Attentat contre le président abkhaze: un rappel des points chauds de la CEI

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La tentative d’assassinat du président abkhaze Alexandre Ankvab perpétrée mercredi préoccupe vivement la Russie.

La tentative d’assassinat du président abkhaze Alexandre Ankvab perpétrée mercredi préoccupe vivement la Russie. "Il est évident que c’est une tentative visant à déséquilibrer la situation dans la république à la veille des élections législatives qui s’y tiendront prochainement", a déclaré le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Alexandre Loukachevitch. Il a également souligné que la politique du président abkhaze orientée sur l’évolution pacifique de la république était pleinement soutenue par la Russie.

Il convient de noter qu’hormis l’Abkhazie, il existe plusieurs points chauds potentiels dans l’espace postsoviétique. Bien sûr, le Caucase est en première position. Mais la situation en Asie centrale est telle qu’à un certain moment elle pourrait se transformer d’un mal de tête pour les diplomates russes en un problème concernant l’armée russe.

Les Etats reconnus et non reconnus


Tous les quatre Etats reconnus, deux partiellement reconnus et un non reconnu de cette région se trouvent entre eux à divers degrés en état de guerre froide, qui peut à tout moment dégénérer en une véritable guerre.

L’Arménie, en coalition avec le Haut-Karabakh qu’elle ne reconnaît pas elle-même, est en conflit avec l’Azerbaïdjan. La Russie avec l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, reconnues par trois autres pays, est en conflit avec la Géorgie.

Dans les deux cas, le problème des Etats non reconnus est la cause du conflit. Ceci est dû à la contradiction insoluble entre deux principes fondamentaux du droit international : l’intangibilité des frontières et le droit des peuples à l’autodétermination. On constate facilement que ces principes se contredisent mutuellement.

Le retour d’un Etat non reconnu au sein de son ancienne métropole ne s’est encore jamais produit dans le monde. Il existe trois autres options.

La première. L’ancienne  métropole reconnaît l'indépendance de l’Etat non reconnu. Jusqu’à présent, il n’existe qu’un seul précédent "à part entière" de ce genre : la reconnaissance de l’indépendance de l’Erythrée par l’Ethiopie. Ce précédent est dû uniquement au fait que les séparatistes érythréens ont participé en 1991 au renversement du gouvernement éthiopien.

A l’époque, leurs alliés éthiopiens ne pouvaient pas refuser aux Erythréens leur indépendance pour des raisons morales, d’autant plus qu’ils n’avaient pas suffisamment de forces pour résister à la province insurgée.

Dans une certaine mesure, on peut inscrire dans la même catégorie le cas du Timor oriental, dont l’Indonésie a été forcée de reconnaître l’indépendance. Toutefois, contrairement à l’Erythrée, l’ONU exigeait dès le départ la reconnaissance de son indépendance.

Deuxième option. La métropole rétablit par la force sa souveraineté dans l’Etat insurgé non reconnu, ce qui lève toute question et contradiction. Dans cette catégorie s’inscrivent le Biafra au Nigéria, le Katanga au Zaïre (actuellement la République démocratique du Congo), la république serbe de la Krajina en Croatie et la Tchétchénie en Russie.

Troisième option. La question est en suspens pour une longue période. Cela concerne l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud, le Haut-Karabakh, Chypre du Nord, le Cachemire, la Transnistrie, et depuis quelques temps Taïwan.

L’impasse caucasienne

Il est clair que la première option est exclue dans le Caucase. Bakou ne reconnaît pas l’indépendance du Haut-Karabakh, et Tbilissi refuse de reconnaître l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. La Géorgie ne peut pas mettre en œuvre l’option numéro 2 tant que la Russie soutient l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud.

En revanche, l’Azerbaïdjan, dont le potentiel militaire croît rapidement, voudrait mettre en œuvre l’option N°2 en ce qui concerne le Haut-Karabakh, mais il n’a pas suffisamment de forces pour l’instant. Toutefois, une deuxième guerre du Karabakh est pratiquement inévitable.

Cela s’explique par la ferme opposition mutuelle des deux côtés, l’incompatibilité totale de leurs positions et, surtout, l’impossibilité pour Bakou de préserver éternellement le statu quo, et pour l’Arménie l’inadmissibilité de la rupture totale du statu quo.

Le Groupe de Minsk ne peut rien y faire, bien que dans le cas présent ses membres (la Russie, les Etats-Unis et la France) fassent preuve d’une unanimité inédite et cherchent activement à parvenir à un règlement pacifique de la situation.

Cependant, leur forte influence sur Bakou et Erevan est insuffisante pour pousser l’un des pays à sacrifier ses intérêts nationaux vitaux. Le compromis semble impossible.

Quant au conflit avec la Géorgie autour de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, Moscou ne peut pas contribuer à son règlement, la Russie étant elle-même directement impliquée.

