Résolution sur la Syrie: qui sont les perdants?

© RIA Novosti . Andrei SteninRésolution sur la Syrie: qui sont les perdants?
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Les bombardements américains contre la Syrie ont été reportés - mais pas annulés - et la guerre civile qui déchire le pays n'est pas près de se terminer.

Les bombardements américains contre la Syrie ont été reportés - mais pas annulés - et la guerre civile qui déchire le pays n'est pas près de se terminer.

Le désarmement chimique de l’armée officielle n'est qu'une partie d'un problème bien plus large. Tout incident, tout éclat de violence, pourrait faire échouer les accords qui viennent d’être signés.

La résolution du Conseil de sécurité des Nations unies adoptée le 27 septembre ne mentionne donc pas uniquement la procédure de placement des armes chimiques syriennes sous contrôle international – une avancée sans précédent - mais insiste également sur les négociations de paix. Le ministère russe des Affaires étrangères (MAE) a déjà annoncé que les pourparlers entre les représentants syriens du gouvernement et l'opposition étaient prévus à Genève pour mi-novembre.

Sacrifier les intérêts de l'opposition au profit de l'Etat

L'opposition syrienne est aujourd'hui KO du fait de l’accord entre la Russie et les Etats-Unis.

Les sentiments des opposants ont été très bien décrits par le sénateur américain John McCain, ardent défenseur des rebelles : "L'opposition se sent abandonnée. L'esprit de guerre a été plombé".

De leur côté les sponsors étrangers de l'opposition sont loin d'éprouver une telle confusion.

Les pays qui ne croient pas au président Bachar al-Assad et veulent son départ n'osent pas aller contre la volonté politique des Américains et, par conséquent, encouragent prudemment leur détermination à agir de concert avec la Russie. Et la Syrie, privée de l'arme chimique, représente déjà bien moins de danger pour ses voisins régionaux - ce qui convient aussi à certains.

En fin de compte, quand il est question des intérêts étatiques, on voit que les gouvernements peuvent très bien s'adapter aux tendances et sacrifier l'opposition - comme c'est souvent le cas.

Et si les Américains l'ont fait, les autres peuvent suivre leur exemple.

Ainsi, le président turc Abdullah Gül a salué à New York les accords entre la Russie et les
Etats-Unis sur les armes chimiques en Syrie, lors de l'Assemblée générale des Nations unies, même s’il a voulu préciser que ce n’était pas une "raison pour que le président Assad échappe à ses responsabilités pour d'autres crimes".

Des communiqués très intéressants arrivent également d'Arabie saoudite. La presse arabe déborde ces jours-ci de fuites montrant que le royaume tâterait le terrain pour trouver une entente avec l'Iran, compte tenu des dispositions générales à la réconciliation. Le nouveau président iranien Hassan Rohani est plus souple et enclin aux compromis. Il serait dommage de ne pas en profiter.

En termes de rétablissement de la stabilité au Moyen-Orient, le rapprochement de l'Iran et de l'Arabie saoudite serait un vrai facteur d’équilibre. A terme cela aiderait également la Syrie, où se confrontent les intérêts des Iraniens et des Saoudiens.

Une résolution au lieu des armes

Selon certaines informations, la confusion règne chez les rebelles et leurs différends concernant la résolution adoptée au Conseil de sécurité risquent de faire naître de nouvelles scissions dans leurs rangs, déjà très divisés.

Les opposants à Assad espéraient obtenir un soutien politique de l'Occident cet automne mais également des armements modernes, ce qui avait été notamment évoqué par le commandant de l'Armée syrienne libre (ASL) Salim Idris. "Nous n'irons pas à Genève avant de recevoir des armes et de rétablir l'équilibre des forces sur les fronts", a-t-il déclaré.

Dans la perspective d’une attaque américaine contre la Syrie les troupes rebelles se préparaient déjà à entrer à Damas sur la vague du chaos général pour s'en prendre à l'armée gouvernementale et aux unités loyales à Assad.

Cependant, plus le nombre d'extrémistes grandissait au sein de l'opposition plus les Américains devenaient réticents à l'idée d'envoyer des armes aux opposants. Car on ignore entre quelles mains elles se retrouveraient et contre qui elles seraient utilisées.

La conférence de paix de Genève était supposée se tenir cet été, début juin, puis en juillet et ensuite reportée jusqu'à septembre. Aujourd'hui on annonce qu’elle devrait se tenir en novembre. Il s'est avéré difficile de faire négocier les parties. Le gouvernement et l'opposition comptaient tous les deux sur la domination militaire mais la guerre se prolonge sans qu'aucun des deux camps ne puisse triompher.

Des différends vis-à-vis du voyage à Genève

Il existe pourtant parmi les opposants des gens sensés ayant conscience que les accords politiques sont la meilleure solution à ce long conflit sanglant qui a déjà emporté plus de 100 000 vies. L'ancien chef de la coalition nationale syrienne Mouaz al-Khatib avait déjà appelé aux négociations encore au printemps 2012 mais avait été violemment critiqué par les radicaux avant de rapidement quitter son poste.

Ahmad Jarba, qui lui a succédé, se voit aujourd'hui contraint de faire également des déclarations pacifistes. Il a récemment rencontré à New York le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon à qui il a promis d'envoyer une délégation à Genève. Il a été sévèrement critiqué. Un autre leader de la coalition, l'intransigeant George Sabra qui souligne souvent qu'il est chrétien, a déjà annoncé que ni lui ni ses partisans ne se rendraient à Genève.

La coalition nationale est la plus influente organisation d'opposition sur laquelle avait misé l'Occident. Cette "structure parapluie" a été créée en novembre 2012 pour réunir au moins une dizaine des groupes les plus influents chez les rebelles, sachant qu'il existe en Syrie et à l'étranger plus d'une centaine d'unités d'opposition armées et d’unions politiques désorganisées. Le noyau de la coalition nationale est constitué par le Conseil national syrien de l’opposition qui inclut les leaders laïques, la branche syrienne des Frères musulmans ainsi que plusieurs politiciens hors parti.

L'Armée syrienne libre (ASL) était censée être subordonnée politiquement à la coalition nationale. Finalement la coalition nationale a également essayé d'incorporer depuis l'étranger d'autres unités pour agir en Syrie. Ainsi cet été les représentants des comités révolutionnaires militarisés actifs en Syrie ont intégré l’organisme dirigeant de la coalition nationale.

Le Front islamique cherche à reprendre la révolution

Après l'entente russo-américaine commence le processus inverse. Les unités de combat quittent la coalition nationale, pensant que la révolution a été "volée" : elles comptent se battre jusqu'au bout. Certaines d'entre elles adhèrent au nouveau Front islamique dont le noyau est formé par 13 organisations extrémistes - littéralement une semaine après sa formation elles sont déjà plus de vingt.

L'opposition syrienne se répartit de plus en plus clairement en deux groupes – modéré et radical. Si le demi-ton était encore admis auparavant, jouant sur les contradictions des puissances mondiales, cette fois il est temps de choisir son camp.

Bien sûr les radicaux se retrouveront en dehors du processus politique mais ils ne quitteront pas le front, du moins pas vivants. Par conséquent le conflit se poursuivra en Syrie. Toutefois, le mouvement vers la paix a commencé et c'est déjà une bonne chose. L'opposition, pour l'instant, reste le principal perdant.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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