Le nouveau monde, les nouveaux défis et les changements dans la diplomatie russe

© RIA Novosti . Sergej Mamontov / Accéder à la base multimédiaVladimir Poutine et Dmitri Medvedev
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Après l'investiture présidentielle de Vladimir Poutine le 7 mai, il nommera son premier ministre qui, sera, comme cela a été annoncé à plusieurs reprises, Dmitri Medvedev.

Après l'investiture présidentielle de Vladimir Poutine le 7 mai, il nommera son premier ministre qui, sera, comme cela a été annoncé à plusieurs reprises, Dmitri Medvedev. A son tour, le premier ministre annoncera la composition du nouveau gouvernement, y compris le nom du nouveau (ou de l'ancien) ministre des Affaires étrangères.

Toutefois, les principaux axes de la politique étrangère sont déterminés par le président russe, qui prend également les décisions dans ce domaine. Faut-il s'attendre à des changements dans la politique étrangère russe avec l'arrivée du nouveau président? RIA Novosti a interrogé plusieurs experts étrangers pour connaître leur perception de la position de la Russie sur la scène internationale à l'heure actuelle, et quelles sont les transformations attendues avec le retour de Vladimir Poutine.

Les politologues étrangers s'accordent à dire que même s'il fallait s'attendre à des changements, ils ne seraient pas associés au changement de président. Ils sont convaincus que même pendant le mandat de Medvedev, Poutine ne lâchait pas les rênes de la politique étrangère. Il y avait des différences stylistiques entre les présidents, mais le fond de leur politique restait le même.

Mais la majorité des experts s'attendent tout de même à des changements associés à l'évolution objective des relations internationales dans le monde.


La Russie et l'UE: le principal défi de la politique russe

"La principale caractéristique de la politique de la Russie, c'est la réactivité. La Russie est forcée de réagir au flux des événements extérieurs qui change rapidement, et c'est la raison pour laquelle il y aura forcément des changements", déclare Pavel Baïev, de l'Institut international de recherches sur la paix d'Oslo.

Selon lui, Poutine se retrouvera dans une situation différente de celle de Medvedev en arrivant au pouvoir et de la sienne huit ans auparavant. "La Russie devra se décider sur le déclin de l'Europe, sur l'affaiblissement considérable de l'Union européenne, qui était le principal partenaire et le principal modèle, une référence…C'est le principal défi pour la politique russe", explique l'expert.

Pour Pavel Baïev, il est évident que la crise économique de l'UE est profonde et qu'il sera impossible de la surmonter à court terme. Selon le politologue norvégien, la division au sein de l'Europe ouvre certaines possibilités supplémentaires pour la Russie. Mais en même temps, l'imbrication des mécanismes économiques, des capitaux et des liens culturels est si forte, que la crise européenne affecte la Russie.

Ilan Berman, vice-président du Conseil pour la politique étrangère américaine, rejoint le point de vue de Pavel Baïev. Il estime également que la crise économique de l'Union européenne et l'affaiblissement de l'UE constituent un problème pour la Russie. Selon lui, Poutine est déjà à la recherche de nouveaux axes, en prenant en compte l'Orient et l'Asie centrale.

Stefan Melle, directeur de l'organisation non gouvernementale German-Russian Exchange de Berlin, déclare que d'une part, les problèmes économiques de l'UE sont évidents. Prenons l'exemple de la récente déclaration annonçant que 25% de la population espagnole était sans emploi. Mais d'autre part, l'attractivité de l'UE en tant que modèle de société et de système intérieur reste encore forte, du moins en Russie. Selon le politologue, l'Union européenne demeure à la première place parmi les destinations choisies par les émigrés russes.

En termes d'économie et de politique énergétique, les relations entre la Russie et l'UE sont plutôt bonnes, estime Melle. Avant tout, cela concerne les contacts entre Moscou et Berlin.

En revanche, sur la question des visas, selon l'expert, ces relations sont plutôt dans l'impasse."Même en dépit de l'adoption de la nouvelle feuille de route pour la simplification de la délivrance des visas, je ne vois aucune action réelle", déclare-t-il.

A titre d'obstacles objectifs, le politologue allemand parle de la présence en Europe d'un grand scepticisme envers le système politique russe. "Tant qu'il n'y aura pas de véritables élections, de véritable pluralisme et de véritable lutte conte la corruption, l'Union européenne freinera cette procédure", affirme-t-il.

Le professeur Peter Oppenheimer, d'Oxford, accorde également une place importante aux problèmes de la politique intérieure vis-à-vis de la politique étrangère. Les relations de la Russie avec le Royaume-Uni, selon lui, dépendent directement de l'état de la démocratie en Russie. La Grande-Bretagne est la plus ancienne démocratie et se considère toujours comme un modèle du régime parlementaire pour le monde entier.

