Les derniers enregistrements secrets de JFK rendus publics

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La bibliothèque JFK de Boston a rendu publiques les 45 "dernières" heures des enregistrements audio des conversations professionnelles et privées à la Maison blanche et au téléphone du 35e président américain, John Fitzgerald Kennedy.

La bibliothèque JFK de Boston a rendu publiques les 45 "dernières" heures des enregistrements audio des conversations professionnelles et privées à la Maison blanche et au téléphone du 35e président américain, John Fitzgerald Kennedy.

Ces enregistrements ont été réalisés secrètement. "Dernières" est entre guillemets car ces documents complètent près de 260 heures d’enregistrements (près de 248 heures d'entretiens et 12 heures de conversations téléphoniques), dont seulement 250 heures seront disponibles. Une partie ne sera pas rendue publique pour des raisons privées, et une partie restera confidentielle pour des raisons de sécurité nationale. Evidemment, personne n’est assez fou pour livrer au public des informations non triées sur un président, quel que soit le pays.

JFK, le mythe indestructible des USA

Tout ce qui est associé à la personnalité de John Kennedy (élu président en 1960 et assassiné à Dallas le 22 novembre 1963) a toujours été, est et restera intéressant pour les Etats-Unis et le monde entier. Les hommes politiques de cette envergure sont trop grands et trop extraordinaires pour qu'il soit possible de résister à la tentation de fouiller une nouvelle fois dans leur vie privée et/ou officielle: les gens ne veulent pas seulement connaître l’avenir, mais également le passé.

Or tellement de choses se sont produites avec et autour de JFK que les livres parlant de lui continuent à être publiés de nos jours. Deux-trois par an rien qu’aux Etats-Unis. Plus de 11 volumes de transcriptions de ses conversations ont déjà été publiés. Huit autres sont en attente. Ceux qui ont été présentés représenteront 5-6 volumes supplémentaires. Leur impression nécessitera plus d’un an.

Il est difficile et même pratiquement impossible d'évaluer clairement sa présidence.

Premièrement, elle a été brutalement interrompue. Stoppée même pas à mi-chemin (il s’apprêtait certainement à accomplir un second mandat après la présidentielle de 1964). Deuxièmement, et surtout, l’histoire qui a transformé Kennedy en une légende, en un chevalier cruellement assassiné, gêne énormément. On n’a pas franchement envie de détruire cette légende.

Après le vieillissant Eisenhower, le couple John et Jacqueline (son épouse Jacqueline Bouvier Kennedy avait 31 ans en 1961 – c’était la plus jeune première dame du siècle dernier), a transformé la présidence en un conte de fées mondain, presque une aventure. Hollywood, les bals, l’adultère présidentiel, la jeunesse, la reprise après la guerre, les crises intérieures et extérieures ont formé un tel mélange, que la Maison blanche était qualifiée de Camelot, par analogie avec l’époque merveilleuse et tumultueuse de la légende du roi Arthur (cela froissait toujours un peu les Anglais).

Evidemment, l’administration présidentielle n'avait que très peu à voir avec les "chevaliers de la table ronde", mais John et Jacqueline, dans le rôle de Lancelot et de la reine Guenièvre, suffisaient amplement.

Une présidence loin d’être exemplaire

Derrière une telle légende on oubliait même que les Américains avaient commencé à envahir le Vietnam sous Kennedy. Fin 1961, les USA ont commencé à projeter les premières unités de l’armée américaine (le président a pris officiellement ses fonctions le 20 janvier 1961).

Toutefois, d’après les dernières heures des conversations publiées, on constate qu’il avait des doutes au sujet du Vietnam. Un jour, il a entendu des comptes-rendus contradictoires de son conseiller militaire et du conseiller diplomatique et a ouvertement demandé: "Etes-vous allés dans le même pays?" Toutefois ce ne sont pas les conseillers qui prennent les décisions aux Etats-Unis, mais le président.

Et l'invasion ratée de Cuba (débarquement de la baie des Cochons), bien qu’elle ait été préparée à l’époque d’Eisenhower, s’est produite en avril 1961. D’ailleurs, c’est Kennedy qui a autorisé l’élargissement de l’opération. Et la crise des Caraïbes a eu lieu en 1962, c’est-à-dire pendant son mandat.

