Hillary Clinton à la recherche d'hélicoptères russes en Syrie

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La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a trouvé une nouvelle source de déstabilisation de la situation au Proche-Orient. Elle a évoqué l'épisode assez flou des fournitures d'hélicoptères d'attaque russes à la Syrie, ce qui n'a pas manqué de susciter la perplexité de certains observateurs. Le choix précisément de ce moment opaque dans la riche histoire de la coopération militaire et technique entre la Russie et la Syrie soulève bien des questions.

La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a trouvé une nouvelle source de déstabilisation de la situation au Proche-Orient. Elle a évoqué l'épisode assez flou des fournitures d'hélicoptères d'attaque russes à la Syrie, ce qui n'a pas manqué de susciter la perplexité de certains observateurs. Le choix précisément de ce moment opaque dans la riche histoire de la coopération militaire et technique entre la Russie et la Syrie soulève bien des questions.

Le Pentagone n'a pas couvert Clinton dans son jeu

"Nous sommes préoccupés par les informations récentes concernant les fournitures à la Syrie d'hélicoptères de combat russes. Cela pourrait entraîner une rapide escalade du conflit", a déclaré Mme Clinton.

Toutefois, un peu plus tard, le secrétaire américain à la Défense a décidé d'atténuer les propos de Mme Clinton. "Je n'ai pas eu connaissance d'informations selon lesquelles la Russie fournirait des hélicoptères d'attaque à la Syrie. Tout ce que je peux dire est que nous sommes en consultations avec nos partenaires russes et les appelons à soutenir la pression économique internationale sur la Syrie. On doit continuer d'exercer cette pression. Mais je n'ai vu aucun communiqué disant quels hélicoptères exactement ont été fournis en Syrie", a déclaré mardi lors d'un briefing le porte-parole du Pentagone John Kirby.

Ce n'est pas la première fois que la coopération militaire et technique russe fait l'objet d'une attaque d'organismes politiques de pays tiers (notamment de ceux qui assument la responsabilité de la sécurité internationale, tels que les Etats-Unis).

En parallèle évolue le scandale mettant en cause l'agence russe d'exportation d'armements Rosoboronexport concernant la fourniture en Iran de technologies de missiles en transgression des règles d'exportation. Selon les experts, ce scandale n'est pas du tout justifié et est très maladroit.

Essayons de comprendre si ces hélicoptères existent, et si oui – quelle est leur vocation.

Aucune raison plus tangible?

La Syrie achète de l'armement russe depuis quelques décennies, cela n'a rien d'un scoop. A l'heure actuelle, le carnet des commandes syriennes passées auprès des entreprises militaires russes dépasse 3,5 milliards de dollars. Et en choisissant parmi les contrats plus ou moins réalisables (courants ou potentiels), les hélicoptères sont loin d'être au premier plan (et on ignore s'ils font même partie du tableau).

Damas s'approvisionne traditionnellement en armements russes. Même en prenant les contrats en vigueur des dernières années, on trouve des choses bien plus intéressantes qu'une commande douteuse d'hélicoptères.

Par exemple, pour ses unités de défense antiaérienne, la Syrie a récemment commandé des systèmes de moyenne portée (Bouk-M2E), ainsi que des systèmes sol-air à courte portée Pantsir-S1. Mais ce sont des systèmes purement défensifs et ils sont donc "intouchables" du point de vue du droit international, bien qu'en 2011 la Russie ait soutenu les sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies contre l'Iran, en gelant également par un décret présidentiel les fournitures à Téhéran de cinq groupes de systèmes S-300 PMU-1 (qui formellement n'étaient pas concernées par la résolution 1929).

Il existe également un contrat portant sur 24 chasseurs MiG-29M/M2. Il s'agit de la version terrestre des chasseurs MiG revisités, présentés par le constructeur russe comme un produit de série depuis le début des années 2000. Le châssis de cette famille, qui inclut également le chasseur MiG-35, est conçu et finalisé à partir de la version embarquée MiG-29K commandée par l'aviation de la marine de l'Inde. Un bon engin d'attaque, dont la fourniture (réalisée ou prévue) est une cible bien plus facile pour coller des étiquettes que les hélicoptères hypothétiques.

Sans parler de la modernisation des chars syriens T-72, mise en œuvre par les spécialistes russes. Dans la guerre civile en Syrie, le char T-72 est bien plus largement utilisé que des hélicoptères, et par conséquent il était bien plus simple de trouver des causes d'une "rapide escalade du conflit" dans les contrats de modernisation d'environ 1.000 unités de blindés.

Il existe également un autre terrain plus propice: la question de la transmission à Damas des systèmes de défense antinavires Bastion dotés de missiles Yakhont. Selon les sources ouvertes, ce projet se réalise très activement depuis l'année dernière. Cependant, les Yakhont supersoniques ne sont pas très pratiques pour attaquer les insurgés, et de ce fait les Bastion préoccupent principalement Israël. Mais le fait même de telles fournitures aurait pu être également utilisé de manière "créative", si on avait tant voulu accuser la Russie de quoi que ce soit.