"Pour améliorer le statut général de la Russie auprès d'autres pays, le perfectionnement des mécanismes électoraux et l'apparition d'une véritable opposition civilisée est très souhaitable, affirme le scientifique. Au Royaume-Uni on ne comprend pas pourquoi il a fallu falsifier l'élection si de toute manière plus la moitié de la population soutient Poutine."

Oppenheimer estime qu'il n'existe aucun problème sérieux entre le Royaume-Uni et la Russie, hormis l'affaire du meurtre d'Alexandre Litvinenko, car Londres soupçonne toujours Andreï Lougovoï d'en être l'auteur. Mais on ne peut pas dire que ce soit une affaire d'une immense importance stratégique.

Selon un analyste anonyme du Bureau de sécurité nationale de Pologne, Varsovie ne s'attend pas à des changements radicaux dans la politique étrangère de la Russie. La Pologne compte sur une amélioration du niveau de confiance et de transparence entre les deux pays. L'expert qualifie Poutine d'homme politique avec lequel il est possible de parvenir à des accords qui seront ensuite respectés par les deux parties.

Néanmoins, les litiges concernant le massacre de Katyn et le crash de l'avion du président Kaczynski ne sont toujours pas réglés, selon les autorités polonaises. Elles critiquent la Russie pour son opacité, le refus de coopérer concernant Katyn avec la Cour de Strasbourg et celui de transmettre tous les dossiers sur cette affaire aux juges européens. Cela concerne également la situation avec le rapport du Comité interétatique de l'aviation (MAK) au sujet du crash aérien de Smolensk. Il faudra prendre en compte cette position dans les relations avec la Pologne.

La Russie et les USA: la crise de l'ABM se dégonflera

Une expression américaine dit que si on a des problèmes à la maison, il faut se tourner vers la politique étrangère. Selon Ilan Berman, Poutine utilisera cette tactique parce qu'il existe de graves problèmes intérieurs en Russie d'ordre démographique, interethnique et interreligieux.

Mais il existe également des problèmes extérieurs – les relations avec l'UE, avec les Etats-Unis, etc. Selon lui, Poutine devra trouver le juste milieu entre les priorités intérieures et extérieures.

En ce qui concerne les relations entre la Russie et les Etats-Unis, M. Berman estime que du côté américain le "redémarrage" était pour l'instant très unilatéral. "L'administration du président Obama a déjà beaucoup donné, par exemple en réduisant les armes de destruction massive, mais le ton des relations mutuelles n'a pas encore changé", déclare-t-il.

Obama a montré qu'il souhaitait améliorer considérablement les relations avec Moscou et qu'il travaillerait dans ce sens pendant son second mandat, s'il est réélu. Pour l'instant, on ne voit pas de telle aspiration de la part du candidat Romney. C'est la raison pour laquelle il est préférable pour le Kremlin qu'Obama remporte la course présidentielle. L'administration républicaine serait plutôt orientée sur la concurrence avec la Russie.

Pavel Baïev n'est pas de cet avis. "Poutine préférerait voir un nouveau visage à la Maison blanche, car au cours de ces années Obama a beaucoup investi de temps et d'efforts dans l'établissement du dialogue avec Medvedev, déclare le politologue. Même si un homme avec des idées plus problématiques pour la Russie arrivait au pouvoir, il serait plus simple pour Poutine de construire les relations ex nihilo."

Quant à la pierre d'achoppement traditionnelle dans les relations russo-américaines, le système américain de défense antimissile en Europe de l'Est et centrale, Pavel Baïev ne considère pas cette question comme déterminante.

"Le problème de l'ABM est très exagéré et placé artificiellement au centre des relations entre la Russie et les Etats-Unis. Je pense que peu à peu cette crise se résorbera, déclare l'expert norvégien. Son côté technique ne présente aucun risque particulier. A une certaine étape il a été pratique de lancer cette crise. Je pense que cette étape est franchie, et il sera utile pour les deux parties de réduire cette crise à sa véritable échelle."

Ilan Berman fait remarquer que récemment certains militaires russes avaient reconnu la présence d'une menace pour la Russie émanant de la Corée du Nord et de l'Iran. "Et s'il existe une menace, le système ABM en Europe devient utile pour la Russie également. Mais pour l'instant, aucune discussion à ce sujet n'a eu lieu. Jusqu'à présent, seul l'antagonisme était présent dans les négociations sur l'ABM", reconnaît le politologue américain.

La Russie et la Chine: une diplomatie prudente

"Les intérêts géopolitiques de la Russie et des Etats-Unis se rejoignent avant tout sur le point qui concerne la Chine", affirme Pavel Baïev. Tous les experts interrogés par RIA Novosti soulignent l'accroissement impétueux au cours de la dernière décennie du rôle du voisin oriental de la Russie sur la scène internationale, et la nécessité de concilier la politique étrangère russe avec ses intérêts.

Pavel Baïev estime que les positions de la Russie s'affaiblissent par rapport à l'économie de l'Etat le plus peuplé du monde qui croît rapidement, et elle doit faire preuve d'une diplomatie très subtile et prudente.

