Egypte : la situation pourrait être instable pendant plusieurs années (experts)

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En Egypte les tensions politiques, sociales et l'ultimatum lancé par l’opposition au président – elle exige que Mohamed Morsi quitte son poste dans deux jours au plus tard - pourraient se solder par une guerre civile de grande envergure dans le pays, estiment des experts russes interrogés lundi par RIA Novosti.

En Egypte les tensions politiques, sociales et l'ultimatum lancé par l’opposition au président – elle exige que Mohamed Morsi quitte son poste dans deux jours au plus tard - pourraient se solder par une guerre civile de grande envergure dans le pays, estiment des experts russes interrogés lundi par RIA Novosti.

Les experts soulignent toutefois que malgré toutes les tensions, le pays ne franchira pas la ligne rouge pour engager un conflit aux conséquences imprévisibles.

L'Egypte au bord de l'abîme

"Les Egyptiens se trouvent aujourd'hui au bord de l'abîme - la possibilité d’un affrontement civil se renforce de jour en jour, qui pourrait mener à des conflits plus violents, voire à une guerre civile", analyse Elena Souponina, expert du Conseil russe pour les affaires étrangères et chef du Centre de l'Asie et du Proche Orient à l'Institut d'études stratégiques de Russie. D'après elle, "la situation est tellement tendue qu'il est difficile de prévoir ce qui va arriver dans un avenir proche : une petite étincelle suffirait pour enflammer" tout le pays. 

Elena Souponina pense qu’il faut s’attendre à un "conflit sur le long terme". "Il est pour le moment impossible de prédire s'il provoquera des affrontements sérieux ou pas mais l’émergence régulière de tels foyers de tension ne fait aucun doute". Selon elle, cela s'explique par les divergences idéologiques entre les partisans d'un Etat plus religieux et les libéraux mais aussi par la situation critique de l'économie nationale.   

"La croissance de la population égyptienne est très élevée - près d’1,5 million de personnes par an – et l'économie du pays est incapable de nourrir tant de personnes sans aide extérieure. L'aide matérielle étrangère est insuffisante et il est impossible de dépendre constamment d'un soutien extérieur. Tout cela signifie qu'il y a, en Egypte, de plus en plus de personnes mécontentes qui exigeront d'améliorer la situation", poursuit-elle.  

Elena Souponina affirme que ni les Frères musulmans ni aucune autre force politique ne sont en mesure de résoudre ces problèmes économiques dans un avenir proche. "L'Egypte doit s'attendre à des désordres prolongés et à la dégradation de la situation économique qui laisse déjà beaucoup à désirer, indique-t-elle. Les Frères musulmans ont fait tout ce qui était en leur pouvoir et il n'existe pour le moment en Egypte aucune autre force politique organisée à part les militaires, malgré toutes les déclarations de la part des forces libérales et de gauche".    

Elena Souponina espère toutefois que les Egyptiens maîtriseront leurs émotions pour ne pas franchir une ligne dangereuse. "Ce scénario n'est pas encore exclu mais les Egyptiens reviendront régulièrement à cet état de fait pendant les prochaines années", conclut-elle. 

Matériel inflammable

La situation actuelle en Egypte n’est une surprise pour personne, estime Leonid Issaïev de la chaire d'Histoire mondiale et russe du Haut collège d'économie.

"De nombreux partis et mouvements qui avaient pris une part active à la chute du régime de l'ancien président Hosni Moubarak sont actuellement en marge de la scène politique en Egypte. Ils n'arrivent pas à trouver leur place", remarque-t-il. Selon lui, "ils paient d’une certaine façon leurs propres erreurs : dénués d’expérience, ils n'ont pas été en mesure de s'organiser et participer au développement d'un processus politique approprié".   

Les jeunes dont les ambitions révolutionnaires n'ont pas encore été satisfaites voudraient jouer un rôle important dans le système politique égyptien. Toutefois, "bien que les mouvements de jeunesse aient réussi à surmonter leurs divergences - leur trait caractéristique ces deux dernières années - et consolider leur structure, leur potentiel reste encore vague", souligne Leonid Issaïev. 

"La majorité de la population égyptienne est fatiguée de voir le pays en état d'instabilité politique et sociale depuis plus de deux ans, entraînant une situation économique déplorable", poursuit-il. Leonid Issaïev estime que la société est divisée en deux parties plus ou moins égales, ce qui "est déjà très dangereux". D'après lui, il reste à comprendre si les affrontements au Caire et dans d'autres villes égyptiennes ont épuisé ce "matériel inflammable" qui pourrait plonger le pays dans une guerre civile.

Leonid Issaïev souligne qu'il est encore trop tôt pour savoir si la société égyptienne est prête à des changements brusques et radicaux ; et si elle est disposée à les mettre en œuvre. "Aujourd'hui la situation n'est pas suffisamment critique pour garantir l'approbation de la majorité. Qui plus est, un grand nombre d'Egyptiens sont contre le pouvoir des militaires et la révolution car l'Egypte aurait beaucoup de peine à sortir d'un tel embarras", conclut-il.

Un nouveau tournant de violence ?

Il serait naïf de penser que le président égyptien pourrait s'adresser demain à son peuple et quitter son poste, affirme Sergueï Oznobichtchev, directeur de l'Institut des évaluations stratégiques.  

"C'est absolument impossible. Le président Morsi va consolider ses forces et l'opposition fera la même chose en renforçant son ultimatum pour qu’il soit vraiment efficace. On peut donc s'attendre à un nouveau tournant de violence au Caire et dans d'autres villes égyptiennes", affirme-t-il.

Selon Sergueï Oznobichtchev, "c’est une leçon importante qui ne profitera, pourtant, à personne". "En Syrie le leader autoritaire pourrait céder sa place à une force visiblement islamiste, alors que des mouvements extrémistes y sont également très actifs", poursuit-il. 

D'après lui, on fait face à "une situation compliquée et pas du tout bénéfique au Proche-Orient du point de vue de la pacification et du rééquilibrage des forces". 

Il vaut mieux attendre de voir comment va évoluer la situation mais "rien ne prouve actuellement qu'une pacification est possible à court terme". "L'Egypte n'a pas encore tiré le bilan du printemps arabe, ce qui est inquiétant du point de vue de l'avenir de toute la région, aussi bien que de la stabilité mondiale en général", affirme Sergueï Oznobichtchev.    

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