Essai nucléaire : la Corée du Nord confirme sa ligne politique

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Les dirigeants coréens l’avaient promis – ils ont lancé le 12 février un troisième essai nucléaire au nord-est du pays, près de la frontière russe. Un peu plus tard que l'avaient prédit les renseignements américains et sud-coréens (2-3 février) mais avant leurs pronostics suivants (25 février).

Les dirigeants coréens l’avaient promis – ils ont lancé le 12 février un troisième essai nucléaire au nord-est du pays, près de la frontière russe. Un peu plus tard que l'avaient prédit les renseignements américains et sud-coréens (2-3 février) mais avant leurs pronostics suivants (25 février). Et ce malgré l'espoir nourri par la communauté internationale que la Corée du Nord entende enfin ses appels et renonce à un essai nucléaire.Mais pourquoi ?

Explication  n°1 : pas de paroles en l'air

Tout d’abord, le nouveau dirigeant nord-coréen Kim Jong Un, qui a hérité le pouvoir de son défunt père Kim Jong Il il y a un peu plus d'un an, doit montrer que son action s’inscrit dans la continuité.Le 12 décembre 2012, Pyongyang avait réussi à lancer en orbite un satellite artificiel avec une fusée porteuse de sa propre production, qui pourrait être dotée d'ogives nucléaires et atteindre une cible dans un rayon de plus de 10 000 kilomètres.

Il voulait ainsi montrer explicitement quelle charge pourrait être installée sur une telle fusée intercontinentale si elle était orientée non plus vers l'espace mais visait, cette fois, un ennemi.
Et le dernier essai nucléaire lui a permis de montrer que la Corée du Nord ne jetait pas des paroles en l'air - le pays avait déjà effectué deux essais nucléaires en 2006 et en 2009 à l'époque de Kim Jong Il.

Explication  n°2 : Forts et intrépides face aux sanctions

Deuxièmement, la Corée du Nord doit montrer à la communauté internationale qu'on ne peut pas l'obliger. Qui plus est par la force. Pyongyang est prêt à discuter sur un pied d'égalité mais pas dans un rapport condescendant.

L'essai nucléaire était planifié et la réaction de la communauté internationale après le lancement de fusée fin 2012 n'était pas non plus une surprise pour Pyongyang. Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord en incluant des restrictions contre les dirigeants de l'agence spatiale et les banques nord-coréennes qui financent directement ou indirectement les sponsors de l'industrie de l'armement du pays. Tout cela est considéré en Corée du Nord comme un complot fomenté par ses ennemis.

Cette fois encore, le Conseil de sécurité a l'intention de réagir. Mais comment ? Par de nouvelles sanctions ? En interdisant aux hauts dirigeants nord-coréens de quitter le pays ? On ne peut pas dire qu'ils voyagent beaucoup. En gelant les comptes bancaires des chercheurs nucléaires
nord-coréens ? Ils n'ont pas de comptes bancaires et les Nord-coréens sont plutôt du genre à dissimuler leur argent, s'ils en ont, dans leurs chaussettes au fond d’une armoire. Limiter la liste de produits de luxe interdits d'exportation en Corée du Nord ?

Ajouter à la liste noire davantage de pianos japonais interdits ? Ces pianos ne partent pas dans les maisons de "l'élite" mais dans les écoles, pour enseigner la musique aux étudiants. Et d'ailleurs, qu'est-ce que cela a à voir avec les essais nucléaires et les lancements de fusées ?Les autorités nord-coréennes ont déjà dit et répété qu'elles ne craignaient pas les sanctions et avec une arme nucléaire, leur confiance est encore renforcée.

Explication  n°3 : Puissance nucléaire

Ensuite, hormis les sanctions de l'Onu, des mesures unilatérales peuvent isoler la Corée du Nord jusqu'à ce qu'elle obéisse et renonce au programme nucléaire, améliore la situation des droits de l'homme et abandonne la dictature au profit de la démocratie.Personne n'a l'intention de parler sérieusement avec les Nord-coréens, ce qui vexe beaucoup Pyongyang. Le pays veut prouver qu'il est une puissance nucléaire et qu'il faut s’adresser à lui autrement.

Les Etats-Unis sont ouvertement qualifiés d'ennemis de la Corée du Nord de Kim Jong Un et Washington refuse depuis plus d'un demi-siècle de reconnaître cet Etat, espérant qu'il s’effondre de lui-même. Les Américains avaient initialement promis aux Sud-coréens qu'ils ne reconnaîtraient jamais l'existence légitime de la Corée du Nord, membre de l'Onu, et 28 000 militaires américains se trouvent toujours sur le sol sud-coréen sous prétexte de protéger Séoul d'une éventuelle agression du Nord.

Depuis le renversement du régime irakien de Saddam Hussein en 2003 avec l'aide des Etats-Unis et l'inscription de la Corée du Nord dans la liste de "l'axe du mal", Pyongyang est passé au développement actif de ses "forces nucléaires de dissuasion", craignant de connaître le sort de l'Irak. Le renversement de Mouammar Kadhafi en 2011 en Libye et les tentatives actuelles des pays occidentaux de faire tomber le régime syrien n'ont fait que renforcer les craintes de Pyongyang.

Explication  n°4 : Pire c'est, mieux c'est

Enfin, la Corée du Nord pense depuis longtemps qu’un problème doit être poussé à l'extrême pour être réglé. Dans le passé, c'était utile : chaque fois qu’elle brandissait la menace de l’arme nucléaire, on commençait immédiatement à parler avec elle. C'est également le cas cette fois – l'essai nucléaire visait à déboucher sur des négociations directes avec les USA au très haut niveau, y compris sur le désarmement et le retrait des forces américaines de Corée du Sud - ce qui est infaisable car en réalité les Américains visent la Chine mais il est gênant de l'avouer.

Cependant, des négociations sont possibles et le dialogue devrait apparemment s'ouvrir prochainement. Les négociations à six avec la participation de la Russie, des USA, de la Chine, de la Corée du Nord et du Japon ne reprendront pas car l'affaire est allée trop loin et ce format n'a pas fait renoncer Pyongyang au programme nucléaire. Au contraire.

Un voisin conservateur : la Corée du Sud

Il faut également garder à l'esprit que la Corée du Sud a un nouveau dirigeant. La présidentielle a été remportée par Park Geun-hye – la fille de l'ancien dictateur Park Chung-hee, censée représenter les forces conservatrices du pays.

Depuis janvier, la Corée du Sud fait également partie du Conseil de sécurité de l'Onu – conseil qui prend des décisions vitales en termes de sécurité internationale, où Séoul assurera la présidence tournante en février.Cette fois, les diplomates sud-coréens à l'Onu devront gérer la situation - or elle ne peut qu'empirer. Cependant, Pyongyang, disposant de l'arme nucléaire qu'il promet de continuer à développer à terme, n'a aucune intention de reculer face à qui que ce soit.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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