Le Maïdan a rempli sa mission, il peut partir

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Le conflit entre les nouvelles autorités de Kiev et le mouvement d’extrême droite ukrainien Secteur droit, après l'élimination de leur militant Alexandre Mouzytchko (Sachka Bily), peut être considéré comme une suite logique de la victoire du Maïdan, écrit vendredi 28 mars le quotidien Nezavissimaïa gazeta.

Le conflit entre les nouvelles autorités de Kiev et le mouvement d’extrême droite ukrainien Secteur droit, après l'élimination de leur militant Alexandre Mouzytchko (Sachka Bily), peut être considéré comme une suite logique de la victoire du Maïdan, écrit vendredi 28 mars le quotidien Nezavissimaïa gazeta. Les déclarations de certains journalistes sympathisant du Maïdan sont également symptomatiques : ils estiment que la fusillade de la ville de Rovno, en Ukraine occidentale, et la mort de Mouzytchko prouvent que les nouvelles autorités diffèrent peu des anciennes : "ce sont les mêmes flics qui tirent sur des civils".

Quelle que soit l'influence de la rue et des radicaux pendant le changement de gouvernement, les représentants de l'establishment, de l'élite politique, arrivent au pouvoir. Ils peuvent flirter avec la rue et elle peut même rester pendant une certaine période une source de légitimité. Mais quand les institutions publiques commencent à travailler, quand les dirigeants doivent s'occuper des problèmes économiques et obtenir des prêts, le Maïdan doit également déléguer aux organismes gouvernementaux le pouvoir coercitif.

Les personnalités comme Sachka Bily et son fusil automatique, reflètent quant à elles une situation où le pouvoir coercitif n'est pas intégralement délégué à l'Etat. Au contraire, des structures alternatives sévissent en Ukraine et commettent des actes de violence qu'elles jugent légitimes. Deux pouvoirs coexistent : l'un rétablit l'ordre avec des méthodes plutôt radicales, l'autre est chargé de faire des déclarations officielles et de s'entendre que les questions financières. Il est évident qu'un Etat, s'il souhaite être considéré comme tel, ne peut pas et ne doit pas tolérer la violence alternative – aussi redevable que soit l'élite dirigeante à la rue et aux radicaux pour être arrivée au pouvoir.

Quand Viktor Ianoukovitch a quitté le pays et les nouveaux membres du gouvernement ont été présentés au Maïdan, il était clair que la rue de Kiev était très sceptique vis-à-vis de l'establishment politique. Quoi qu'il en soit, l'administration du pays est une fonction pragmatique. C'est pourquoi la suppression intégrale de l'élite est néfaste : des individus ayant une notion d'administration publique devraient rester au gouvernement et la tâche du Maïdan consiste à renforcer ou créer des institutions de contrôle permanent et efficace des actions de l'Etat. Ce contrôle permettrait de remplacer l'élite dirigeante en suivant des procédures légales et transparentes. Un fusil dans les mains d'un radical est loin de personnifier ce genre de procédures.

Les divergences entre le gouvernement ukrainien et les radicaux pourraient déboucher sur un Maïdan permanent, qui exigerait une révision interminable des structures du gouvernement – jusqu'à sa transformation en porte-voix de la rue, peu cohérent et certainement pas pragmatique dans ses jugements. Ce qui est susceptible d'entraîner le chaos. Ayant reçu son mandat de la rue, le gouvernement ne souhaite pas devenir son otage ou être perçu comme défaillant et ne disposant pas du monopole de la coercition. Le gouvernement considère que le Maïdan a fait ce qu'il avait à faire et voudrait établir une relation normale avec la société.

Etant donné que le gouvernement en Ukraine commence peu à peu à prendre confiance, il pourrait se montrer plus déterminé dans la répression de la protestation armée par rapport à Viktor Ianoukovitch et son entourage. Dans ce sens il serait très probablement soutenu par l'Occident et la Russie, qui ne veulent pas avoir affaire à un Etat instable et enclin à la radicalisation.

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