L'Union eurasiatique, projet russe concurrent de l'OCS

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La création de l'Union eurasiatique est à l'heure actuelle l'objectif prioritaire de la politique étrangère de Moscou, et la Russie devra développer ce projet en tant que principal concurrent de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS).

La création de l'Union eurasiatique est à l'heure actuelle l'objectif prioritaire de la politique étrangère de Moscou, et la Russie devra développer ce projet en tant que principal concurrent de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Telle est le bilan de la tournée asiatique Tachkent-Pékin-Astana du président russe Vladimir Poutine.

Le gaz, quatre vendeurs pour un acheteur

Au milieu des années 2000, la Russie était partisan le plus ardent de l'idée de la transformation de l'OCS en bloc militaro-politique "anti-Otan". Cependant, cette idée n'a pas reçu le soutien des autres membres, la Chine étant le principal adversaire de cette initiative.

Progressivement, la Russie elle-même s'en est désintéressée, d'autant plus que ses relations avec l'Occident se sont nettement améliorées. La composante économique de l'OCS est devenue primordiale sous la forme de divers projets de coopération entre la Chine et les pays d'Asie centrale.

Il est avant tout question des fournitures de pétrole et de gaz à la Chine depuis le Kazakhstan, l'Ouzbékistan et le Turkménistan, ainsi que de la construction de couloirs de transport entre la Chine et l'Europe via l'Asie centrale – en contournant la Russie. La Russie s'est retrouvée complètement exclue de ces projets.

Pékin fournit aux pays d'Asie centrale des préférences économiques et des crédits importants en les transformant en concurrents de la Russie sur le marché des hydrocarbures. La construction active de gazoducs et d'oléoducs partant du Turkménistan, de l'Ouzbékistan et du Kazakhstan vers la Chine à abouti à l'existence sur le marché local de quatre (avec la Russie) vendeurs d'un même produit pour un seul acheteur qui, de cette manière, pouvait dicter ses prix.

Pour les pays de la région les fournitures d'hydrocarbures en Chine ont une importance cruciale. Par exemple, en mars 2012, l'Ouzbékistan a complètement suspendu les fournitures de gaz au Tadjikistan, car il ne pouvait plus approvisionner la Chine dans les volumes nécessaires.

Qui plus est, la Chine suit de près l'évolution de l'Union douanière trilatérales et de l'Espace économique commun entre la Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie, ainsi que de l'Union eurasiatique, en voyant dans ces organisations un frein à son influence en Eurasie et des concurrents en Asie centrale.

Beaucoup d'accords signés pour peu de résultats

Le sommet de l'OCS de Pékin n'a donné aucun résultat, en confirmant que la rivalité entre la Russie et la Chine pour le leadership au sein de l'organisation détermine de plus en plus la raison de son existence.

Moscou a bloqué la "Stratégie de développement de l'OSC" proposée par Pékin. Le document élaboré par la Chine était avant tout orienté sur le renforcement de l'intégration économique, ce qui assurait l'accroissement de la suprématie de la Chine.

Il était question de la création de la Banque de l'OCS sise à Pékin présidée par un Chinois, de la création d'un compte spécial OCS et, surtout, d'une zone de libre-échange dans le cadre de l'OCS. La Russie a décliné cette proposition.

Au lieu de cela ont été adoptés "Les principaux axes de la stratégie de développement de l'OCS", qui n'engagent personne à rien. Aucun instrument militaire n'est instauré dans le cadre de ce document, ce qui le rend vide de sens.

Tous les documents adoptés pendant le sommet sont axiomatiques. Ils ne reflètent pas l'unité d'actions ou au moins leur coordination, mais l'unité des points de vue dans les questions évidentes comme la guerre contre le terrorisme, le séparatisme et le trafic de drogues, la "sécurisation de l'information" (c'est-à-dire le contrôle d'internet), ainsi que la lutte contre l'instabilité en Afghanistan et l'ingérence étrangère dans les affaires des pays du Moyen-Orient, avant tout la Syrie et l'Iran.

Par politesse envers Moscou l'organisation s'est prononcée contre le déploiement en Europe du boulier antimissile (ABM) américain, mais l'OCS n'envisage aucune mesure, même diplomatique, pour s'y opposer.

Toutefois, Pékin a une nouvelle fois bloqué l'adhésion à l'OCS de l'Inde en tant que membre à part entière. Cette question a été reportée pour un an, en dépit de l'insistance de Moscou depuis de longues années.

