations du mouvement de défense des droits de l’homme Le monde sans nazisme.

Le nombre de crimes nationalistes diminue en Russie depuis quelques années grâce au travail actif des forces de l’ordre, selon les informations du mouvement de défense des droits de l’homme Le monde sans nazisme. Cependant, le niveau de xénophobie est particulièrement élevé au sein de la société, et la présidentielle de mars 2012 pourrait provoquer une montée des sentiments nationalistes, selon les experts.

Les manifestations de radicalisme de droite et d'extrémisme en Russie ont été moindres en 2011 par rapport aux années précédentes. Telle est la conclusion des experts du mouvement international des militants des droits de l’homme Le monde sans nazisme, qui ont présenté mardi les résultats de leur étude à la Chambre civile de Russie.

D’après leurs recherches, en 2011 le nombre de meurtres, d’agressions et de vandalisme motivés par la haine ethnique a diminué en Russie, et cette tendance est observée depuis trois ans. En 2011, 104 cas d’agressions et de rixes liées à la xénophobie ont été enregistrées en Russie faisant 28 morts et 129 blessés (contre 46 et 299 en 2010, et 83 et 341 en 2009 respectivement).

Selon les militants des droits de l’homme, la diminution de la criminalité liée aux conflits interethnique est due au travail actif du parquet et des unités de lutte contre l’extrémisme du Service fédéral de sécurité (FSB) et du ministère de l’Intérieur de Russie, ainsi qu’au durcissement de la responsabilité pénale.

Néanmoins, les sociologues font remarquer qu’au cours des dernières années les sentiments nationalistes et la xénophobie au sein de la société russe se sont accrus. Selon le sondage du Centre panrusse d’étude de l’opinion publique (VTsIOM) publié le 7 décembre 2011, 63% des habitants de Moscou et 54% des habitants de Saint-Pétersbourg constatent la dégradation du climat ethnique en Russie en 2011. Les experts font remarquer l’augmentation du nombre de partisans du nationalisme extrémiste dans le pays.

"Selon nos estimations, actuellement en Russie on compte 20-24.000 activistes d’organisations d’extrême-droite, a déclaré Valeri Enguel, vice-président du mouvement Le monde sans nazisme. Ce nombre est inférieur par rapport aux Etats baltes, où ils sont soutenus par les gouvernements et agissent dans le cadre de l’idéologie existante, mais c’est colossal par rapport à l’Europe occidentale."

Selon les militants des droits de l’homme, le principal problème ne concerne pas le nombre de membres de telle ou telle organisation d’extrême-droite, mais l’influence idéologique de ces organisations sur la société.

Les politiciens ont besoins des nationalistes

Depuis le rassemblement de la place Bolotnaïa à Moscou le 10 décembre 2011 (suite aux législatives du 4 décembre dernier - ndlr), lorsque la confrontation entre une partie de la société russe et le gouvernement est devenue visible, les forces politiques d’opposition ont commencé à accorder beaucoup d’attention aux organisations nationalistes en tentant de s’en faire des alliés.

"Les forces du nationalisme radical ont obtenu une excellente occasion de se comporter comme l’objet de toutes les convoitises, a déclaré Nikolaï Svanidze, président de la commission de la Chambre civile pour les relations interethniques et la liberté de conscience. Aujourd’hui, elles sont en droit de s’attendre à des propositions de toute part. Malheureusement, ces propositions arrivent déjà, aussi bien d’en haut que d’en bas."

Les déclarations nationalistes émanent aussi bien des dirigeants des partis parlementaires d’opposition, notamment du parti libéral-démocrate et du parti communiste, que des leaders de l’opposition hors système. Il suffirait de rappeler la participation du blogueur Alexeï Navalny dans la "Marche russe" et le rassemblement "Arrêtons de nourrir le Caucase", ainsi que le fait qu’il professe des opinions national-démocrates.

