Elections en Géorgie et nouveau scénario pour le Kremlin

© RIA Novosti . Aleksandr Imedashvili / Accéder à la base multimédiaMikhaïl Saakachvili
Mikhaïl Saakachvili  - Sputnik Afrique
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Lors de son discours à la tribune de l'Onu, le 25 septembre, le président géorgien Mikhaïl Saakachvili a une nouvelle fois identifié l'ennemi numéro un, selon lui, de la souveraineté géorgienne : la Russie.

Lors de son discours à la tribune de l'Onu,  le 25 septembre, le président géorgien Mikhaïl Saakachvili a une nouvelle fois identifié l'ennemi numéro un, selon lui, de la souveraineté géorgienne : la Russie. Cependant, le contexte intérieur du pays est aujourd'hui très différent des autres éditions, notamment en termes électoraux.

La campagne législative en Géorgie atteint sa phase finale - il reste en effet moins d'une semaine avant le vote. Ce scrutin sera du jamais-vu dans le pays.

Les législatives, un examen pour Saakachvili

Pour commencer, les élections législatives ouvrent un nouveau cycle électoral. En 2013, les Géorgiens éliront un nouveau président et le scrutin qui se déroulera dans quelques jours sera une sorte de répétition générale avant le plus grand événement du quinquennat.

Deuxièmement, le cycle 2012-2013 s'accompagne de changements constitutionnels importants : le pouvoir du président sera considérablement réduit et réparti entre le parlement et le premier ministre.

Mais la question principale est ailleurs. Elle porte sur le rôle réel du chef de l'Etat actuel et de son proche entourage. Le président sortant ne pourra pas briguer de troisième mandat mais l'ancienne et la nouvelle versions de la Constitution ne l'empêchent pas d'être premier ministre ou de présider le parlement. Ou, de façon encore plus subtile – diriger le parti au pouvoir et concentrer entre ses mains les "leviers", placer ses représentants aux postes-clés.

Pour cela, il faudra d'abord remporter les législatives. Car, en l'absence de majorité au sein du parti au pouvoir, l'élection du premier ministre ou du président du parlement ne sera pas un long fleuve tranquille.

Enfin, pour la première fois depuis des années, Saakachvili et son équipe sont confrontés à un véritable concurrent : le milliardaire Bidzina Ivanichvili. Il dispose notamment de ses propres ressources financières, qui lui permettent d'éviter une dépendance critique à la ressource administrative.

D'où le déchaînement des passions au sein de la population, qui a atteint son point culminant à la dernière semaine de la campagne législative. Prenons pour exemple le scandale survenu autour des sévices dans les prisons géorgiennes : il a montré que les principaux acteurs politiques en Géorgie étaient prêts pour une lutte sans compromis.

Les facteurs extérieurs des législatives en Géorgie

Mais la seule dynamique intérieure ne montre pas toutes les facettes des élections à venir. Hormis le Mouvement national uni, le Rêve géorgien d'opposition et les militants actifs de la "troisième voie" en la personne des travaillistes de Chalva Natelachvili, les facteurs extérieurs sont primordiaux pour la politique géorgienne - à savoir le rôle de la Russie et de l'Occident.

Précisons tout de suite qu'il ne s'agit pas, généralement, d'approches réelles de Moscou ou de Washington mais d'idées et de stéréotypes brandis aussi bien par les autorités que leurs adversaires. L'analyse de la dynamique électorale serait incomplète si on n'en tenait pas compte.

C'est la raison pour laquelle à l'Onu, le 25 septembre, Mikhaïl Saakachvili a une nouvelle fois attiré l'attention de la communauté internationale sur la Russie, qui aurait injecté des milliards de dollars dans la campagne géorgienne afin de détruire l'indépendance nationale de la république.

Selon le politologue géorgien Gueorgui Khoutsichvili, l'idée selon laquelle le Mouvement national uni - considéré comme l'équipe de Saakachvili - est le seul pilier fiable de la souveraineté fait partie des principaux arguments du parti. Tandis que toute l'opposition, et avant tout Ivanichvili, est perçue comme une force prorusse qui rêve de faire adhérer la Géorgie à l'axe impérial russe.

De cette façon, le gouvernement cherche à régler, comme avant, deux problèmes à la fois dans sa confrontation avec la Russie. En montrant que sans ce combat, l'indépendance et la souveraineté seraient violées, et en s'adjoignant les faveurs de L'Occident, qui craint l'hégémonie russe et est donc prêt à fermer les yeux sur l'incompatibilité du régime géorgien actuel avec les normes démocratiques.

Et le silence solidaire des organismes officiels américains et européens concernant les images diffusées sur les tortures dans les prisons montre que cette tactique est pratique. Problème : elle est surtout efficace pour le public extérieur.

Dans le pays, les tentatives d'associer l'opposition à des machinations de la Russie n'ont plus autant de succès. Notamment car d'autres problèmes plus importants sont arrivés. 

Par exemple, la situation tendue à la frontière daghestanaise ou encore la menace islamiste, qu'il est difficile de combattre sans de meilleures relations avec le voisin du nord.

Quel scénario choisira Moscou ?

Ivanichvili est devenu un homme d'affaires très riche en Russie. Mais est-ce que l'idéologue des réformes géorgiennes, Kakha Bendoukidze, l'a fait aux Etats-Unis?  D'ailleurs, le chef de l'Etat actuel a servi autrefois dans le corps des gardes-frontières du KGB, sous l'URSS.

Pour cette raison, ce ne sont pas les succès antérieurs mais la véritable activité politique qui compte. D'ailleurs, Ivanichvili, répétant qu'il est nécessaire d'améliorer les relations avec Moscou, ne dit pas qu'il renoncerait à l'Atlantique-Nord ou à l'intégrité territoriale du pays s'il remportait la victoire. Au contraire, il évoque régulièrement ces exigences et lui comme ses représentants cherchent et trouvent des contacts à Washington et à Bruxelles.

En cas de réussite politique, il serait forcé d'adopter une position plus ferme car aucun homme politique, à Tbilissi, ne pourrait rester au sommet de l'establishment sans cela.

La rationalisation du conflit avec Moscou est une autre question. Et il faudrait, pour la régler, passer d'abord des fantasmes à la réalité. Théoriquement, Ivanichvili pourrait suivre ce chemin mais qu'est-ce que Moscou serait prêt à faire dans ce cas ? On sait que les dirigeants russes ne veulent pas dialoguer avec Saakachvili.

Mais qu'arrivera-t-il si le président géorgien actuel cessait d'être chef de l'Etat pour devenir seulement leader du parti ? Autrement dit, s'il n'occupait plus de poste au gouvernement…

Le Kremlin irait-il au dialogue avec l'un de ses proches collaborateurs ? Par exemple, avec Vano Merabichvili, qui est tout aussi responsable de l'état actuel des choses…

Pour l'instant, les questions sont plus nombreuses que les réponses. Depuis 2008, lorsque les relations diplomatiques ont été rompues entre les deux pays, Moscou semble ne pas avoir trouvé sa ligne de conduite envers Tbilissi. Les actions à l'égard de l'Abkhazie et de l'Ossétie ne sont pas un indicateur : ce thème est un sujet autonome depuis des années.

On ignore donc ce que fera le Kremlin après le 1er octobre 2012. Et cela crée une intrigue supplémentaire dans le cycle électoral géorgien.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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