Le Vietnam est toujours considéré comme la plus grande honte des Etats-Unis, et les deux conflits suivants auraient même pu provoquer une guerre nucléaire mondiale. En toute objectivité, on ne peut donc pas qualifier la présidence de Kennedy de brillante.

Une partie des enregistrements secrets est justement consacrée au Vietnam.

Il y a également des choses intéressantes sur l’URSS. Par exemple, la conversation avec Andreï Gromyko, ministre soviétique des Affaires étrangères à cette époque. Kennedy lui a présenté ses enfants, et Gromyko a déclaré que Caroline et John John "[étaient] très populaires" en URSS.

Et JFK a rappelé à ses enfants que c’était le chef de M. Gromyko qui leur avait offerts Pouchinka: Nikita Khrouchtchev avait offert à Kennedy un chiot de la célèbre chienne Strelka, qui est allée dans l’espace. Une conversation touchante entre un ministre humain et un président-père. Agréable à écouter et à lire.

Bref, cette dernière partie des enregistrements comporte beaucoup de choses pour les historiens, les analystes militaires, les politologues, les journalistes… Il y a également des choses intéressantes pour les "femmes au foyer." Les experts ont de quoi s’occuper. C’est une bonne chose. Mais une autre chose ne l’est pas.

Sans boussole

Grosso modo, en réalité tout n’est pas net avec ces enregistrements. Et tout n’est pas honnête. Et il ne s’agit pas du fait qu’ils sont passés par le filtre de la censure des gardiens des secrets d’Etat. A cet égard, tout est clair: si les simples mortels n’ont pas à entendre certains fragments, qu’il en soit ainsi.

Le fait est que ces conversations ont été secrètement enregistrées par John Kennedy lui-même. Personne ne le savait sauf lui et sa secrétaire personnelle Evelyn Lincoln. JFK a été le premier à pratiquer cette méthode. L’ère des enregistreurs avait commencé aux Etats-Unis à l’époque de Truman et d’Eisenhower, mais ils ne le faisaient pas en secret. Tout ce qu’ils enregistraient était officiel.

Kennedy a commencé à tenir son "journal intime sur bande magnétique" à partir de juillet 1962, et le dernier enregistrement est réalisé à quelques jours de son voyage au Texas, où il sera assassiné. Et il n’avait dit à aucun de ses interlocuteurs qu’il enregistrait ses entretiens. Même pas à son épouse Jacqueline. D’ailleurs, il a d’abord commencé à enregistrer ses conversations téléphoniques avec elle.

Il n’enregistrait pas toutes les conversations, mais celles qui lui semblaient utiles. Mora Porter de la bibliothèque JFK déclare que Kennedy le faisait pour l’histoire, pour écrire ses futurs mémoires.

Mais on se demande naturellement si tout cela été fait pour les mémoires et l’histoire, les personnes enregistrées par le président ne se retrouvaient-elles pas dans une situation défavorable?

Après tout, il savait qu’il immortalisait ses propos, et par conséquent ses phrases étaient préparées, alors que ses interlocuteurs s’exprimaient dans un langage très simple, parfois même "populaire." Peut-être que s’ils avaient su qu'ils étaient enregistrés, ils se seraient exprimés différemment. Ne voulaient-ils pas également laisser une image d'eux honorable dans l’histoire?

Ce n’est pas très correct. Des dizaines et des centaines de personnes ont conversé avec le président en comptant sur la confidentialité totale de la discussion, ce qui lui donnait des formes très particulières, avec un contenu probablement spécial, mais JFK trahissait leur confiance.

En principe, on ressent également là sa méfiance envers ses propres conseillers: tout enregistrer au cas où ils nieraient leurs propos par la suite.

Et, bien sûr, la boussole éthique s’est probablement déréglée. D’ailleurs, Nixon a été voué aux gémonies après sa démission en 1974 sur la vague du scandale du Watergate pour avoir fait exactement la même chose (sauf qu’il enregistrait absolument tout, et non pas des "extraits de lui" pour l’histoire). Or, il s’est avéré qu’il avait seulement suivi l’exemple de Kennedy.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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