Syrie: l'ONU impuissante, l'ingérence à l'horizon?

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116 tués, plus de 300 blessés: tel est le bilan préalable du bain de sang qui a eu lieu le vendredi 25 mai, dans le village syrien de Houla près de Homs. Les observateurs de l'ONU déployés en Syrie se sont rendus sur les lieux de la tragédie et ont confirmé le massacre des civils.

116 tués, plus de 300 blessés: tel est le bilan préalable du bain de sang qui a eu lieu le vendredi 25 mai, dans le village syrien de Houla près de Homs. Les observateurs de l'ONU déployés en Syrie se sont rendus sur les lieux de la tragédie et ont confirmé le massacre des civils. Les films amateurs terrifiants montrant des corps mutilés des enfants sont tellement choquants par leur brutalité que les chaînes internationales de télévision ont refusé de les diffuser.

Le Conseil de sécurité des Nations unies s'est réuni dimanche soir en urgence mais n'a voté aucune résolution en se limitant à une déclaration qui condamne résolument les auteurs du crime atroce.

Les événements de Houla pourraient servir de prétexte à une ingérence militaire directe des pays de l'Otan et des monarchies du Golfe dans le conflit syrien.

Massacre à la veille de la visite d'Annan: une provocation?

Le bain de sang de Houla a précédé de deux jours la visite à Damas de Kofi Annan, émissaire spécial du secrétaire général de l'ONU. Les diplomates russes ont justement mis en évidence ce fait au cours des discussions au Conseil de sécurité des Nations unies.

La Russie ne s'empresse pas de rejeter la responsabilité sur l'une des parties en conflit en partant de l'idée qu'il s'agit d'une provocation bien préparée. "Nous ne pouvons pas admettre que ces meurtres aient été commis dans l'intérêt du gouvernement syrien à la veille de la visite de Kofi Annan", a déclaré aux journalistes Alexandre Pankine, premier adjoint de l'ambassadeur russe à l'ONU. Selon le diplomate russe, "le massacre profite à ceux qui appellent à la lutte armée dans le but de saboter le processus de paix." M. Pankine n'a pas exclu non plus l'implication éventuelle de services de renseignement étrangers.

Les pays occidentaux estiment au contraire que le bain de sang a été perpétré par l'armée syrienne qui ne prend pas de gants avec les islamistes de l'opposition. Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a qualifié l'opération de l'armée syrienne à Houla de massacre, et le général Robert Mood, chef de mission d'observateurs de l'ONU en Syrie qui a participé par vidéoconférence à la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, a déclaré que "les circonstances de la tragédie [n'étaient] pas claires et [faisaient] objet d'une enquête." Le général a noté par ailleurs que l'armée syrienne utilisait l'artillerie et les blindés dans sa lutte contre l'opposition armée.

De son côté, le gouvernement syrien a rejeté l'entière responsabilité sur les militants d'Al-Qaïda. "Nous nions toute responsabilité des forces gouvernementales dans cet événement. Nous condamnons fermement le massacre terroriste qui a pris pour cible le peuple syrien: femmes, enfants, vieillards. L'armée syrienne n'agit pas de cette manière", a déclaré aux journalistes à Damas le porte-parole du ministère syrien des Affaires étrangères Jihad Makdissi.

Selon l'opposition syrienne à l'étranger, l'armée gouvernementale syrienne avait soumis Houla à un bombardement d'artillerie après la manifestation de vendredi dernier, ensuite des soldats syriens en civil seraient entrés dans la ville et auraient abattu les habitants à bout portant.

Le plan Annan "peut aller au diable"

Au moment où les observateurs de l'ONU venant de débarquer à Houla examinaient les lieux de la tragédie, les partisans locaux de l'opposition ont organisé une manifestation avec des banderoles "Le plan Annan peut aller au diable."

En fait, les efforts de l'ONU pour pacifier la Syrie étaient d'entrée de jeu voués à l'échec. Selon les règles de l'ONU, une opération de maintien de la paix commence par la mise en place d'un cessez-le-feu réel, ensuite les observateurs débarquent dans le pays avec l'accord de toutes les parties en conflit pour être déployés le long de la ligne de séparation des belligérants.

En Syrie, il n'y avait vraiment ni cessez-le-feu, ni ligne de séparation. Or, les observateurs ne sont pas armés. Ainsi ils ne séparent pas les belligérants mais ne font que recenser les foyers de confrontation qui se multiplient.

Même si Kofi Annan arrive à Damas, il obtiendra dans le meilleur des cas de la part de Bachar al-Assad et de l'opposition des assurances verbales d'aspiration à un règlement pacifique du conflit.

En réalité, la Syrie est actuellement ravagée par une guerre civile non déclarée que les Nations unies ne sont pas en mesure d'arrêter. Le plan Annan stipulant le cessez-le-feu et le retrait des armes lourdes n'est en fait respecté par personne: ni par l'armée gouvernementale, ni par les forces de l'opposition. Quand l'armée se retirait des villes, des détachements armés de l'opposition y entraient, et elle y revenait de nouveau.

Houla, un puissant prétexte pour une intervention militaire

Après le massacre de Houla, la mission de Kofi Annan à Damas devient pratiquement impossible. Qui plus est, le bain de sang dans le village syrien pourrait servir de prétexte pour justifier une ingérence militaire des pays de l'Otan et des monarchies du Golfe (avant tout le Qatar et l'Arabie saoudite) dans le conflit syrien.

Selon le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, la situation en Syrie ressemble aujourd'hui aux événements en Yougoslavie 13 ans auparavant.

En 1999, l'armée serbe commandée par Ratko Mladic a exécuté sommairement 45 Albanais dans le village kosovar de Racak. Et bien que le Conseil de sécurité de l'ONU (dont la Russie) ait alors condamné à l'unanimité cet acte de génocide, les pays membres de l'Otan ont déclenché des raids aériens contre la Serbie en contournement la Charte de l'ONU.

Un scénario similaire semble aujourd'hui plausible en Syrie, et l'Occident en a souvent averti Moscou et Damas. Dans ce cas de figure, le président syrien Bachar al-Assad pourrait connaître le sort des nationalistes serbes Slobodan Milosevic et Ratko Mladic.

La Russie défendra certainement jusqu'au bout les principes du droit international en ce qui concerne la Syrie, mais elle ne s'impliquera jamais au nom d'al-Assad dans une confrontation armée avec les pays de l'Otan et la majorité des pays arabes.

 

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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