Chypre accuse l'UE de tous ses maux

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Chypre attend la décision de son parlement, qui doit approuver le "plan de sauvetage" de l'UE pour tirer d'affaire l'économie de l'île.

Chypre attend la décision de son parlement, qui doit approuver le "plan de sauvetage" de l'UE pour tirer d'affaire l'économie de l'île. Les Chypriotes interrogés par RIA Novosti accusent l'Union européenne de tous les problèmes qui les touchent aujourd’hui et les analystes avertissent que l'opinion publique insulaire s'est subitement tournée contre l'UE selon un sondage réalisé dimanche soir, avant l'annonce officielle des décisions de l'UE.

Cependant à Chypre, on savait déjà que les grands épargnants des banques locales allaient se faire "plumer", que le secteur financier - primordial pour l'économie - se réduirait considérablement, puis que le déclin du PIB s'aggraverait.

Position antiallemande

Face à la remise en question de leur mode de vie habituel, certains Chypriotes adoptent une position antiallemande et blâment l'Europe. Les jeunes du deuxième plus grand parti du pays, le Parti progressiste des travailleurs (AKEL), ont manifesté dimanche soir devant la représentation de la Commission européenne à Nicosie, pour déclarer que l'Allemagne était entièrement responsable de la politique de l'Eurogroupe, comparer ses actions avec une troisième guerre mondiale et porter des affiches "Non au quatrième Reich".

L'organisatrice d'un autre piquet indépendant devant le palais présidentiel, Elena Kozakou, déclare que l'Allemagne chercherait sciemment à réduire le secteur financier de Chypre.

"Sous prétexte que les Russes blanchiraient leur argent à Chypre, on les forcerait à quitter les banques chypriotes et à partir dans un autre pays du nord de l'Europe, où toutes les banques appartiennent à l'Allemagne", déclare Kozakou. Son avis sur l'UE n'a pas beaucoup changé ces derniers jours : "Je pensais déjà que c'était un monstre insatiable qui n'en avait jamais assez".

"Nous pensons que l'Europe a profité de l'occasion pour frapper notre système bancaire et, par conséquent, notre Etat et notre société", déclare Prodromos Charalambous, vice-président du syndicat des employés de banque ETYK. D'après lui, les banques de l'île sont viables et il n'existe aucun besoin de les fermer. Les employés de banque étaient, la semaine dernière, les manifestants les plus organisés et rassemblaient jusqu'à plusieurs milliers de personnes dans les rues, ce qui est sans précédent pour un pays de 800 000 habitants.

L'homme d'affaires Nicos partage ce point de vue. Selon lui, son entreprise a subi un grave préjudice suite à la fermeture des banques et la crise d'impayés. "Mathématiquement nous allons vers une catastrophe certaine mais il vaut mieux faire faillite seul qu'avec la troïka (UE, BCE, FMI). Je qualifierais la position de l'UE de complaisamment fasciste", dit-il.

"Je pense que Chypre est victime d'une terrible injustice… Ce que l'Allemagne n'a pas réussi à obtenir lors des deux guerres mondiales, elle cherche aujourd'hui à le récupérer grâce à une guerre économique", déclare Eleni, 22 ans, vendeuse de billets de loterie.

Déception européenne

Beaucoup de personnes interrogées par RIA Novosti remettent en question le choix européen de Chypre et disent qu'avant l'adhésion à l'UE en 2004 - et à la zone euro en 2008 - les Chypriotes vivaient mieux. Mais pratiquement personne n’envisage de retour en arrière.

"Aujourd'hui, si nous sommes en difficulté, l'Europe nous prendra par la gorge. Nous ne pouvions pas imaginer ce qui nous attendait dans la zone euro. Mais nous devrons garder la monnaie unique, on ne peut rien y faire. En revenant à la livre chypriote son cours s'effondrerait", déclare Lucas, 69 ans, qui a travaillé comme charpentier constructeur de bateaux, conducteur de bus touristiques et chanteur de scène. Il ne s'inquiète pas vraiment pour ses épargnes, dont la majeure partie a été dépensée pour ses deux filles – chacune a reçu en dot une maison neuve d'une valeur de 100 000-120 000 euros.

"Ma position concernant l'Europe n'a pas changé : les pays du nord étaient contre ceux du sud et c'est toujours le cas. Mais nous nous mentirions en pensant pouvoir revenir à la livre chypriote : on ne peut plus revenir en arrière", déclare Petros, 30 ans, employé dans une compagnie d'importation de matériel industriel à Chypre. Selon lui, depuis une semaine, il est préférable pour sa société de rester fermée plutôt que de travailler et les perspectives d'avenir sont incertaines. "Nous devons être plus organisés - au lieu d'en arriver au point de non-retour et de payer toutes les factures d'un coup", ajoute Maria, amie de Petros.

Eleni pense qu'on ne laissera pas Chypre quitter la zone euro si simplement. "Si un seul de ses éléments quittait la zone euro, ce serait un coup dur pour toute l'Europe", ajoute-t-elle.

Mais Eleni reconnaît que ces dernières décennies, les Chypriotes menaient un mode de vie difficile à entretenir à long terme. "Les gens avaient jusqu'à 5 voitures par famille, des maisons immenses, un tas de crédits, ils gagnaient et dépensaient de l'argent douteux", dit-elle.

Nicos, père de deux enfants renvoyé il y a quelques mois du secteur du bâtiment, ne déplore pas tant le mode de vie élevé que les actions des financiers : "Il est question d'actes criminels commis par les banques dirigeantes". Les banques chypriotes ont fait faillite, de facto, après avoir perdu des milliards d'euros sur de "mauvais" crédits en Grèce et sur la restructuration de la dette publique grecque. Lorsque l'Etat a tenté de sauver des banques dont les actifs dépassaient plusieurs fois le PIB de l'île, tout le pays s'est retrouvé au bord de la faillite.

Ce que disent les experts du changement de l'opinion publique

Les experts interrogés par RIA Novosti avertissent que l'opinion publique à Chypre a considérablement revu son jugement sur l'Europe.

"Evidemment, personne n'est satisfait par la position des Européens et tout le monde voudrait que la situation soit différente. Résultat des courses – une grande partie des forces politiques de gauche et de centre-gauche parlent ouvertement d'une autre voie, en dehors de l'Europe", déclare le professeur en sciences politiques et sociales à l'université de Chypre Viktor Roudometov. "Une grande partie de la population – 30% voire plus -, serait apparemment prête à soutenir une existence en dehors de l'Europe. Difficile de dire si ces 30% se transformeront bientôt en 50 ou 60%", ajoute-t-il.

Costas Panagopoulos, directeur de l'institut de sondage Alco, confirme que selon les dernières études, près de 30% des Chypriotes grecs s'opposaient aux actions de l'UE. "Le lien entre Chypre et l'UE a été dénoué et il sera difficile de le rétablir", analyse-t-il. Le politologue reconnaît que les Chypriotes se sont déjà transformés en eurosceptiques.

Selon le professeur d'économie à l'université de Chypre Marios Zachariadis, l'Europe est non seulement injuste envers l'opinion publique chypriote mais aussi envers les Chypriotes eux-mêmes car Chypre se distingue de la Grèce par une meilleure organisation et un droit anglais fonctionnel, ce qui donne à l'Etat et à la société un avantage pour régler les problèmes financiers. "Les Européens nous prennent pour des Grecs et mettent une croix sur nous comme ils l'ont fait avec la Grèce", déclare-t-il.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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