Le Pentagone se serre la ceinture

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Le plan d’action rendu public par le ministère de la Défense américain permettra d’économiser approximativement 500 milliards de dollars et conduira à la réduction des effectifs militaires de 100.000 hommes.

Le plan d’action rendu public par le ministère de la Défense américain permettra d’économiser approximativement 500 milliards de dollars et conduira à la réduction des effectifs militaires de 100.000 hommes. Les militaires affirment que les capacités de l’armée américaine resteront les mêmes, cependant tout porte de plus en plus à croire que les Américains cherchent à faire bonne mine à mauvais jeu.

Comment faire de nécessité vertu
Le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta a présenté le plan d’action de son ministère pour la restructuration des forces armées et la réduction des dépenses militaires.

L’introduction du document est remplie de belles tournures de phrases visant à rassurer le public et les congressistes. En soulignant l’inévitabilité de la réduction des dépenses et la mise hors service du matériel militaire, le département militaire ne cesse d’affirmer que les forces armées américaines ne seront que plus efficaces, souples, modernes et dynamiques, et leurs capacités de combat seront meilleures grâce à l’amélioration de la gestion et l’utilisation des technologies modernes.

Les militaires qui ont présenté le document avec Panetta tiennent le même discours. "Les capacités sont plus importantes que la quantité, a déclaré le général Martin Dempsey, chef d’état-major interarmées américain. L’armée américaine restera capable de vaincre n’importe quel adversaire sur terre."

En évaluant le plan dans l’ensemble, il convient de noter plusieurs points. Premièrement, ce n’est certainement pas un document quelconque dans la stratégie de la direction militaire américaine. Ce n’est pas un simple plan de réduction d’urgence des dépenses. Certains points indiquent qu’une restructuration attend l’armée américaine.

Deuxièmement, la rhétorique du document combinée à son contenu fait penser au principe consistant à "faire de nécessité vertu." On peut parler autant qu’on veut des technologies modernes novatrices et du "dynamisme souple", mais on peut difficilement contester le fait que toutes ces restrictions budgétaires et l’atermoiement des programmes sont seulement dus au déficit significatif du budget dans les conditions de la crise financière.

Si Washington avait la moindre possibilité de ne pas s’en prendre aux forces armées, il les laisserait en paix, et allouerait même plus d’argent aux programmes de défense, comme les Etats-Unis le faisaient si bien depuis la fin des années 1930 pour stimuler l’économie.

Réduire, mais courir plus vite

Après les beaux discours sur la conservation et le décuplement des moyens des forces de projection, le Pentagone s’est attaqué à l’aviation militaire de transport. La tâche prioritaire consiste à diminuer la diversification des types d’avions afin de simplifier leur entretien et de réduire son coût.

Au final, une centaine de C-5A Galaxy et anciens C-130 Hercules quitteront les rangs de l’aviation militaire de transport. Par ailleurs, l’armée de l’air américaine renonce à l’achat de nouveaux avions C-27J Spartan, qui étaient nécessaires en raison des problèmes de pistes d’atterrissage en Afghanistan. Désormais, le Pentagone est convaincu que par la suite ce genre de problèmes ne sera pas fréquent, et qu’il sera possible d’y remédier grâce aux C-130 modernisés.

Dans une moindre mesure, la marine américaine a été également touchée par les restrictions. Il a été décidé de mettre hors service sept croiseurs, mais il convient de noter qu’il s’agit de navires qu’il est impossible ou inutile d’adapter à l'utilisation des antimissiles.

Par ailleurs, Leon Panetta a souligné que les Etats-Unis devaient obligatoirement conserver les 11 porte-avions. Le document explique cette thèse: vu que les Etats-Unis renoncent à la présence terrestre à grande échelle dans les régions cruciales (le Moyen-Orient et l’Asie-Pacifique), le rôle de la flotte augmente considérablement.

Il semblerait que les Etats-Unis sont prêts à miser sur la dissuasion des ennemis potentiels grâce aux unités mobiles de choc déployées autour des groupes aéronavals et renforcées par des forces de projection de l’infanterie de marine.

Toutefois, les effectifs militaires seront réduits. L’armée américaine supprimera au moins huit brigades et se séparera de 80.000 hommes, et le Corps des marines des Etats-Unis (USMC) sera encore réduit de 20.000 hommes.

On insiste sur le fait que la décision prise n’est pas tant une réduction de l’armée qu’une sorte de retour vers le passé, vers la situation de 2001, avant le début de la "guerre contre le terrorisme" et les opérations terrestres en Irak et en Afghanistan, lorsque l’armée et l’USMC ont recruté 125.000 hommes supplémentaires. Hormis la réduction du budget, on justifie également cette mesure par le retrait des troupes d’Irak et le retrait progressif de l’armée américaine d’Afghanistan.

La politique impérialiste bon marché
L’histoire la plus instructive concernant les budgets des programmes militaires s’est produite avec les drones de reconnaissance aérienne. L’armée de l’air américaine a prévu l’achat d'appareils RQ-4 Global Hawk de la série block 30, en estimant que ces drones coûteront moins chers, à la fois en termes de coûts de production et d’exploitation, que les avions espions légendaires U-2.

Cependant, le temps passait, les dépenses pour le programme augmentaient et les budgets se sont progressivement égalisés. Et il s’est finalement avéré qu’en achetant les drones comme il était prévu, leur entretien serait plus onéreux que celui des anciens avions espions, dont le frère aîné a été abattu par la défense antiaérienne soviétique dans l’Oural en mai 1960.

Et il existe de nombreuses histoires de ce genre dans l’industrie de l’armement américaine. Il est facile de constater que les questions du coût et des frais ne préoccupent pas seulement le Kremlin, mais également le Pentagone.

A une époque, entre les deux guerres mondiales, on utilisait le terme de "politique impérialiste bon marché" pour désigner la réduction significative de la flotte britannique suite à la conférence de Washington de 1922. Il était nécessaire de réaliser les mêmes tâches qu’auparavant avec des forces et des moyens bien moindres.

En fait, ce que le Pentagone fait actuellement dans des conditions similaires (et la crise financière, la plus grave depuis la Grande dépression ne fait que renforcer la similarité) peut être appelé de la même manière. La dernière fois, pour la Grande-Bretagne l’affaire s’est terminée par une guerre difficile et la perte définitive du leadership mondial.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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