Viktor Bout, 25 ans de prison pour une conversation imprudente

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Depuis que le Russe Viktor Bout a été reconnu en novembre 2011 par les jurés américains coupable de complot visant à assassiner des citoyens et des représentants officiels américains, de tentative d'achat et de vente de missiles et de soutien du terrorisme via la coopération avec les Farc, le verdict n'est plus qu'une affaire technique.

Depuis que le Russe Viktor Bout a été reconnu en novembre 2011 par les jurés américains coupable de complot visant à assassiner des citoyens et des représentants officiels américains, de tentative d'achat et de vente de missiles et de soutien du terrorisme via la coopération avec les Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie), le verdict n'est plus qu'une affaire technique.

Autrement dit, après le verdict de culpabilité rendu par les jurés, il ne restait plus au juge qu'à décider du nombre d'années que Bout passerait derrière les barreaux. La sentence est tombée: 25 ans. Alors que l'accusation avait requis la perpétuité.

Une pratique courante aux USA

Rappelons comment les Etats-Unis ont procédé pour jeter Viktor Bout en prison. Aux Etats-Unis, il est une sorte d'antihéros national, on le qualifiait même de "clone de Ben Laden".

Bien qu'il ne soit pas terroriste mais "seigneur de la guerre", autrement dit marchand d'armes.

Or aucune accusation de trafic d'armes n'a été lancée contre lui. Il existe seulement des suppositions sur ses intentions "extorquées" par des agents provocateurs américains.

Et c'est un fait intéressant en soi. Les preuves n'ont pas pu être rassemblées parce que c'est une vieille affaire – la compagnie de transport de Bout en Afrique a fermé ses portes en 2001?

Ou simplement parce qu'il n'existe réellement aucune preuve?

En fait, il a été condamné à 25 ans de prison pour une conversation. Parce qu'il  est tombé dans le piège d'une provocation de la police.

Des agents américains "banalisés" à Bangkok lui ont demandé de vendre 800 missiles antiaériens pour les Farc. Et ce dans le but de tuer des citoyens américains.

Il aurait dû se lever et partir, mais il ne l'a pas fait, il hochait simplement la tête avec compassion en disant que les Américains étaient également ses ennemis (propos enregistrés avec un micro). Il affirme qu'en réalité il voulait vendre à ces gens le reste de son parc d'avions de transport. Mais en fin de compte, il n'a rien vendu ou acheté, mais a simplement parlé.

Et c'est alors que les Américains l'ont remis aux autorités thaïlandaises, ont ajouté au dossier l'enregistrement de la conversation, puis a suivi la longue et honteuse histoire de son extradition vers Etats-Unis, en violation des lois de la Thaïlande.

La principale particularité de l'affaire Bout aux yeux du public russe est le fait que la majorité des Russes ne croiront jamais qu'on puisse condamner un individu à une peine aussi longue pour une simple conversation. Cela rappelle la terreur stalinienne – 10 ans de prison pour une histoire drôle sur le guide suprême de la révolution prolétarienne mondiale. C'est la raison pour laquelle aux yeux du public russe cette affaire restera abjecte et, par conséquent, le gouvernement russe ne peut pas ne pas réagir.

Mais pour les Etats-Unis c'est une pratique courante. Les condamnations à des peines d'emprisonnement absurdes pour des délits mineurs, à nos yeux, sont très fréquentes.

En juillet 2007, la fondation Perspective historique de Natalia Narothnitskaïa de Moscou a préparé un rapport sur les droits de l'homme aux Etats-Unis et dans l'Union européenne. Il est rédigé de la même manière que les rapports similaires du département d'Etat américain – d'après les sources ouvertes, c'est-à-dire la presse et les rapports des organisations de défense des droits de l'homme.

Ce rapport évoque notamment les cas d'emprisonnement à vie de mineurs et les erreurs judiciaires ("des centaines de milliers d'innocents sont en prison", c'est la conclusion des Américains), l'application de la peine capitale: le 17 janvier 2006, en Californie, Clarence Allen, âgé de 76 ans, qui avait passé 23 ans dans le couloir de la mort, se déplaçait en fauteuil roulant et était pratiquement aveugle, a été exécuté. Et ainsi de suite.

Peu de gens en Russie savent qu'après son arrivée au pouvoir en janvier 2009, le président Barack Obama s'est attelé au délestage des prisons, car à cette époque le pays avait établi un record mondial avec 2,2 millions de détenus. Il existait un programme de réhabilitation des détenus à la vie normale et autres. Mais le fond du problème était le manque de prisons.

Ce qu'il a réellement fait

Mais étant donné qu'encore beaucoup de personnes en Russie pensent que l'arbitraire judiciaire et pénitencier n'existe pas dans une "démocratie", les Russes ont leur propre vision spécifique de l'affaire Bout. Beaucoup souhaitent découvrir ce qu'il a fait "en réalité".

La version la plus "exotique" est qu'il est impliqué dans le vol du missile Granit (avec une tête nucléaire!) du sous-marin Koursk, qui (le missile!) a percuté le Pentagone le 11 septembre 2001. Mais n'a pas explosé. (Les photos des dégâts du Pentagone circulent sur internet.)

Alors cela explique tout le reste, et il est clairement le terroriste numéro deux après Ben Laden. Bien qu'il existe des versions moins fantaisistes disant que Bout connaîtrait des secrets du renseignement russe, ou qu'il lui aurait fait du tort, et a été "vendu" pour cette raison.

Cependant, la théorie du complot est plutôt un phénomène du siècle dernier. Le XXIe siècle est bien plus terrifiant – c'est l'ère des fantômes informationnels du web, lorsqu'il existe un individu réel et un mythe informationnel, mais que cet individu réel se retrouve tout de même derrière les barreaux.

Récemment, on écrivait qu'un mythe similaire avait été créé autour de l'ex-directeur du Fonds monétaire international (FMI) Dominique Strauss-Kahn, et essayez de prouver aujourd'hui que le politique et le financier talentueux (et obsédé, en effet, par les femmes) n'est pas un gorille sexuellement possédé battu dans l'arène informationnelle par les combattants de la dignité féminine.

Un mythe informationnel a été également créé autour de Viktor Bout. Aujourd'hui, il est difficile de croire qu'il ne vendait pas d'armes, qu'il n'y avait aucune preuve contre lui, mais il fallait forcément le mettre en prison, vu que le mythe du "marchand de mort" qui existait déjà était connu par tous les Américains.

Néanmoins, Viktor Bout n'est pas un mythe, mais un homme qui existe réellement, et on peut même lui envoyer une lettre à adresse suivante: Viktor Bout R/N 91641-054.

Evidemment, l'affaire Bout avec le verdict actuel n'est pas close. Elle restera quelques chose qui divise non pas deux Etats, mais, pire encore, deux sociétés. A peu près comme l'histoire de la mort des enfants russes adoptés par des familles américaines.

Et c'est la raison pour laquelle les gouvernements des deux pays doivent trouver une solution. Même s'il faut pour cela inventer un nouveau mythe, proclamer Bout super-espion et l'échanger contre un autre super-espion américain. Un mythe de plus ou de moins…

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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