"Il est bien plus difficile de trouver un terrain d'entente avec les Chinois qu'avec les Européens. Aussi bien en raison des différences culturelles que du bagage politique, déclare-t-il. On ne sait jamais sur quel pied danser avec eux, quel ton il est préférable d'adopter. Les écarts culturels sont très grands, et les processus locaux sont incompréhensibles. Ils vivent selon des lois complètement différentes. Il est difficile de s'y adapter."

Il est également difficile d'établir des relations permanentes avec la Chine parce que dans chaque région et dans chaque conflit elle adopte une position différente, en fonction de ses propres intérêts immédiats, estime Pavel Baïev. La Chine est avant tout intéressée par les problèmes intérieurs.

Stefan Melle est du même avis. "Le principal moteur de la politique étrangère de la Chine est la recherche des ressources nécessaires, aussi bien en Asie qu'en Afrique. On ne constate pour l'instant aucune agressivité dans cette politique. La Russie devra s'orienter à part égale sur l'Europe et la Chine", estime-t-il.

Ilan Berman fait remarquer que durant les dernières semaines l'administration d'Obama avait déplacé son centre d'attention du Proche-Orient vers l'Asie. Les Américains accordent de plus en plus d'attention à la mobilisation militaire de la Chine, à ses relations avec ses voisins, y compris la Russie.

D'une part, Berman prédit l'extension de la coopération entre la Russie et la Chine, et d'autre part – la concurrence pour les ressources et l'influence sur la politique des Etats d'Asie centrale. Les Etats-Unis défendent dans cette région leurs propres intérêts et jouent un rôle significatif, mais l'équilibre des relations sino-russes sera plus important pour l'évolution de la situation dans cette région (notamment après le départ des Américains d'Afghanistan).

La Russie et le Proche-Orient: une position plus précise

Selon Ilan Berman, le Kremlin, qui aspire à jouer le rôle de superpuissance au Proche-Orient, doit adopter une position plus claire et précise à l'égard de la Syrie et de l'Iran. Et selon l'expert, cette politique ne doit pas aller à l'encontre de la politique de l'Onu et de la Maison blanche.

Ilan Berman estime qu'Israël ne croit plus au succès des sanctions internationales contre l'Iran. Les Israéliens se demandent sérieusement quelles mesures ils devraient prendre aujourd'hui. "Il est très important qu'Israël ne soit pas isolé et qu'il soit soutenu non seulement par les Etats-Unis, mais également par la Russie, déclare Berman. Parce que la Russie devient de plus en plus un partenaire diplomatique d'Israël. La Russie doit être consciente des stratégies éventuelles d'Israël à l'égard de l'Iran."

Pavel Baïev qualifie l'Iran de problème très complexe. On ignore comment régler ce conflit de longue date. Mais selon l'expert, dans la crise autour du programme nucléaire iranien la Russie s'orientera principalement sur la Chine, plutôt que d'essayer de négocier avec les Etats-Unis.

"La situation autour du règlement du conflit israélo-arabe est très floue, constate le politologue. Après le printemps arabe, ce processus ne se réduit plus aux relations entre Israël et les Palestiniens. On ignore ce qui se passera en Syrie. Il y a peu de possibilités d'avancer, et je ne pense pas que la Russie ait la capacité d'entrer dans ce jeu."

La Russie et les pays de l'ex-URSS: la crise imminente en Ukraine

L'analyste anonyme polonais fait remarquer qu'il existe des litiges entre la Russie et les anciennes républiques soviétiques qui veulent adhérer à l'UE et à l'Otan. Notamment avec la Géorgie. Mais selon lui, les relations russo-géorgiennes ne devraient pas se détériorer avant l'élection d'octobre en Géorgie.

Il y a beaucoup de questions concernant l'Ukraine et l'influence de la Russie sur sa politique étrangère. "Nous voulons que les pays voisins de la Russie puissent eux-mêmes choisir leur voie", déclare l'expert polonais.

Pavel Baïev est convaincu que la Russie sera prochainement appelée à participer au règlement d'un grand problème d'actualité en Ukraine. "Viktor Ianoukovitch, le président ukrainien, s'est lui-même mis au pied du mur. Et Poutine devra accorder à cette situation plus d'attention qu'il ne le voudrait", explique-t-il.

Le politologue avertit que la crise en Ukraine pourrait provoquer un grave cataclysme. "En commençant de gouverner de manière très énergique et en rétablissant le contrôle de la politique ukrainienne, Ianoukovitch a commis de telles erreurs, que la crise paraît très grave. L'arrestation de Ioulia Timochenko est une manœuvre politique contreproductive et autodestructrice", affirme l'expert.

Pour preuve, les Européens sont de plus en plus nombreux à appeler à boycotter l'Euro-2012 en Ukraine en juin. Selon l'expert, pour l'instant on ne voit aucune réaction claire de la part de la Russie aussi bien à ces déclarations qu'à la détention de Ioulia Timochenko.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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