L'offensive de la Chine

Le président Hu Jintao a annoncé à la fin du sommet l'intention de la Chine d'accorder aux pays membres de l'OCS un crédit de 10 milliards de dollars, d'organiser dans les trois prochaines années la formation de 1.500 spécialistes des pays de l'OCS, au cours des 10 années à venir d'accorder 30.000 quotas pour les étudiants des pays de l'OCS et d'inviter 10.000 enseignants pour organiser leur formation permanente et leur recyclage. Cela signifie que Pékin a décidé de mettre en œuvre sa stratégie d'expansion économique et politique en Asie centrale "de sa propre autorité", contrairement à la volonté de Moscou.

Les relations sino-russes bilatérales sont dans une situation identique. Moscou a déjà renoncé à l'idée de former une alliance à part entière avec Pékin, et la Chine n'a aucune intention de proposer une telle alliance à la Russie (durant toute l'histoire postsoviétique les dirigeants chinois ont constamment souligné que les relations avec la Russie n'étaient pas des liens d'alliance, et ne le seraient jamais).

Les relations deviennent très pragmatiques. D'ailleurs, si auparavant la Russie comptait vendre ses hautes technologies à la Chine, désormais elle espère les acheter à Pékin, soit de créer des structures communes pour échanger des technologies.

La coopération énergétique avec la Chine demeure la question cruciale pour la Russie. Moscou compte obtenir des conditions préférentielles pour vendre le pétrole et le gaz, ainsi que des contrats pour la construction en Chine de nouvelles centrales nucléaires (sauf celle de Tianwan). Cependant, Pékin refuse pour l'instant de faire des concessions, et ne semble pas avoir l'intention d'en faire.

De cette manière, la Russie et la Chine continuent à imiter un "partenariat stratégique" et parler de leurs "excellentes" relations "sans précédent". En réalité, les relations sino-russes deviennent de plus en plus sèches, on y perçoit de plus en plus d'éléments de concurrence ouverte.
Avant tout, il s'agit de la compétition pour l'influence en Asie centrale, c'est-à-dire dans la zone d'action de l'OCS.

La concurrence se renforcera inévitablement, car l'expansion de la Chine dans cette région est inéluctable, et l'ingérence de forces extérieures dans l'espace postsoviétique, considéré par Moscou comme la zone de ses propres intérêts exclusifs, est inadmissible pour la Russie.

Une Union eurasiatique avec des frontières raisonnables

Le principal concurrent de l'OCS sera apparemment l'Union eurasiatique, priorité de la politique étrangère de la Russie.

A l'heure actuelle, des formes plus approfondies d'intégration (l'Union douanière et l'Espace économique commun, avec une orientation sur l'Union eurasiatique en perspective) apparaissent dans le format trilatéral Russie-Biélorussie-Kazakhstan. Ces pays forment un bloc territorial, ont un niveau de vie et un développement économique comparable et se caractérisent par la proximité ethno-psychologique des populations.

Au cours de l'intégration ces pays suivent de près le chemin de la construction de l'Union européenne. En Europe on avait également commencé par des formats purement économiques, avant tout – l'union douanière. Les dirigeants des trois pays déclarent régulièrement que l'union est parfaitement volontaire et purement économique.

Malheureusement, il existe un grand risque de tentatives de la part de la Russie de parvenir à l'extension des nouvelles alliances en ignorant l'expérience négative de l'UE. L'adhésion à l'Union européenne pour des raisons purement politiques et idéologiques, mais contraires à la logique économique et au bon sens de pays tels que la Bulgarie et la Roumanie, et de la Grèce et du Portugal dans la zone euro, ont poussé toute la structure au bord du gouffre.

L'adhésion à l'Union douanière du Kirghizstan et du Tadjikistan pourrait avoir le même effet, voire plus dramatique, car ces pays en déroute ont un niveau de vie et de développement économique extrêmement bas, avec de graves problèmes sociaux, ethniques, confessionnels et régionaux. De plus, la situation dans ces pays ne fait que s'aggraver en raison du niveau de corruption très élevé et de l'émigration presque intégrale de la population économiquement active pour travailler en Russie, au Kazakhstan et en Turquie.

Pour ces raisons, leur intégration avec la Russie n'engendrerait que d'importants problèmes et des dépenses sans garanties de rebondir même dans une perspective à long terme. Ces deux pays n'intéressent Moscou qu'en tant qu'avant-poste stratégique contre les talibans lorsque ces derniers reviendront au pouvoir en Afghanistan et lanceront une expansion vers le nord.

Si pendant la formation de l'Union eurasiatique on arrivait à franchir progressivement toutes les étapes nécessaires, sans accélération et expansion inutiles, ce qui ne ferait qu'affaiblir l'organisation en cours de création, au final on pourrait voir naître une alliance très forte et équilibrée.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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