Pétrole iranien: sources alternatives pour l'Europe et faillite pour la Grèce

© RIA NovostiPétrole iranien: sources alternatives pour l'Europe et faillite pour la Grèce
Pétrole iranien: sources alternatives pour l'Europe et faillite pour la Grèce - Sputnik Afrique
S'abonner
Si l’Iran suspend intégralement ses fournitures de pétrole aux pays de l’Union européenne, les Européens auront besoin de plusieurs semaines pour mettre en place des approvisionnements alternatifs en provenance d’autres pays, selon les experts.

Si l’Iran suspend intégralement ses fournitures de pétrole aux pays de l’Union européenne, les Européens auront besoin de plusieurs semaines pour mettre en place des approvisionnements alternatifs en provenance d’autres pays, selon les experts. Le Royaume-Uni et la France, auxquels l’Iran a refusé dimanche dernier de fournir du pétrole, ne seront pas sérieusement affectés, mais la Grèce, confrontée à de graves problèmes économiques, ironie du sort, principal consommateur de pétrole iranien, n’y survivra probablement pas. Le pays devra se déclarer en défaut de paiement, estiment les experts.

Dimanche, le 19 février, l’Iran a suspendu ses fournitures de pétrole aux compagnies britanniques et françaises. Le 15 février Téhéran avait menacé de réagir aux sanctions de l’Union européenne et de cesser ses livraisons de pétrole vers la France, l’Italie, l’Espagne, la Grèce, le Portugal et les Pays-Bas. Le ministère iranien des Affaires étrangères avait réuni les ambassadeurs européens et les avait prévenus par la bouche du directeur général pour l'Europe occidentale, Hassan Tajik, que l’Iran "ne prenait cette mesure à l’heure actuelle pour des raisons humanitaires, en raison des grands froids affectant l'Europe".

L’Iran à répondu à l’embargo de l’UE instauré à partir du 1 juillet 2012 sur les importations de pétrole iranien et concerté entre les pays de l’Union le 23 janvier par la menace d'arrêt total des fournitures de pétrole à l'UE. Selon les termes de l’accord, tous les membres de l’Union européenne qui achetaient du pétrole iranien devront intégralement cesser les importations en provenance de ce pays avant le 1 juillet.

La part du lion dans les importations européennes (près de 68%) revient à la Grèce, l’Italie et l’Espagne. Or ce sont des pays de l’UE confrontés à de sérieux problèmes économiques.
Par ailleurs, la part iranienne dans la consommation grecque d’or noir atteint 35%.

En 2011, les pays membres de l’Union européenne importaient d’Iran en moyenne 600.000 barils par jour.

Tout l’espoir repose sur l’Arabie saoudite

Si dans les jours à venir l’Iran décidait de cesser les fournitures de pétrole à tous les pays de l’UE, les Etats européens devraient chercher d’autres fournisseurs. Et ce, très rapidement, vu le froid inhabituel pour l’Europe en cette période de l'année.

 "Les pays européens ont des réserves de carburant qui pourraient compenser le manque du pétrole iranien, mais cela ne réglera pas le problème et les Européens devront chercher d’autres sources pétrolières", a déclaré à RIA Novosti Vitali Krioukov, analyste à IFD Capital.

D’autant plus que les réserves de carburant sont une chose délicate. Elles sont inégalement reparties à travers l’Europe, il sera nécessaire de les redistribuer, ce qui provoquera certainement des problèmes logistiques, a expliqué Konstantin Simonov, directeur général de la Fondation russe de la sécurité énergétique nationale.

Des négociations actives sont en cours avec l’Arabie saoudite : ce pays a déjà annoncé qu’il pouvait augmenter sa production pétrolière dans les délais les plus brefs. Dans le cas présent, "bref" signifie quelques semaines, précise Valeri Nesterov, analyste de la société d’investissement Troïka Dialog.

"Les capacités de production supplémentaires de l’Arabie saoudite dépassent 2 millions de barils par jour, a calculé Vitali Krioukov. En principe, l’Arabie saoudite pourrait combler le manque de pétrole iranien".

"Toutefois, les Européens pourraient rencontrer des problèmes techniques, car chaque raffinerie est technologiquement destinée à recevoir un type précis de pétrole, déclare Valeri Nesterov.
On ne peut donc pas dire que les Européens réussiront à éviter les problèmes en remplaçant le pétrole iranien par celui de l’Arabie saoudite".

Aucune alternative

Selon les experts, il n’existe aucune alternative pour l’Europe aux fournitures d’urgence en provenance d’Arabie saoudite.

"Théoriquement on pourrait se rappeler la Libye, dont on ne parle plus aujourd’hui, mais le niveau de production pétrolière dans ce pays est déjà revenu à celui d’avant-guerre, déclare Vitali Krioukov. Aujourd’hui, le pays produit 1,3 million de barils par jour, tandis que sa production journalière avant la guerre n’était supérieure que de 0,3 million de barils". A la fin du premier semestre, la Libye pourrait déjà revenir à son niveau de production d’avant-guerre, estime l’expert. Le fait est que les Libyens pourraient avoir des contrats à long terme, autrement dit, leur pétrole pourrait être destiné à d’autres pays.

