L’intention du milliardaire Mikhaïl Prokhorov, ex-leader du parti de droite Juste Cause, de se présenter à la présidentielle aura une influence positive sur le climat d’investissement en Russie, estiment les experts. Cependant, l’initiative de l’oligarque ne sera un succès que s'il parvient à franchir le premier obstacle, l’enregistrement.
Mikhaïl Prokhorov, âgé de 46 ans et troisième richesse de Russie avec une fortune d’environ 18 milliards de dollars, a déclaré lundi qu’il se présenterait à la présidentielle de mars 2012. Il comptait participer aux législatives du 4 décembre en tant leader de Juste Cause. Cependant, mi-septembre un scandale a éclaté au sein du parti, après lequel les délégués l'ont destitué.
L’effet Prokhorov
Selon Nikita Maslennikov, conseiller à l’Institut du développement contemporain, les risques de la détérioration du climat d’investissement en Russie se sont renforcés après les législatives du 4 décembre. Il a ajouté qu’il ne s’agissait pas seulement des mouvements de protestation, mais également du fait que le rapport de forces au sein de la nouvelle Douma (chambre basse du parlement russe) demeure à gauche du centre.
"Cependant, la situation économique actuelle, la menace d’une seconde vague de la crise, les risques actuels en termes de stabilité financière et la nécessité d’une politique budgétaire stricte dictent une politique de centre-droit", fait-il remarquer.
Evgueni Iassine, directeur scientifique du Haut collège d’économie rejoint cet avis et fait remarquer que même le parti Russie Unie qui devait initialement prôner des idées de droite s’est progressivement écarté de la politique libérale de la droite. "On obtient un conservatisme réactionnaire. Il y a des restes d'opinions libérales, mais ils ne servent pas à grand-chose, car actuellement l’économie est réglementée à un point tel que même si les communistes étaient arrivés au pouvoir, ils n'auraient pas eu besoin d’apporter des changements supplémentaires", a expliqué Evgueni Iassine. C’est la raison pour laquelle les experts évaluent dans l’ensemble l’effet Prokhorov sur le climat d’investissement comme positif. "Dans ces conditions, la candidature de Prokhorov est une sorte de message pour les investisseurs, à savoir qu’il existe dans l’espace économique russe des hommes politiques de droite qui obéissent aux principes de droite de la politique économique. C’est un message équilibrant", fait remarquer Nikita Maslennikov.
Andreï Netchaev, ex-ministre russe de l’Economie et président de la banque Corporation financière russe, perçoit dans la candidature de Mikhaïl Prokhorov une chance de changements dans le climat d’affaires du pays. "D’une part, les entreprises sont évidemment intéressées par la stabilité et veulent éviter les troubles. Mais d’autre part, la stabilité actuelle est néfaste pour le milieu d’affaires. Et dans ce sens, les petites et moyennes entreprises et une partie des grandes entreprises, qui ne sont pas concernées par le partage du budget et la redistribution des biens, sont intéressées par les changements. Et une chance de changements est toujours une bonne chose", a-t-il déclaré.
Le flanc de droite
Les experts estiment que la volonté de Mikhaïl Prokhorov de devenir le porte-parole des idées de la classe moyenne est tout à fait justifiée. "Ces personnes sont autonomes, créatives et habituées à compter sur elles-mêmes. C’est une partie relativement jeune de la population qui n’est pas suffisamment représentée dans le gouvernement russe", décrit Nikita Maslennikov l’électorat potentiel de Mikhaïl Prokhorov.
Par ailleurs, selon les experts, c’est la classe moyenne qui a besoin d’une formulation des idées de droite claire et précise. "L’arène politique exige que deux partis y soient présents: un parti de gauche, social-démocrate, et un parti de droite, libéral qui se fixe pour objectif la liberté comme source de richesse. L’un veille à ce que la liberté existe, et l’autre veille à l’équité", déclare Iassine.
Selon lui, sur le flanc de droite Mikhaïl Prokhorov devra prendre en compte les forces qui l’occupent déjà, notamment le Parti de la liberté populaire (Parnas) non enregistré. De plus, il propose à l’oligarque d’entrer en coalition avec d’autres représentants des forces de droite: Alexeï Koudrine, Mikhaïl Kassianov, Vladimir Ryjkov et Boris Nemtsov. "Ce serait une très bonne chose. Les avis peuvent diverger concernant leurs qualités, mais ce ne sont certainement pas des imbéciles. Une telle force devrait susciter la confiance", a-t-il fait remarquer.
"La Russie a besoin d’une concurrence politique… La participation de Prokhorov à la présidentielle apportera sans doute une intrigue supplémentaire et de la concurrence, ce qui mérite d'être salué", déclare à son tour Andreï Netchaev.
