Les pirates du golfe de Guinée concurrencent leurs collègues somaliens

© Flickr / Joe ShlabotnikLes pirates du golfe de Guinée concurrencent leurs collègues somaliens
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Les pirates ont à nouveau frappé: un pétrolier grec avec un équipage de 24 personnes (dont 23 Russes) a été capturé dans le golfe de Guinée.

Les pirates ont à nouveau frappé: un pétrolier grec avec un équipage de 24 personnes (dont 23 Russes) a été capturé dans le golfe de Guinée. De toute évidence, il est question d'une tentative de "siphonner" une partie du chargement (gasoil et essence) pour le vendre ensuite sur le marché noir.

Quelles sont aujourd'hui les particularités de ce métier rendu célèbre par les romanciers? Le golfe de Guinée en Afrique de l'Ouest devient depuis quelque temps un point chaud: le nombre d'attaques contre des navires marchands augmente dans cette région.

Mais c'est loin d'être le seul endroit de la planète où la piraterie est populaire. Parmi les nids de pirates les plus chauds, on trouve le détroit de Malacca en Asie du Sud-Est et, évidemment, les régions au large de la Corne de l'Afrique, fief des pirates somaliens.

Les successeurs de Morgan pas très romantiques

Il n'y a rien de spécial dans la piraterie contemporaine. Tout est fait plus ou moins avec les moyens du bord, et ce, de façon assez ennuyeuse.

S'il est question de piraterie côtière (ou même fluviale), il suffit d'avoir des bateaux à moteur rapides pour aborder la victime directement avant de lui vider les poches.

Dans l'océan, on utilise également des bateaux rapides, mais à partir d'un navire-mère – en règle générale, il s'agit d'un vieux cargo (probablement capturé auparavant), qui traîne près des couloirs de navigation à la recherche d'une proie.

Les équipages des bateaux à moteur sont généralement armés de fusils d'assaut, les groupes les plus "aguerris" disposent de mitrailleuses. Les Somaliens, célèbres pour leurs exploits au large des côtes d'Afrique de l'Est au milieu des années 2000, à en juger par les photos et les vidéos, adorent se balader avec les lance-roquettes soviétiques RPG-7, qui sont très répandus en Afrique.

Si l'équipe ne fait pas preuve de suffisamment d'obstination en balançant les successeurs de Henry Morgan par-dessus bord avec des canons à eau ou ne dispose pas de sécurité à bord (qu'elle soit officielle ou qu'elle consiste en une équipe illégale de mercenaires armés), les carottes sont cuites: les braves gaillards montent à bord et en prennent le contrôle.

Après cela, on vole sur le navire tout ce qu'il est possible d'emporter, ou alors le bateau est tiré jusqu'à un endroit convenu pour décharger son fret. L'équipage peut être partiellement ou complètement pris en otage pour demander une rançon.

Dans l'ensemble, c'est tout. Aucun romantisme, pas de brigantin établissant les voiles. Un simple pillage ordinaire.

Tout le monde est malheureux à sa façon

Si les méthodes des flibustiers du XXIe siècle sont plus ou moins similaires, les objectifs et l'organisation du travail de pirate dans diverses régions de la planète divergent fortement.

Le détroit de Malacca est un nid de pirate depuis des temps immémoriaux. Le pillage des bateaux passant à cet endroit est le privilège des syndicats criminels locaux, c'est-à-dire pratiquement une industrie criminelle pure et simple, sans nuances et teintes. L'endroit est particulièrement pratique pour les pillages et propice au développement des structures mafieuses qui les organisent.

Le golfe de Guinée, où a été capturé le navire grec (en deux semaines, c'est le second pétrolier avec des Russes à son bord victime des pirates dans cette région), n'a rien à voir. Dans les eaux des anciennes Côte de l'Or et Côte des esclaves sévissent les représentants de divers fronts de libération de Pétaouchnok et autres combattants idéologiques pour le droit exclusif de récolter les tributs de ce territoire pas très vaste.

La faiblesse du gouvernement central couplée aux conflits interreligieux et intertribaux (notamment au Nigéria) poussent ces organisations à vivre comme des parasites et à obtenir davantage de profit non plus grâce à la population contrôlée, mais au racket des acteurs économiques internationaux.

Hormis la capture des navires, on pourrait rappeler les cas réguliers de prise en otage des employés de compagnies pétrolières occidentales au Nigéria pour exiger une rançon.

La piraterie somalienne est un sujet à part. Il est plus correct de l'appeler piraterie sur la Corne de l'Afrique, et parfois de piraterie dans l'ouest de l'océan Indien.

Au milieu des années 2000 déjà, les pirates somaliens des caravanes maritimes sévissaient principalement au large des côtes de leur Etat. En 2010, leur zone d'action a atteint Oman au nord, Zanzibar au sud et pratiquement l'archipel des Maldives à l'est. Seule une veille permanente des forces navales internationales et des mesures de sécurité revues à la hausse sur les navires ont permis de stopper son expansion.

Si les pirates sont des syndicats criminels dans le détroit du Malacca et des armées rebelles tribales dans le golfe de Guinée, en Somalie, la piraterie représente aujourd'hui une partie importante de l'économie nationale.

La division de facto en plusieurs Etats et le refus par l'Onu de reconnaître officiellement les nouvelles "puissances" de la Corne d'Afrique sont une barrière pour le commerce légal et les investissements sur ces territoires.

On pourrait ignorer l'existence d'Etats non reconnus suite à l'échec de la formation d'un Etat somalien uni. Mais il est plus difficile d'ignorer plusieurs millions de personnes habitant ces territoires et voulant manger au moins une fois tous les deux jours. Le résultat fait la une des journaux ces cinq dernières années.

… et heureux à sa façon aussi

Les méthodes pour obtenir du profit divergent également.

Le détroit de Malacca (et l'Asie du Sud-Est en général) est étroit, et les "entreprises" y défilent. Le plus souvent, les pirates vident la caisse du navire. Parfois, ils prennent des otages et exigent une rançon. Cette dernière méthode est généralement pratiquée par des groupes qui font partie de diverses sortes de résistance locale, et non pas des syndicats criminels "purs".

Dans le golfe de Guinée, on décharge bien plus souvent la marchandise transportée par les bateaux. Dans ce sens, la dernière capture du pétrolier mardi est révélatrice: on les éloigne des itinéraires fréquentés, on vide au maximum le carburant et on les laisse repartir. Le carburant est revendu aux acheteurs fiables dans les ports africains où l'on ne pose pas beaucoup de questions. Apparemment, dans le cas du pétrolier grec, il s'agit d'un scénario identique.

Grâce à la piraterie, les Somaliens règlent les problèmes financiers de leurs terres austères, et pour cette raison ils pensent plus large: ils exigent une rançon à la fois pour le navire avec son chargement et pour son équipage. Et leurs revenus sont plus élevés.

Pendant les années de prospérité, une telle "entreprise" pouvait rapporter plusieurs (dans les cas exceptionnels jusqu'à 5-6) millions de dollars de revenu brut valant moins d'un demi-million au départ. Toutefois, depuis le début de l'opération maritime internationale, les risques ont également augmenté, mais tel est le destin des gentilshommes de fortune.

L'argent était remis à des personnes de confiance parmi les représentants des diasporas somaliennes en Europe et en Amérique du Sud, puis transféré par des canaux financiers "noirs" (y compris le système de paiement informel Hawala) aux destinataires.

 

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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