Or, l'histoire des hélicoptères d'attaque pose un problème. Ces derniers temps la presse occidentale parle des attaques d'hélicoptères contre des troupes d'opposition – c'est probablement la raison de l'accent porté précisément sur ce thème. Toutefois, on ne trouve aucune trace de ventes récentes d'engins d'attaque à la Syrie. Cette affaire est très douteuse.

Les experts en exportations d'armements sont, pour une fois, unanimes: même en supposant qu'il soit question de fournitures réelles (au moins d'un déplacement physique d'appareils de la Russie vers la Syrie), dans le meilleur des cas il s'agit du retour à Damas de ses propres hélicoptères Mi-25 après réparation et/ou modernisation en Russie.

Que peut-on dire d'autres d'un sujet tel que les fournitures d'hélicoptères d'attaque au Proche- et Moyen-Orient? Par exemple, l'Arabie saoudite reçoit les hélicoptères d'attaque AH-64 Apache des Etats-Unis, or l'armée saoudienne s'est récemment distinguée pendant la répression par la force des émeutes chiites à Bahreïn. On parle bien de l'Arabie saoudite, où on ne prend pas de gants avec sa propre opposition ou ses rebelles (ou serait-ce des "extrémistes religieux et des terroristes"?).

Une astuce traditionnelle

En quoi la Syrie a-t-elle tant d'importance pour la Russie, pour qu'on lance encore et encore de nouveaux cycles d'intrigues internationales en termes de commerce d'armements? Après tout, c'est loin d'être le premier cas d'attaque contre la coopération militaire et technique entre la Russie et la Syrie: au milieu des années 2000 Moscou a été forcé de faire marche-arrière sous la pression de Washington et de Tel-Aviv en renonçant à vendre à Damas des systèmes tactiques de missile Iskander.

La Syrie achète des armes russes en quantité assez importante, et, ce qui est le plus important, jusqu'à récemment elle était prête à l'acheter pour de l'argent comptant. Ces derniers temps, la situation financière de Damas s'est dégradée, néanmoins le gouvernement de Bachar al Assad demeure un acheteur d'armements russes.

De plus, on ne peut pas ignorer les notions purement géopolitiques. Damas était et demeure pratiquement le seul partenaire plus ou moins fiable de Moscou au Proche-Orient. Avec l'Algérie (d'ailleurs, le plus grand partenaire militaire de la Russie), la Syrie est presque le dernier régime "militaire" (ou "nationaliste", comme on l'appelle par opposition à "islamiste") du Maghreb et du Moyen-Orient, sans compter les monarchies arabes "avancées", telles que la Jordanie et le Koweït.

Dans le contexte de troubles du printemps arabe, dont les bénéficiaires finaux deviennent précisément les milieux islamistes du Moyen-Orient, Damas, avec toutes ses particularités intérieures, se distinguait par la cohérence de sa politique, aussi bien à l'époque d'Assad Père, qu'à celle du fils actuellement au pouvoir. Moscou ne peut pas se permettre de perdre un partenaire aussi important en annonçant une stratégie régionale active.

Et la psychologie est la cerise sur le gâteau syrien. Le gouvernement russe est clairement déçu par les résultats de la guerre coloniale en Libye en 2011, dans laquelle Moscou a adopté une position relativement ambivalente, ce qui a été interprété par certains milieux en Russie comme l'abandon du régime de Mouammar Kadhafi.

Evidemment, cet abandon était un mythe, car on ne peut abandonner qu'une chose qu'on possède réellement, or, contrairement à Damas et même à Alger capricieux, le Tripoli de l'époque du colonel ne se distinguait ni par un excès de solvabilité (plus précisément de volonté de mettre la main à la poche), ni une politique prorusse particulière.

Par conséquent, en Syrie Moscou a clairement l'intention d'éviter le scénario libyen en adoptant cette fois une position intransigeante. On ignore pour l'instant quel en sera le résultat (autrement dit, sera-t-il possible de protéger le régime d'Assad contre une invasion étrangère), mais il faut bien noter une chose.

Une telle obstination de la diplomatie russe sera un tir à blanc si au final elle ne se transforme pas en une politique moyen-orientale véritablement proactive, dont le besoin, dans le contexte du printemps arabe et des nuages qui s'assombrissent autour de l'Iran, ne peut pas être surestimé.

Et la politique proactive s'appuyant sur les gouvernements amicaux, implique forcément une coopération militaire et technique: c'est ainsi que le cercle se referme. Ainsi, les hélicoptères d'attaque russes peuvent encore arriver en Syrie. Mais plus tard.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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