Il y a dix ans, le dernier vol de la navette Columbia

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La navette spatiale américaine Columbia s'est écrasée il y a dix ans. Cette catastrophe semblait inévitable.

La navette spatiale américaine Columbia s'est écrasée il y a dix ans. Cette catastrophe semblait inévitable.Le 1er février 2003, la navette spatiale Columbia est sortie de son orbite puis s’est écrasée. Comment, de petits accidents en erreurs humaines, cette tragédie est-elle survenue ? Les sept astronautes étaient en fait condamnés presque immédiatement après le décollage : la sécurité du vol était gérée "au petit bonheur la chance".

Le vol STS-107 (28ème vol de la navette Columbia) a décollé de Cap Canaveral le 16 janvier 2003. L'équipage était composé du commandant Rick Husband, du pilote William McCool, ainsi que des spécialistes Michael Anderson, David Brown, Laurel Clark, Ilan Ramon (Israël) et Kalpana Chawla (Inde).La mission ne promettait aucune nouveauté majeure. Sauf peut-être la présence du pilote israélien Ilan Ramon, héros de l'attaque contre le réacteur nucléaire irakien d'Osirak en 1981, appelé à devenir le premier astronaute de l'Etat juif.

Un vol au prix d'une plaque de mousse

La navette Columbia était condamnée bien avant d'entrer dans l'atmosphère le 1er février 2003 –86 secondes après son lancement. Les vibrations du décollage ont fait sauter une plaque de mousse isolante du réservoir externe.Cet incident a été enregistré sur une vidéo visionnée deux heures après le lancement mais rien de grave n’avait été identifié : cela s'était déjà produit lors de quatre lancements au moins.

Cependant, le morceau de mousse a percuté l'aile gauche de l’appareil, formant un trou d'environ 15 à 25 cm dans sa protection thermique.Personne ne le savait et il était impossible d'examiner de près la navette pour trouver d'éventuels dommages. Néanmoins, les ingénieurs de la Nasa ne niaient pas qu’un morceau de mousse se soit décollé et puisse endommager le vaisseau. Qui plus est, certains d'entre eux insistaient sur cette version pessimiste.

Mais le commandement du vol a opté pour une autre version, partant du fait que des morceaux de mousse décollés n’avaient jamais entrainé de sérieux dégâts. Une sorte de défense psychologique s'est alors déclenchée : si tout fonctionne pour l'instant, ces dangers n’en sont donc pas.

Ensuite, la direction de la NASA avait parfaitement conscience que si des dégâts critiques étaient déjà infligés, il était impossible d'aider l'équipage du Columbia. Ce vol ne disposait pas de scaphandres permettant à l’équipage de sortir et colmater le trou.

Columbia ne disposait pas non plus de mécanismes d'amarrage pour rejoindre la Station spatiale internationale (ISS). Ironiquement, ce mécanisme aurait dû être installé sur la navette avant son prochain vol, prévu en novembre 2003. Cependant, même si un tel dispositif était disponible, rejoindre l'ISS dans les conditions de vol du moment n'était pas une tâche facile.

Et enfin, une opération de sauvetage par un autre appareil était impossible – l'autonomie du vaisseau en orbite ne dépasse pas deux semaines et il est impossible de préparer une navette dans ces délais.

Après cette catastrophe, quand le sauvetage de l'équipage d'une navette en difficulté sera impossible sur l'ISS, la Nasa lancera un vaisseau de secours en réserve avec un équipage réduit. C'était le cas en 2009 pendant les travaux sur le télescope Hubble : à l'époque, Endeavour assurait les arrières d'Atlantis. On n'y avait pas pensé en 2003 en raison des dépenses et des difficultés supplémentaires. Tout fonctionne déjà, que voulez-vous de plus ?

On affirme qu'un des superviseurs du vol Columbia avait répondu aux ingénieurs qui le harcelaient avec des "et si ?" concernant la mousse décollée : "Vous savez bien que même si le vaisseau est endommagé, on ne peut rien y faire. Je pense qu'il serait préférable pour l'équipage de ne rien savoir : s'ils meurent, cela se produira soudainement, pendant la descente, et non pas enfermés, en orbite et sans oxygène".Aussitôt dit, aussitôt fait. Le 1er février 2003, après sa mission, la navette Columbia est entrée dans l'atmosphère.