"La politique de l’opposition libérale des dix dernières années visant à s’allier avec n’importe qui, même avec le diable, pour agir contre le pouvoir en place, porte certains fruits, estime Valeri Enguel. Au cours des dix dernières années nous avons assisté à une alliance contre nature entre l’opposition libérale et le parti communiste, et aujourd’hui nous constatons sa tentative, pour l’instant efficace, de s’allier avec les forces nationalistes."

Apparemment, les tentatives des politiciens de jouer sur les sentiments nationalistes de la société se poursuivront tant qu’elles apporteront des voix supplémentaires, contrairement au silence sur ce thème ou aux discours internationalistes, estiment les experts.

Cependant, les problèmes posés par les mouvements patriotiques ont besoin d’être réglés par le gouvernement, estime Vsevolod Tchapline, président du comité synodal pour les relations entre l'Eglise orthodoxe russe et la société.

"Le statut mal défini du peuple russe dans le pays, les obstacles à son auto-organisation, les difficultés dans les relations entre les immigrants et la population autochtone, la criminalité ethnique – malheureusement, tout cela suscite des doutes quant à l’équité des processus sociaux et aide les radicaux à déstabiliser la société", a-t-il fait remarquer.

Selon lui, il ne faut pas craindre le peuple russe fort, il ne faut pas avoir peur qu’il s’auto-organise sous des formes socioéconomiques et administratives qui lui sont naturelles, et que ces formes définissent le vecteur de l’évolution du pays. Les autres peuples de Russie peuvent le faire également, l’histoire connaît des exemples d’une telle auto-organisation, estime l’expert.

"Je suis convaincu que de cette manière on pourra débarrasser la société de la haine ethnique", a souligné l’archiprêtre Vsevolod Tchapline.

L’expansion vers le pouvoir

Selon Valeri Enguel, la participation active des nationalistes à l’organisation des rassemblements de décembre dernier témoigne de leur intention d’entrer au gouvernement. Toutefois, l’expérience des pays européens montre qu’après son arrivée au pouvoir, même au niveau local, l’extrême-droite accède automatiquement aux médias, suite à quoi l’élargissement des rangs de ses partisans connaît une croissance exponentielle.

Certains experts estiment que les sentiments nationalistes s'infiltrent dans le gouvernement russe dès à présent. A titre de confirmation ils citent la nomination récente au poste de vice-premier ministre de Dmitri Rogozine, représentant permanent de la Russie auprès de l’Otan, fondateur et chef du mouvement populaire patriotique Congrès des communautés russes.

Selon Nikolaï Svanidze, la nomination de Dmitri Rogozine est directement liée à ses opinions. "Je pense que la nomination de Rogozine au poste de vice-premier ministre peut lui servir de plateforme pour la poursuite de sa carrière politique, cette fois en tant qu’homme politique public, a-t-il fait remarquer. C’est une perspective éventuelle pour l’élite politique russe au pouvoir au cas où les dirigeants actuels seraient incapables de conserver le pouvoir."

D’autres experts s’opposent à ce point de vue. "Je pense que Dmitri Rogozine n’est pas entré au gouvernement en tant que représentant du Congrès des communautés russes, mais comme un homme qui a une expérience de travail à l’étranger au contact de l’Otan et comme spécialiste de la défense, a déclaré Valeri Enguel. A mon avis, dans son travail il n’abordera pas les questions de la politique intérieure et ethnique de la Russie."

Le défi de l’extrême-droite

Très probablement, durant la période d’un mois et demi qui reste avant la présidentielle, la rhétorique nationaliste des leaders des partis politiques devrait se renforcer, estiment les experts. Mais on ignore jusqu’où les divers politiques flirteront avec les nationalistes et les utiliseront pour servir leurs propres intérêts.

"Il faut être conscient que la parole pousse à l’action, et si la télévision, la presse et internet diffusaient des slogans nationalistes, cela augmenterait le nombre de partisans des mouvements radicaux nationalistes dans la structure russe politique et sociale", affirme Alexandre Sokolov, membre de la Chambre civile de Russie.

Selon lui, il serait judicieux de la part des institutions et des mouvements sociaux de prévenir cette situation et faire front uni, et le gouvernement doit devenir le pôle principal de l’opposition au radicalisme de droite.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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