Des options pour la Transnistrie

Le problème des Etats non reconnus repose également à la base du conflit transnistrien. Toutefois, l’aspect ethnique n’y est pas autant exprimé, et pour cette raison l’intransigeance des parties est bien plus faible que dans le Caucase.

La Russie, qui n'a pas de frontière commune avec la Transnistrie et qui dépend intégralement de l’Ukraine en termes de maintien des liens avec l’Ukraine , cherche activement à régler ce conflit en créant une confédération regroupant la Moldavie et la Transnistrie. Il existe des chances d’y parvenir, et ce précédent serait alors le premier dans l’histoire contemporaine.

Toutefois, il ne faut pas écarter "l’option érythréenne". Bucarest et Chisinau examinent activement la possibilité de "remettre en liberté" la Transnistrie, après quoi le reste de la Moldavie sera annexé à la Roumanie. L’option militaire est impossible.

Une Asie centrale explosive

Il n’y a pas d’Etats non reconnus en Asie centrale. Toutefois, les conflits intérieurs latents sont nombreux. L’Ouzbékistan pourrait en devenir la principale source. Il dispose d’un potentiel économique, démographique et militaire très important pour la région, il est situé au centre de celle-ci et est limitrophe des quatre autres pays de la région, ainsi que de l’Afghanistan. Le pays est sous la coupe d'un régime autoritaire et le niveau de corruption y est très élevé.

L’opposition mondaine démocratique à Islam Karimov a subi un "nettoyage" complet, et les islamistes radicaux sont la seule véritable opposition au régime de Tachkent. Avant tout, l’organisation islamiste Hizb ut Tahrir (parti de la libération). Bien que ce parti ait été créé à Jérusalem en 1953, c’est l’Ouzbékistan qui est l’un de ses principaux bastions à l’heure actuelle. Le Mouvement islamique d’Ouzbékistan est tout aussi connu.

La vallée de Ferghana sert de base principale aux islamistes. La densité de population y est très élevée, le taux de chômage est énorme et le niveau de vie est extrêmement bas. Par ailleurs, les frontières du Kazakhstan, de l’Ouzbékistan, du Kirghizstan et du Tadjikistan se croisent ici.

Par endroits, s’il était possible de se déplacer en ligne droite par les montagnes, en parcourant seulement 100 km on pourrait aller du Kazakhstan au Tadjikistan, en passant par le Kirghizstan et l’Ouzbékistan.

C’est dans cette région que le brassage ethnique est le plus important. D’une part, les Tadjiks en Ouzbékistan veulent récupérer Boukhara et Samarkand. D’autre part, les Ouzbeks au Tadjikistan et au Kirghizstan sont une "minorité ethnique"si grande, qu’elle est devenue la majorité dans certaines régions. Ce qui, étant donné l’immense supériorité de l’Ouzbékistan sur ces pays quant au nombre d’habitants, de la puissance militaire et du potentiel économique, amène ces pays à craindre pour leur propre indépendance.

En fait, cette partie de l’ex-URSS représente aujourd’hui l’une des régions potentiellement les plus explosives du monde. En témoigne le fait qu'une partie des frontières entre ces pays (anciennes républiques soviétiques) est minée.

Les litiges concernant l’eau et les ressources énergétiques compliquent considérablement les relations intergouvernementales. Les principaux fleuves de la région prennent leur source au Kirghizstan et au Tadjikistan, qui peuvent réguler leur débit en créant un manque d’eau artificiel pour les centrales électriques et les systèmes d’irrigation chez les voisins. L’Ouzbékistan a récemment quitté le système énergétique unifié d’Asie centrale, mis en place dans les années 70, ce qui a créé de problèmes chez ses voisins.

Le Kirghizstan et le Tadjikistan sont des pays faibles sous tous les aspects. Les experts emploient à leur égard les termes d'"Etats défaillants". Le niveau de vie y est très bas, et le niveau du chômage et de la corruption est très élevé.

Hormis les conflits entre les autochtones et les Ouzbeks, on note également la confrontation entre divers clans, les islamistes et les autorités laïques. Les organisations criminelles, avant tout la narcomafia, sévissent de manière très active.

Le facteur russe

La Russie ne peut en aucun cas régler les problèmes intérieurs des pays d’Asie centrale. Mais le simple fait de son existence permet d’empêcher les conflits intergouvernementaux dans cette région.

Elle devra presque inévitablement défendre l’Asie centrale contre l’invasion des talibans, qui sera fortement probable après le retrait des troupes américaines et de l’Otan d’Afghanistan dans deux ans, ce qui pourrait provoquer la révolte des islamistes locaux.

Si c’était le cas, on assisterait à une guerre longue et sanglante. Et Moscou serait contraint d’y prendre part non pas tant pour accomplir son devoir d’allié que dans le but d’empêcher l’expansion des islamistes au Kazakhstan, puis en Russie même.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction


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