Le BRICS peine à passer des paroles aux actes

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A New Delhi se déroule la quatrième rencontre au sommet des pays réunis sous l'acronyme BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).

A New Delhi se déroule la quatrième rencontre au sommet des pays réunis sous l'acronyme BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Certains qualifient chaque sommet de dernier souffle d'une union artificielle d'Etats extrêmement différents, d'autres parlent d'une véritable percée vers la formation de la plus puissante alliance de pôles du monde multipolaire. Que se passe-t-il en réalité? Pourquoi ce format inhabituel existe-t-il et évolue-t-il en dépit du scepticisme, sans toutefois parvenir à se remplir d'un contenu pratique?

Dans l'article-programme de Vladimir Poutine consacré à la politique étrangère, publié à une semaine de l'élection présidentielle du 4 mars 2012, le futur président perçoit positivement la coopération dans le cadre du BRICS. Cela aurait pu être considéré comme une simple politesse diplomatique dans l'esprit des discours-programmes ordinaires. Cependant, l'auteur a souligné un aspect inhabituel.

Vladimir Poutine constate un facteur d'unification dans le fait que tous les pays membres de cette alliance non seulement voient de manière similaire l'ordre mondial nécessaire (multipolaire) mais, surtout, partagent une valeur fondamentale. A savoir, la souveraineté nationale en tant qu'élément structurel de base du système international.

C'est une alternative conceptuelle à l'approche occidentale qui part du fait qu'aujourd'hui la souveraineté n'est plus aussi sacrée et inviolable qu'auparavant.

En effet, tous les pays du BRICS sont des Etats ayant une souveraineté presque totale. Cela signifie qu'ils ont une large liberté d'action qui n'est pas limitée par des alliances formelles et ils disposent de capacités matérielles suffisantes.

De tels pays ne sont pas très nombreux dans le monde, les puissances européennes, par exemple, qui disposent de leur propre base économique sont souvent bien plus restreints sur le plan politique. Cependant, on ignore pour l'instant si cette solidarité conceptuelle est suffisante pour développer dans la pratique une coopération économique, géopolitique, idéologique et politique. Il existe bien trop de différences évidentes. Ce n'est pas un hasard si chaque réunion au sommet dans le cadre du BRICS provoque un nouveau cycle de débats sur les perspectives de ce format international inhabituel.

En effet, il est difficile de trouver un groupe de puissances qui soient encore plus éloignées les unes des autres pratiquement sur tous les aspects – culturel, civilisationnel, géopolitique, démographique, etc.

Cependant, le BRICS continue de se réunir régulièrement, cette fois en Inde, et attire, d'ailleurs, de plus en plus l'attention à chaque réunion. Quel est le secret d'une telle union? Vladimir Poutine a raison de dire que le BRICS est soudé et poussé au développement moins par la nécessité intérieure émanant des pays membres que par la situation globale dans le monde.

Tout change de manière rapide et imprévisible, et les recettes pour régler les problèmes internationaux proposées par les leaders habituels (l'Occident), soit ne fonctionnent pas, soit donnent le résultat contraire. Le chaos idéologique et conceptuel total qui règne dans la politique des principales puissances à l'égard du Moyen-Orient en est une preuve supplémentaire.

Un besoin d'alternative apparaît, mais pour l'instant aucun des Etats jouant un rôle régional important, or ce sont eux qui composent le BRICS, n'a la possibilité (ou la volonté) de proposer une vision globale universelle. Séparément, il est plus avantageux pour chacun d'eux de rester dans l'ombre, car leur importance est reconnue de toute façon, mais personne ne veut endosser de responsabilité. (Dans une certaine mesure la Russie est une exception, car elle a une inertie sur l'échiquier mondial, mais qui semble s'affaiblir.) Mais le monde devient de plus en plus multiéléments, et les puissances non-occidentales, en dépit de tous les doutes et différends, ne veulent pas laisser passer l'occasion de montrer leur solidarité.

Toutefois, cette aspiration est plutôt verbale et n'est pas vraiment mise en œuvre. Le potentiel du BRICS en tant qu'entité internationale très influente n'est pratiquement pas réalisé.

Ainsi, le BRICS a fait preuve de solidarité sur la question libyenne pendant le vote au Conseil de sécurité des Nations Unies en mars 2011, mais au début de 2012 les positions des Etats membres étaient différentes sur la Syrie.

Il existe des différends bien plus forts qui font en permanence l'objet de griefs de certains membres du BRICS contre les autres. Le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud se prononcent en faveur de l'extension du nombre des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, dont la composition, comme tout le monde le reconnaît, ne correspond plus depuis longtemps à la répartition des forces dans l'arène internationale.

Ces trois pays se considèrent comme des favoris évidents pour le choix de nouveaux membres permanents et, en principe, peu le contestent. Cependant, chaque fois que cette affaire arrivait au stade pratique, les membres permanents actuels du Conseil de sécurité, y compris évidemment la Russie et la Chine, commençaient à prétendre que cela ne les concerne pas et que dans l'ensemble c'est une question très complexe. Rien d'étonnant à cela, après tout dans l'histoire il n'est pratiquement jamais arrivé que des Etats ayant des privilèges les partagent volontairement avec les autres. Toutefois, cette situation est défavorable pour le renforcement et la consolidation du BRICS.

En fait, les relations entre la Chine et ses voisins sont le point faible du BRICS. L'Inde est très méfiante vis-à-vis des éventuelles conséquences pour elle de la croissance géopolitique et militaire de la Chine. En dépit de la hausse des échanges commerciaux et de l'interdépendance économique, la tension traditionnelle entre les deux plus grandes puissances asiatiques ne diminue pas, ce serait plutôt l'inverse.

Dans la Stratégie-2020 récemment publiée en Russie, il est également dit que la croissance de la Chine représente le plus grand risque pour la Russie.

Moscou ne s'était encore jamais exprimé de manière aussi ouverte, du moins dans des documents d'un tel statut. Cela ne signifie certainement pas un changement de politique, mais ce nouveau ton ne passera pas inaperçu en Chine.

Dans l'ensemble, plus les questions générales sont à l'ordre du jour du BRICS, plus les chances de trouver un terrain d'entente sont élevées, et plus les tensions sont nombreuses au fur et à mesure qu'on se rapproche de ce qui est concret. Néanmoins, tous les membres de cette alliance sont clairement intéressés par sa conservation, au moins dans un format cadre. La capacité de la structure même du BRICS de se développer en dépit du scepticisme général laisse espérer que l'évolution se poursuivra.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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