Le président pakistanais accusé de corruption: rumeurs de coup d’Etat

© RIA Novosti . Sergei Guneev / Accéder à la base multimédiaAsif Ali Zardari
Asif Ali Zardari - Sputnik Afrique
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La Cour suprême du Pakistan a lancé un ultimatum au premier ministre pakistanais Youssouf Raza Gilani. Qu’est-ce que cela signifie?

La Cour suprême du Pakistan a lancé un ultimatum au premier ministre pakistanais Youssouf Raza Gilani. Qu’est-ce que cela signifie? Soit le premier ministre cesse de bloquer l’enquête visant le président pakistanais Asif Ali Zardari accusé de corruption, soit lui-même se retrouvera derrière les barreaux. Dans un autre pays une telle indépendance du pouvoir judiciaire témoignerait du développement avancé de la société civile. Mais au Pakistan, c’est le signe d’un éventuel coup d’Etat militaire.

Je me permettrais de faire une parenthèse. En 1995, dans le palais présidentiel d'Alma-Ata, j’ai aperçu par hasard la première ministre pakistanaise de l’époque Benazir Bhutto. Une femme fragile, la tête couverte d'un foulard, entourée par des militaires pakistanais barbus portant des uniformes impressionnants. Et ne sachant pratiquement rien du Pakistan à l’époque, je me suis demandé si elle n’avait pas peur. Peut-on vraiment contrôler de telles personnes?

Etrangement, j’ai réussi à saisir le principal problème de la politique pakistanaise. Le Pakistan est un pays qui souffre d’un "traumatisme politique héréditaire". Au moment même de l’apparition en 1947 du nouvel Etat, toute son élite politique était convaincue d’une chose : le Pakistan doit annexer la partie du Jammu-et-Cachemire administrée par l'Inde. Sinon il ne deviendra jamais un Etat à part entière.

Evidemment, l’Inde a refusé de céder le territoire litigieux. Et c’est la raison pour laquelle les militaires jouaient toujours le premier rôle dans la politique pakistanaise. Les généraux étaient très réticents à l’arrivée au pouvoir de civils, qu’ils punissaient volontiers à la première occasion.

Le père de Benazir Bhutto, l’homme politique Zulfikar Ali Bhutto, était également premier ministre du Pakistan. Mais en 1977, les militaires ont perpétré un coup d’Etat. Ali Bhutto n’a pas eu peur et a voulu participer aux nouvelles élections. Les généraux l’ont alors accusé d'être l'instigateur du meurtre d’un opposant politique. Il n’y avait aucune preuve tangible, mais Ali Bhutto a été pendu.

Un sort tout aussi terrible attendait sa fille, Benazir Bhutto. Près d’un an après sa visite à
Alma-Ata elle a été également renversée. Elle a passé de nombreuses années en exil à l’étranger. En octobre 2007, elle est revenue dans sa patrie. Mais en décembre de la même année elle a été assassinée par un terroriste kamikaze. Généralement, Benazir Bhutto était accompagnée par une garde impressionnante. Mais ce jour-là le régime de protection était affaibli. L’ordre de le faire avait été donné par le dictateur militaire pakistanais de l’époque Pervez Musharraf.

L’année suivante, les militaires ont cédé le pouvoir au Pakistan. Le veuf de Benazir Bhutto, l’homme d’affaire Asif Ali Zardari, a été élu président. Mais de toute évidence, les militaires pakistanais sont incapables d’obéir longtemps à un gouvernement civil. La pression sur le premier ministre Gilani n’est que le premier pas. La prochaine étape vise certainement à accuser Zardari de corruption et le faire démissionner.

Quel impact cet événement aura-t-il sur la Russie? Les généraux contrôlent la politique étrangère du Pakistan aussi bien pendant la dictature militaire que la présidence des dirigeants civils.
Et cela n’apporte rien de bon à Moscou. La Russie veut voir un Afghanistan stable et sûr.
Mais selon les militaires pakistanais, un Afghanistan stable est sûr se retrouverait forcément sous l’influence de l’Inde.

Dans une certaine mesure c’est la raison pour laquelle dans les années 80, pendant la dictature militaire de Zia-ul-Haq, le Pakistan était la principale base de soutien des moujahids afghans.
Et c’est la raison pour laquelle le Pakistan a placé au pouvoir en Afghanistan les talibans lorsque Benazir Bhutto était premier ministre.

Le président Zardari ne sera certainement pas le dernier dirigeant civil à n'avoir pas réussi à "dompter"  les militaires. Ce pays disposant de l’arme nucléaire et à la population de
177 millions d’habitants ne pourra pas se réconcilier avec lui-même pendant encore une longue période.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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