Guerre israélo-arabe : les nôtres contre les nôtres

© RIA Novosti . Amdrei Stenin / Accéder à la base multimédiaSituation en Gaza
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Depuis longtemps, le conflit israélo-palestinien n'est plus rythmé par un missile explosant à Ashkelon ou à Gaza mais par son image à la télévision, immortalisant sa chute et son explosion.

Depuis longtemps, le conflit israélo-palestinien n'est plus rythmé par un missile explosant à Ashkelon ou à Gaza mais par son image à la télévision, immortalisant sa chute et son explosion. Aucune autre guerre au monde – ni au Rwanda, ni en Tchétchénie, ni même en Irak – ne déchaînera autant les passions que ce conflit aux portes du Moyen-Orient. Il a toujours été plus qu'une guerre; il était et reste une idée. Il y a peu de temps encore, tout était simple dans cette idée. Aujourd'hui, tout s'est emmêlé.

C'est l'histoire d'un sioniste

Les Soviétiques étaient favorables au peuple fraternel de Palestine. Et en majeure partie sans la double-pensée traditionnelle ; ils étaient soucieux du sort des Palestiniens avec bien plus de sincérité que pour Angela Davis ou Luis Corvalan. Après tout, les Palestiniens ont souffert non pas d'un impérialisme mystérieux mais d'Israël, qui ne suscitait aucune sympathie à l'époque.
Par ailleurs, les juifs eux-mêmes ne tenaient pas particulièrement au pays où, sans cesse, arrivaient leurs proches. Il n'y avait qu'une légère confusion, immortalisée par des plaisanteries comme : "Les nôtres ont annoncé hier que les nôtres avaient abattu notre avion".

Puis le grand pays a disparu. Et l’on pouvait quitter celui qui restait car ce n'était plus une honte mais au contraire, une attitude pouvant susciter la jalousie.

Plus personne n'interdisait de clamer haut et fort l'antisémitisme soviétique qui s’exprimait alors en privé – d’autres pouvaient expliquer que le peuple qui continuait à opprimer les Palestiniens était le même qui s'était emparé des usines, des journaux et des navires après la privatisation.

Alors qu'au Moyen-Orient, on assistait à l'intifada, suivie de l’opération Pluie d'été et Plomb durci. Aujourd'hui, on semble avoir compris que les stéréotypes traditionnels n'existent plus.

D'autres les ont remplacés.

Contre qui êtes-vous amis ?

Pendant ce temps dans le monde, quelque chose a également changé. Le conflit israélo-arabe a cessé de faire partie d'une confrontation globale où les Arabes étaient de notre côté et les Israéliens du leur. En cessant d'être idéologiques, les sympathies et les passions ont commencé à obéir aux principes de la politique réelle, professée par des pays guidés par leurs propres intérêts.

Etant donné que ces intérêts faisaient en soi l'objet d'une polémique sociale et politique, aucun sujet ne faisait plus l’unanimité. Les stéréotypes idéologiques avaient cédé la place à d’autres, pour la formation desquels tout le monde avait mis la main à la pâte : les entreprises, les hommes politiques, les diasporas arabes et les lobbyistes israéliens.

Les mécanismes d'apparition de nouveaux stéréotypes furent similaires en Russie.
Israël est devenu une destination tout aussi classique pour les entrepreneurs, les touristes et les immigrants que tout autre pays du monde, perdant progressivement sa connotation "sioniste" et idéologique d'antan.

En même temps, on assistait en Russie à un phénomène présent nulle part ailleurs ; les nouveaux clichés naissaient d'une matière qui n’avait rien à voir avec le Moyen-Orient.

Il n'est pas nécessaire d'être contre les Arabes si l'on veut être pour Israël. Bien que certains démocrates radicaux semblent avoir emprunté la rhétorique et le style des activistes du front nationaliste antisioniste Pamiat (Mémoire) pour persuader la population que les Arabes ont toujours été un peuple qui compense son incapacité à créer un jardin dans le désert par une tendance à tirer avec précision en se cachant derrière les enfants.

Dans une certaine mesure, c'est probablement ce qui nourrit en partie la polémique nouée avec ceux qui prônent encore le grand retour soviétique - et si le gouvernement ne craint pas de ressembler à un soutien des Palestiniens, ceux qui ne sont pas d'accord se retrouveraient alors du côté des Israéliens.

Là n'est pas le plus important. Pour beaucoup, même pour ceux qui ne considèrent pas du tout Israël comme un avant-poste du libéralisme, le soutenir revient à protéger les valeurs occidentales dans des régions non libérales comme le Moyen-Orient. Le soutien à Israël est une démonstration, une réponse à l'antisémitisme toujours présent tout autant qu’à
l'anti-américanisme et à l'anti-occidentalisme. Peu importe si l'Occident n'est plus du tout aussi homogène qu'à l'époque du noir-et-blanc général.