Une catastrophe bien orchestrée

Le trou dans la protection thermique pouvait entrer en scène. Une surchauffe locale, encore quelques morceaux de mousse détachés… et la désintégration a commencé.Cette zone de l'aile abritait le train d'atterrissage – les pneus ont simplement explosé à cause de la surchauffe et les astronautes ont reçu un simple signal laconique, "perte de pression dans les pneus", avant qu’un jet de gaz extrêmement chaud sorte du train et détruise l'aile.

Personne, au centre de contrôle de la Nasa, n'était encore au courant : une perte du contact radio pendant la descente est tout à fait normale. Mais au nord du Texas, on voyait déjà que quelque chose ne tournait pas rond. A cet instant, la communication a été rétablie, le vaisseau a répondu à l'appel de la Terre par la voix du commandant Rick Husband "Bien reçu", puis une interjection avant la rupture définitive du contact.

Columbia s'est déstabilisé, a commencé à tourner et s'est désintégré à une cinquantaine de kilomètres d'altitude. 41 secondes se sont écoulées entre la perte du contrôle et la désintégration de la cabine de la navette spatiale. Le vaisseau s'est posé sur le sol en formant une bande étroite de débris en direction du sud-est, pointant vers le golfe du Mexique.

Les seuls survivants à la catastrophe furent les vers nématodes Caenorhabditis elegans, découverts dans des conteneurs en aluminium – ils ont été élevés en orbite pendant des expériences biologiques.

Les détails de la catastrophe

La Nasa a restitué de manière très détaillée ce qui s'était produit dans un rapport publié en 2008."La dépressurisation de la cabine s'est produite si vite que les membres de l'équipage ont perdu connaissance avant que les systèmes de sécurité se déclenchent", conclut le rapport. Pourquoi ?

Au moment de la catastrophe, trois astronautes ne portaient pas de gants car il est assez difficile de travailler sur le tableau de bord avec - donc même si le règlement impose le port de gants, c'est loin d'être toujours le cas.

L'un des astronautes ne portait pas de casque et aucun des membres de l'équipage n'avait fermé la protection du casque. La fermeture de la protection allume automatiquement l'arrivée d'oxygène dans le scaphandre, ce qui peut provoquer des fuites d'oxygènes dans la cabine et un risque d'incendie. Après l'accident d'Apollo-1 en 1967 à l'entraînement - trois hommes ont brûlé -, les astronautes américains sont très prudents avec les équipements d'oxygène.

Quelle est la raison de ce désordre ? Elémentaire. Les scaphandres de décollage et d'atterrissage pour les équipages des navettes spatiales ont été significativement retravaillés après la catastrophe du Challenger en 1986. La majeure partie des améliorations apportées au scaphandre ont été la cause de ces "difficultés d'intégration", comme les ont poliment qualifié les auteurs du rapport officiel de la Nasa.

Et c'est ainsi que les cosmonautes volaient depuis tout ce temps. Ajoutez à cela les fixations insuffisantes de la partie supérieure du corps au siège – elles ont été les premières à être arrachées, contrairement à la fixation des jambes. En cas de destruction de la cabine à vitesse Mach 20, cela signifie une mort immédiate car il serait impossible de rester dans le siège.

Sans parler des témoins qui indiquent que les équipages des navettes ne s'attachent pas toujours pendant le lancement – ce qui était le cas d’au moins un membre de l'équipage du Columbia.

Après cela, l'impossibilité d'ouverture automatique des parachutes individuels - oui, dans ces conditions le système de sauvetage nécessitait la participation consciente des astronautes - n'a pas d'importance. Même si au moment de la désintégration de la cabine les astronautes étaient bien attachés dans leurs sièges et étaient suffisamment protégés, ils n'auraient eu aucune chance de survivre à la suite. La catastrophe a comme été jouée selon un scénario préalablement écrit, excluant toute improvisation.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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