Cocaïne, islam et fierté nomade : les origines de la crise malienne

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"Dieu est français", déclaraient fin janvier à RIA Novosti les réfugiés du camp de Sévaré, une ville poussiéreuse au centre du Mali.Cette exaltation s'est répandue à travers de nombreuses régions du pays, résistant à la pression des rebelles financés par les organisations islamistes

"Dieu est français", déclaraient fin janvier à RIA Novosti les réfugiés du camp de Sévaré, une ville poussiéreuse au centre du Mali.Cette exaltation s'est répandue à travers de nombreuses régions du pays, résistant à la pression des rebelles financés par les organisations islamistes. Tout cela grâce à l'intervention-éclair de l'armée de l'air française en janvier 2013. Partout dans le pays flottent aujourd’hui des drapeaux bleu-blanc-rouge - la première fois depuis 1960, date à laquelle cette ancienne colonie française est devenue indépendante.

Les militaires français ont stoppé l'offensive des rebelles contre la capitale du pays, Bamako. Mais le soulèvement qui a débuté il y a un an n'est pas encore réprimé. Les troupes gouvernementales affrontent toujours les rebelles dans des combats localisés et les officiers maliens sont préoccupés : les insurgés se sont repliés dans le désert du Sahara pour se fondre dans la population. Ils pourraient lancer une nouvelle offensive immédiatement après le retrait de l'armée française.

Les rangs des rebelles islamistes sont très diversifiés. On y trouve notamment beaucoup de ressortissants d'autres pays ainsi que des séparatistes touaregs qui vivent dans le désert et prônent un Etat laïque. Tous proposent des programmes différents. D'autant que leurs rangs sont divisés après qu'il a été impossible d'obtenir la reconnaissance internationale d’un Etat autoproclamé dans la région d'Azawad au nord du Mali, en avril 2012.

Le gouvernement et les séparatistes modérés ont laissé entendre qu'ils étaient prêts à négocier mais ils refusent d’associer les islamistes aux discussions. Ce courant radical, dans les rangs des rebelles, posera un très grand problème au Mali. Mais ce problème est loin d'être le seul obstacle à la paix dans la région. Hormis le séparatisme des Touaregs, le gouvernement est inefficace et corrompu, le trafic de stupéfiants bondit dans le Sahara et les combattants qui ont servi auprès de l’ex-dirigeant libyen Mouammar Kadhafi sont revenus au pays. Selon la majorité des experts, l'apparition de ces hommes armés a donné une nouvelle impulsion à l'insurrection.

Une politique de réconciliation nationale pourrait être nécessaire dans un futur proche mais ce n'est pas une mince affaire : le soulèvement des Touaregs a creusé un fossé profond entre les Touaregs et le peuple malien, qui a cessé de faire confiance à ses voisins du nord.

"Je reviendrai à la maison mais je ne serai plus jamais ami avec mes voisins touaregs", déclare Safet Maïga, réfugié de la ville de Gao prise par les rebelles. A l'heure actuelle, Maïga vit dans le camp de réfugiés de Sévaré.

Le rêve d'Azawad est resté un rêve

Les Touaregs sont d'origine berbère. Ils vivent en Afrique du Nord et représentent la majorité des habitants de l'ouest du Sahara depuis au moins 1 500 ans. Les tribus touaregs élèvent des chèvres et des chameaux, commercent également à travers le Sahara et perçoivent une rente des
paysans - qui font partie des castes inférieures de l'oasis et du Sahel, au sud du Sahara.

Au total, 1,2 million de Touaregs vivent dans cinq pays d'Afrique. Environ 500 000 d'entre eux sont installés au Mali, selon le député Assarid Ag Imbarcaouane, lui-même d'origine touareg. Les Touaregs n'ont jamais eu leur propre Etat, hormis un minuscule sultanat dans les hauts massifs de l'Aïr au nord du Niger.

Depuis 1960, les Touaregs se sont soulevés à quatre reprises. Cependant, les révoltes antérieures n'étaient pas explicitement séparatistes. Leurs organisateurs appelaient à faire cesser la discrimination exercée par le gouvernement central de Bamako.

Suite aux précédents soulèvements, la représentation des Touaregs au sein du gouvernement et de l'armée a augmenté. Des subventions supplémentaires ont été également accordées aux Touaregs pour leur développement, déclare le politologue Mohamed Diallo. Néanmoins, les habitants de la région ont continué à accumuler les rancunes.

La révolte actuelle, qui a éclaté en janvier 2012, est partie d'un mouvement séparatiste mené par les partisans d'un Etat laïque pour se transformer en mouvement pour l'adoption des lois de la charia. En six mois, les appels à l'autodétermination ont cédé la place à la prohibition forcée de l'alcool, du tabac, de la musique occidentale et d'autres "vices".Comment ? Difficile de donner une réponse claire à cette question.

L'insurrection était, dès ses premières étincelles, dirigée par le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA). Cette mouvance séparatiste prônait la formation d'un Etat laïque et grâce à cet argumentaire, les rebelles ont connu un certain succès entre janvier et avril 2012. En avril 2012 ils contrôlaient les trois régions du nord du pays, soit 60% du territoire malien.

Dans ces régions vivaient pourtant moins de 10% de la population du Mali, qui compte 14,5 millions d'habitants. L'armée du pays a subi d'importantes pertes qui, selon les médias, s'élèvent à environ 160 morts et 400 prisonniers. Les défaites militaires ont entraîné un coup d'Etat militaire dans la capitale malienne en mars 2012, après quoi le MNLA a proclamé la création de l'Etat indépendant de l'Azawad, qui n'a pas été reconnu au niveau international.

Pendant ce temps, entre le printemps et l'été 2012, la situation s'est renversée. En juillet 2012 les alliés islamistes, notamment le mouvement Ansar Dine, ont repoussé le MNLA sur le bas-côté de la vie politique. Jérémie Keenan, expert londonien de cette région, a déclaré sur Al Jazeera en mars 2012 que le MNLA était en supériorité numérique et pouvait opposer entre 2 500 et 5 000 hommes. Néanmoins, les combattants islamistes - dont le nombre ne dépassait pas 1 000 hommes  selon la presse - étaient bien armés et entraînés. De toute évidence, leur noyau était composé d'étrangers particulièrement motivés, à savoir des mercenaires ou des soldats professionnels du djihad.

Les membres d'Ansar Dine ont commencé à instaurer la charia, y compris des châtiments corporels, la mutilation des criminels et la peine de mort pour divers crimes sur les territoires qu’ils contrôlent.En janvier 2013, les islamistes ont commencé à progresser en direction de Bamako, écrasant les unités militaires maliennes sur leur chemin.

Cette menace a poussé la France à envoyer 3 500 soldats et officiers pour lancer l'opération Serval. Cette intervention a permis de repousser les rebelles dans le désert. Les principaux bastions des insurgés ont été libérés, y compris Gao, Kidal et Tombouctou.

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