Libéral et parfaitement naturel pour un pays postcommuniste, il est un élément de soutien à Israël dans sa lutte contre le Hamas. On aurait même pu dire que le choix du camp dans le conflit est presque comme le choix de la place pour les manifestations à Moscou : Bolotnaïa (opposition) ou Poklonnaïa (progouvernementaux).

Les Palestiniens, les Tchétchènes, les Wahhabites…

L'antisémitisme n'a pas disparu, il a simplement cessé d'être une dominante. Non pas que l'attitude envers les juifs ait foncièrement changé. Simplement la xénophobie elle-même s'est considérablement compliquée.

Après tout, la confusion règne également parmi ceux qui soutiennent les Arabes. Seuls les disciples de la fraternité prolétarienne font preuve d'inflexibilité – pour eux, c'est une question d'honneur de s'opposer aux sionistes.

Peu sont vaillants mais il existe de nombreuses variations. Et aujourd'hui effectivement, s’opposer aux Américains ne signifie pas forcément être contre Israël. Et même ceux pour qui le 11 septembre n'est qu'un prétexte de joie méchante peuvent se permettre une complaisance jubilatoire envers l'Occident.

Aujourd'hui, pour une grande partie de la population russe, les Palestiniens et les Arabes sont dans le même "panier" que les Tchétchènes, les talibans, les Wahhabites, les Albanais du Kosovo - premièrement, ils sont musulmans, deuxièmement, ils s’opposent aux frères slaves serbes -, les Daghestanais qui tirent pendant les mariages à Moscou ou encore les hommes en tablier qui égorgent des moutons devant les mosquées moscovites.

Et tout s'emmêle définitivement. On peut préférer les juifs aux Arabes sur le plan idéologique et libéral. Ou par xénophobie. Qui aurait pu s'imaginer que cette idée supranationale et suprapolitique réunirait de façon aussi étrange et éphémère les antisémites et les juifs, les libéraux et les étatistes, les occidentaux et les slavophiles ?

Le résultat ne s'est pas fait attendre : la première victime de cette union a été la vérité. Car elle n'intéresse personne.


Une guerre sans règles

Golda Meir a dit un jour : "la paix viendra quand les Arabes aimeront leurs enfants plus qu'ils haïssent les juifs". Aujourd'hui, on se sert de cette phrase pour éclaircir tout ce qui se passe à Gaza. Même si cela n'explique par pourquoi les Arabes n'auraient pas le droit d'aimer leurs enfants comme tous les autres. Et la haine, dont parlent à l'unanimité ceux qui connaissent le sujet, est quelque peu exagérée. Cette phrase ne donne une explication qu'à ceux qui n'en ont pas besoin pour tout comprendre.

Bismarck avait raison en disant qu'on ne mentait jamais autant qu'après la chasse, qu'avant les élections et pendant la guerre. Mais même ici, la guerre est un thème à part. La guerre est un mensonge omniprésent, permanent et quotidien. Quand elle se termine, elle entre dans l'histoire et ce mensonge devient immortel et indestructible - car on arrive à ce sommet de mensonges seulement en se battant pour la vérité historique.

Et plus personne n'en est responsable car ce mensonge se reproduit automatiquement en ayant perdu tout signe d'imposture. Il n'y a plus besoin d'expliquer pourquoi le Hamas a décidé précisément aujourd'hui d'attaquer Israël. Plus de besoin de nuances – le mensonge devient universel, comme l'antisémitisme et l'islamophobie.

Plus personne, non plus, ne veut savoir que chaque guerre a ses propres raisons, intérêts et motivations. Qu'en général elles n'ont rien à voir avec la justice et que peu importent les discours sur le travail séculaire de kibbutzniks qui transformé le désert en oasis ou le droit séculaire des Arabes vivant sur ce territoire.

Les guerres ont un seul point commun : personne n’en respecte les règles. Il y a ceux qui collectent des trophées sous forme d'oreilles arrachées et ceux qui franchissent la ligne de front pour rendre un garçon prisonnier à sa mère. Dans toute guerre, les premiers tirent en se protégeant derrière les enfants, d'autres tuent ces enfants en visant les tireurs. Cette formule est unique et universelle, simplement, dans le conflit de Gaza, elle est  flagrante.

Aucun camp ne doit être soutenu dans une guerre. Et on ne peut croire en rien ni à personne. Mais on croit. Notamment lorsque les Israéliens sont opposés aux Arabes.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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