La nouvelle incarnation du conservatisme américain

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On voudrait commencer par "Et pendant ce temps aux Etats-Unis…" Avec beaucoup d’imagination on pourrait comparer la campagne présidentielle américaine à la campagne électorale en Russie, bien que ce soit un phénomène intégralement américain.

On voudrait commencer par "Et pendant ce temps aux Etats-Unis…" Avec beaucoup d’imagination on pourrait comparer la campagne présidentielle américaine à la campagne électorale en Russie, bien que ce soit un phénomène intégralement américain. Les événements actuels aux Etats-Unis se réduisent non seulement à la formule simple "qui s’opposera au président Barack Obama en novembre", mais également à la formule complexe – à "quoi" M. Obama sera-t-il confronté, à quelle idéologie, autrement dit, quelle forme revêtira le parti républicain dans cette nouvelle phase de l’histoire américaine.

Les outsiders sont sortis de la course

Le principal événement d’hier concerne le texte d’un discours déniché dans des archives et prononcé par l’un des prétendants actuels à l’investiture du parti républicain à la présidentielle, Newt Gingrich, ancien président de la Chambre des représentants. Et il s’agit d’un discours de 1992.

Ce discours n’était pas confidentiel, mais il était réservé à un public restreint de l’Académie nationale d’administration publique. Dans ce discours Gingrich a taclé l’une des plus importantes personnalités pour tout républicain, Ronald Reagan, qui n’était plus président à l’époque.

Il s’avère que Reagan "n’estimait pas que le gouvernement avait de l’importance", sous-estimait le gouvernement en tant que "mécanisme institutionnel permettant de renforcer le comportement social."

A première vue, qu’y a-t-il d’effrayant? Plusieurs choses. Premièrement, Gingrich, membre de la Chambre des représentants à l’époque taclait, en fait en permanence, ses camarades supérieurs du parti. Deuxièmement, en 1992 il tenait un discours complètement différent par rapport à aujourd’hui. Cela donne une biographie d’un homme peu respectable: il était presque un démocrate et libéral de par ses convictions, mais il s’est rangé du côté des républicains parce que c’était plus pratique pour certaines raisons. Et s’il l’avait fait, il aurait dû se taire, au lieu d’étaler ses véritables convictions dans un cercle restreint.

Et le fait est que ces convictions vont complètement à l’encontre du crédo actuel, qui se forme progressivement, du parti républicain. Comme le disait personnellement Ronald Reagan, le gouvernement doit être réduit. Et les impôts doivent être bas. Et ainsi l’économie se portera bien.

Pour faire cette découverte on a fouillé dans les documents conservés à l’université de West Georgia. Les informations compromettantes ont été rassemblées par un ancien conseiller de Gingrich, actuellement professeur à la retraite. Et aujourd’hui il se trouve que cela peut servir.

On pourrait débattre du droit d’un homme, même dans un cercle restreint, de dire tout ce qu’il pense de ses dirigeants du parti. Ou au sujet de ce que chacun de nous a dit ou fait en 1992… Mais dans le cas présent il semble s’agir de techniques (qui sont probablement considérées comme normales dans la tradition politique américaine). Le fait est que les républicains ont clairement compris que Newt Gingrich n’était pas l’homme qui s’imposerait face à Obama, que même sa propre femme ne voterait pas pour lui.

Il n’est donc pas appelé à devenir le candidat des républicains.

De la même manière que toute une pléiade de personnages plus ou moins chenus, dont le public instruit se moquait pour la plupart, a disparu de l’horizon: Sarah Palin, Donald Trump, Michele Bachmann, John McCain, ainsi que ceux qui n’étaient pas forcément des républicains, ce qu’on appelle le Tea Party. Bref, des gens dont le passé est associé à l’époque de George W. Bush. Les républicains ont compris que le parti avait besoin d’être complètement renouvelé, aussi difficile que cela puisse être.

Rick Santorum était proche de la nomination (et il continue la course). Il est jeune, mais il est également considéré comme un extrémiste conservateur. Son principal inconvénient est d’être trop religieux et d’accuser ses adversaires (avant tout les démocrates) de "bafouer les fondements de la foi."

Finalement Romney

Début décembre, on pouvait lire déjà que Barack Obama serait très probablement opposé à Mitt Romney, ancien gouverneur du Massachussetts et homme d’affaires. A l’heure actuelle, il récolte effectivement de plus en plus de points dans les primaires, et on peut suivre ses succès grâce au "dossier" constitué par le New York Times sur les candidats. Romney a peu de liens avec Bush, il est relativement jeune, actif et déterminé (rien que la mâchoire typiquement américaine vaut déjà des points). Mais quelles sont ses autres qualités?

Il s’est avéré plus à droite par rapports à bien d’autres (Bush et même McCain), mais on estime à la fois qu’il pourrait reprendre à Obama certaines voix libérales et modérées. On peut comprendre cette énigme en regardant les questions réellement concernées par la campagne électorale. Certainement pas la politique étrangère – c’est, au contraire l’apanage des républicains les plus conservateurs. Mais on parle du chômage, des impôts, de l’assurance médicale et de l'avortement. Or les électeurs démocrates pourraient "mordre à l’hameçon", notamment en ce qui concerne les impôts, ainsi que la médecine.

En fait, le sens des événements actuels implique que les républicains ont déjà sélectionné préliminairement une nouvelle équipe, et aujourd’hui ils la mettent à l’épreuve, en la présentant d’abord à leur électorat. Et Romney a été le meilleur parmi les autres.

Et peu importe que Romney soit un mormon… Après tout, en 2008 les démocrates ont avancé le premier candidat noir (Barack Obama) et la première femme (Hillary Clinton), et cela a fonctionné. Ainsi, ce ne sont pas les mormons qui vont effrayer les Américains.

Fatidique et historique

Les historiens américains se penchent actuellement sur le fait que les élections réellement fatidiques étaient loin d’être toujours tendues. Par exemple, Franklin Delano Roosevelt a été élu en 1932 dans le cadre d’une campagne présidentielle plutôt paisible. Or des changements significatifs ont été mis en œuvre.

On dit cela probablement parce que la campagne électorale actuelle (qui a commencé depuis longtemps) ne paraît pas tendue, contrairement à 2008, lorsqu’Obama a été élu. Cela ne signifie pas que la victoire d’Obama est assurée. Ceux qui votent aux Etats-Unis sont depuis longtemps répartis de manière presque égale entre les républicains et les démocrates, et on ignore ce qui pourrait se produire cette fois.

Cette campagne se distingue par sa longueur et par le fait qu’elle se déroule en fait dans un seul camp. Chez les républicains. Et pas seulement parce que le candidat des démocrates est connu depuis longtemps.

La débâcle morale des républicains en 2008 a déséquilibré tout le système politique des Etats-Unis. Sous nos yeux on redéfinit ce qu’est un républicain aujourd’hui: un individu qui croit aux impôts bas et au gouvernement réduit (c’est-à-dire en la toute-puissance de l’initiative privée), il est contre l’avortement et, après Bush, très sceptique à l’égard d’une activité excessive à l’étranger.

Le processus se poursuit. On creuse jusqu’à ce qu’on touche le fond, c’est-à-dire jusqu’aux Pères fondateurs des Etats-Unis.

Il s’avère que le "redémarrage" d’un parti ancien et relativement puissant prend de longs et de longs mois. Et il semble que ce processus est actuellement plus important pour la partie républicaine des Etats-Unis que la recherche d’un candidat qui pourrait s’imposer face à Obama en novembre.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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