Il ne faut pas non plus compter sur le pétrole en provenance d’Afrique, estime Vitali Krioukov. "Les pays de cette région ne pourraient fournir que des quantités infimes de pétrole", a-t-il précisé.

Quant au pétrole russe, même théoriquement il ne pourrait pas devenir une alternative au pétrole iranien pour l’Europe du Sud, déclare Konstantin Simonov. "A l’heure actuelle, beaucoup de niches s’ouvrent aux compagnies pétrolières russes, mais elles sont incapables de les occuper", a-t-il fait remarquer.

Le fait est que la Russie ne peut pas augmenter sa production pétrolière pour fournir d’avantage de pétrole à l'UE, affirme Konstantin Simonov. Et même si la Russie avait du pétrole "en trop", il serait difficile de le fournir au sud de l’Europe. La Russie n’a pas réussi à mettre en œuvre l’idée de construction de l’oléoduc Bourgas-Alexandroupolis, qui aurait permis d’approvisionner directement la Grèce.

L'Europe paiera le conflit pétrolier par la faillite de la Grèce

Les conséquences du conflit pétrolier pourraient coûter très cher à l’Europe. "Les sanctions provoqueront la hausse des prix du pétrole, ce qui conduira à l’augmentation des prix en Europe et dans le monde", a déclaré le ministre iranien de l’Intérieur Mostafa Mohammad-Najjar.

Toutefois, les prévisions des experts au sujet des prix du pétrole divergent. Konstantin Simonov déclare que le prix du pétrole augmentera en raison du conflit, mais Valeri Nesterov estime que "le prix du pétrole ne sera pas particulièrement affecté". "Le facteur iranien est déjà compris dans le prix du pétrole", déclare-t-il. De plus, les problèmes économiques en Europe tirent le prix du pétrole vers le bas, cas la demande diminue, a-t-il expliqué.

Si le changement de prix du pétrole est susceptible de se traduire par de sérieux ennuis pour beaucoup de pays, les principaux consommateurs de pétrole iranien seront confrontés à de très graves problèmes.

"La situation économique de la Grèce est on ne peut plus mauvaise, mais il est clair que les problèmes pétroliers seront un cauchemar pour ce pays, déclare Konstantin Simonov. Cela achèvera tout simplement cette malheureuse Grèce". La sortie de la Grèce de la zone euro sera tout simplement inévitable, estime-t-il.

"Athènes doit chercher du pétrole sur le marché en proposant un prix plus élevé, et l’économie grecque ne survivra pas à l’augmentation des prix des hydrocarbures, a-t-il expliqué. Par conséquent, la Grèce devra réduire davantage ses dépenses budgétaires, ce qui provoquera de nouvelles émeutes. En fait, le défaut de paiement de la Grèce sera inévitable ".

Après cela, soit les puissances européennes devront aider la Grèce, soit elles devront la laisser quitter la zone euro, ce qui remettra en cause l’existence de la zone euro en soi, déclarent les experts.

L’Iran pris à son propre piège

Toutefois, le refus préventif de l’Iran de fournir du pétrole dans les pays de l’UE infligera également un préjudice à l’exportateur lui-même. D’ailleurs, ce préjudice sera pour l’Iran bien plus important que pour l’Europe, car le budget iranien dépend fortement des exportations pétrolières, a fait remarquer Valeri Nesterov.

"Les pertes financières s’élèveront à plusieurs dizaines de millions de dollars par jour, a-t-il déclaré. Car les exportations pétrolières et des hydrocarbures représentent 70-80% des recettes de l’Etat, dont l’économie est encore moins diversifiée que celle de la Russie". Konstantin Simonov déclare que la part des revenus pétroliers du budget iranien s’élève à 60%, "car l’Iran n’exporte pratiquement rien d’autre".

De plus, l’Iran devra organiser la vente du pétrole "européen" en Chine et en Inde. Et les Iraniens pourraient être forcés de le vendre à des prix plus bas.

La Chine s’est déjà lancée dans un jeu qui brouille les cartes aussi bien des Européens que des Iraniens. " L’Iran espérait qu’en refusant d’approvisionner l’Europe, le pétrole qui lui était destiné serait acheté par la Chine, le plus grand consommateur de pétrole iranien, et une certaine partie par l’Inde, explique Konstantin Simonov. Téhéran comptait sur une hausse des importations de la Chine non seulement pour sa consommation intérieure, mais également pour disposer de réserves stratégiques". Mais contrairement aux attentes, la Chine a réduit de moitié les achats de pétrole iranien et a doublé les importations de pétrole saoudien.

"La Chine poursuit deux objectifs : elle joue contre l’Europe en la privant de la possibilité d’acheter du pétrole saoudien dans des quantités nécessaires, et commence également à faire pression sur l’Iran pour diminuer le prix de son pétrole, déclare Konstantin Simonov. En fait, l’Iran s’est retrouvé piégé : le pays, dont il espérait une augmentation de sa demande, lui a porté un coup en-dessous de la ceinture". Quoi qu’on pense de l’Iran en tant que régime politique, la Chine s’est conduite avec perfidie, a fait remarquer l’expert.

De cette manière, l’Iran et l’Union européenne se retrouvent aujourd’hui pris au piège. En cas d’embargo, les pertes des deux côtés seront considérables.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала