Les Russes se disent malheureux sans raison

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Les Russes sont pleins de paradoxes: c'est en tout cas ce qui ressort du sondage réalisé par le Centre d'étude de l'opinion publique (VTsIOM) intitulé "Le bonheur à la russe". J'ignore ce que j'aurais répondu si on m'avait demandé si j'étais heureuse.

Les Russes sont pleins de paradoxes: c'est en tout cas ce qui ressort du sondage réalisé par le Centre d'étude de l'opinion publique (VTsIOM) intitulé "Le bonheur à la russe". J'ignore ce que j'aurais répondu si on m'avait demandé si j'étais heureuse. Cela m'aurait fait réfléchir. Oui, ça m'arrive. Parfois. Après tout le bonheur est un état qu'il est difficile de saisir, de décrire avec des mots, de toucher avec des mains de sociologue. Toutefois, il en existe une définition matérialiste: la satisfaction de la vie, la compréhension du sens de la vie.

"Le bonheur, c'est d'être compris", disait un célèbre film soviétique. Alors je ne comprends pas très bien où le VTsIOM a réussi à trouver 77% de gens qui s'estiment heureux. Qui plus est, ce processus est dynamique – il y a deux ans ils étaient 67%. Et seulement 44% d'après le sondage de 1990.

A première vue, c’est une bonne raison de se réjouir : le nombre de gens satisfaits qui comprennent le sens de la vie et réalisent leurs objectifs augmente. Mais parle-t-on bien du même peuple que celui des sociologues? Pourquoi sinon l'un des mêmes les plus populaires ces derniers temps est "désespoir"?

Laissons pour l'instant de côté les raisons citées par les personnes interrogées pour confirmer leur thèse sur le bonheur. Bien plus intéressantes sont la dynamique et les explications de ceux qui ne s'estiment pas heureux. Ainsi, depuis les années 1990, le nombre de gens insatisfaits s'est réduit de 27% à 18%. On ne peut pas dire que ce soit une baisse significative. Toutefois, si les 80% des gens heureux peuvent expliquer la raison de leur bonheur, plus de la moitié (52%) des "malheureux" ont hésité quand on leur a demandé pourquoi ils ne sont pas satisfaits par la vie.

A première vue, expliquer pourquoi on se sent bien ou mal est simple. Les gens heureux expliquent souvent leur état par les petits bonheurs de la vie comme "le soleil brille", "elle m'a souri", "la pluie d'été est passée", alors que les mécontents sont toujours concrets. Et leurs réponses sont d'autant plus étonnantes.

Un peu moins d'un tiers (30%) des gens malheureux déclarent qu'ils se sentent ainsi en raison du manque d'argent, de la vieillesse ou des maladies, ainsi que d'absence d'un bon travail. Les autres raisons ont recueilli entre 1 et 3% des voix. Autrement dit l'absence de logement, la solitude, la mort et les maladies des proches, les conflits familiaux, etc. ne sont pas considérés par les Russes comme une raison suffisante pour être malheureux. "Je suis malheureux parce que je suis malheureux", en quelque sorte. C'est un très mauvais signe. Car si l'individu comprend la cause de son état, c'est déjà un premier pas vers le changement. S'il n'y arrive pas ou ne veut pas l'expliquer, alors il n'a aucune volonté de changer quoi que ce soit.

D'après moi, cela montre que toutes les causes passent au deuxième plan. Simplement l'état intérieur de la majorité des Russes est tel qu'il ne leur permet pas de se réjouir de la vie mais les pousse à éprouver un mécontentement intérieur inexplicable, une inquiétude accrue.
Très probablement en raison des nombreux stress de la vie ainsi que de l'absence d'objectifs précis.

Ce "déficit de but concret" se ressent également dans les réponses données sur les causes du bonheur. Il s'avère forcé et contraint. 17% ont choisi la réponse "tout va bien, tout a réussi". Seulement 3% ont répondu qu'ils étaient heureux de vivre. Même l'amour ou la présence d'une personne aimée sont une cause de bonheur pour seulement 2%. La grande majorité ont déclaré être heureux car "tout le monde est sain et sauf", il y un travail et un toit au-dessus de sa tête – c'est suffisant. Pour la première fois apparaît l’argument "il n'y a pas de guerres".

En résumé, le sondage sur le bonheur semble tristounet. En l'essorant on obtiendrait: l'argent fait le bonheur, et le manque d'argent nous rend malheureux. Mais au moins il n'y a pas de guerre, Dieu merci.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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