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Climat/ uranium appauvri/ physique hautes énergies/ drone - Arctique

Climat/ uranium appauvri/ physique hautes énergies/ drone - Arctique

Les modèles climatiques actuels trop imprécis

Les paléobotanistes russes ont recueilli des données qui les amènent à douter fortement de la possibilité d'utiliser les modèles climatiques actuels pour prévoir le futur réchauffement de la planète, rapporte le site nkj.ru.

Le docteur ès sciences minéralogiques et géologiques Alexeï Guerman, membre de l'Institut géologique de l'Académie des sciences russe, a fait part de ces préoccupations lors d'une récente réunion du Présidium de l'Académie.

Nos chercheurs, a-t-il expliqué, ont comparé les données sur le climat de l'époque de la seconde moitié du crétacé recueillies à partir des témoignages géologiques avec les résultats de la simulation de ce climat réalisée à l'aide des modèles de circulation générale (General Circulation Models - GCM). Ce sont ces modèles que l'informatique utilise aujourd'hui pour prévoir les futurs changements du climat de la Terre.

Les paléobotanistes ont exploité, comme témoins géologiques du climat de cette époque, 31 caractéristiques morphologiques de feuilles de dicotylédones anciens. Ils ont décrit les proportions, la forme et la taille de la lamelle des feuilles, les paramètres de leurs bords, la forme de leur base et de leur sommet. Ils ont calculé, d'après ces données, 8 paramètres paléoclimatiques de température et d'humidité utilisés par les climatologues modernes pour caractériser le climat. Cette méthode de calcul repose sur la corrélation statistique entre le choix des caractéristiques des feuilles et les critères climatiques.

Le climat de la période du crétacé tardif (-145 à -65 millions d'années) était beaucoup plus chaud que celui que nous connaissons. Ce fut même l'une des périodes les plus chaudes de l'histoire de la Terre. Les paléobotanistes ont analysé 20 flores fossiles âgées de 75 millions d'années (étage campanien du crétacé) à 100 millions d'années (étage albien du crétacé). Ils sont parvenus à la conclusion, après les avoir étudiées, que les flores fossiles de plusieurs régions (Kazakhstan, Iakoutie, Nord-Est de la Russie, Alaska), avaient existé dans les conditions d'un climat tempéré humide et chaud, tandis que la flore de l'Europe centrale s'était développée dans un climat subtropical. Le climat du crétacé tardif des latitudes élevées de l'Arctique (où prédominait un climat tempéré chaud) était extraordinairement chaud et humide, le climat tempéré froid ne se retrouvant, semble-t-il, qu'à proximité du Pôle. Le climat arctique se caractérisait par des températures estivales chaudes et d'ordinaire positives en hiver, par une quantité importante de précipitations et de fortes différences de luminosité entre les saisons. Les chercheurs relèvent que l'on ne retrouve actuellement aucun climat analogue sur Terre, ce climat arctique pouvant à juste titre être considéré comme ayant disparu.

Les scientifiques ont également établi qu'à l'époque du crétacé, il n'y avait pas de climat de type continental, ni, a fortiori, de type fortement continental: l'analyse de la flore fossile de la Sibérie orientale qui se trouvait au centre de l'important bloc continental de cette époque nous apprend qu'elle s'est développée dans un climat tempéré humide et chaud, marqué par des hivers doux.

Que montrent les modèles de circulation générale, comment "reconstruisent-ils" le climat de l'époque du crétacé tardif ? Ils montrent, globalement, de manière tout à fait juste, que le climat était beaucoup plus chaud qu'à l'heure actuelle, et que le réchauffement survenu au crétacé a été particulièrement sensible dans les latitudes élevées des hémisphères Nord et Sud. Toutefois, ces modèles se sont avérés incapables de reproduire les paramètres climatiques des régions internes de l'Asie au cours de la même période: ils "attribuent" à ces régions un climat fortement continental, proche du climat qu'elles connaissent actuellement.

Si bien que les paléobotanistes de l'Institut géologique doutent qu'il soit possible d'exploiter les GCM existant actuellement pour prévoir le futur réchauffement climatique de la Terre. L'imprécision des modèles actuels, estiment-ils, est liée à la sous-estimation des changements climatiques possibles: selon les prévisions de la simulation, lors d'un réchauffement, le climat des régions (comme la Russie en compte tant) situées à l'intérieur des continents demeure tel quel, autrement dit fortement continental, alors que les témoignages géologiques nous montrent que ce n'est pas le cas.

Uranium appauvri: matière première ou déchets nucléaires?

Les écologistes russes reprochent aux responsables du nucléaire civil de stocker en Russie des déchets nucléaires dans l'espoir - très hypothétique selon eux - de pouvoir en tirer quelque chose un jour, rapporte le site nr2.ru. Les spécialistes du nucléaire réfutent ces arguments.

Le forum "Energie nucléaire, société et sécurité" a donné l'occasion aux responsables de Rosatom (l'Agence fédérale russe chargée de l'Energie nucléaire) de réitérer leur position. L'avenir du pays, ont-ils souligné, est impensable sans énergie nucléaire. Ce forum, qui se tenait fin avril à Saint-Pétersbourg, a coïncidé, ou presque (à quelques jours près), avec l'arrivée dans cette ville d'un nouveau convoi maritime de déchets d'hexafluorure d'uranium (uranium appauvri) en provenance d'Allemagne.

Igor Konychev, responsable à Rosatom du Département chargé des relations avec les organisations sociales et les régions, a assuré aux participants au forum qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter. "J'ai déjà indiqué à de nombreuses reprises que nous n'importions pas dans notre pays de déchets nucléaires étrangers, a-t-il affirmé. Les déchets d'hexafluorure d'uranium arrivés dans le port de Saint-Pétersbourg sont en réalité une matière première précieuse."

Les écologistes pétersbourgeois ne partagent pas l'opinion de ce responsable. Ils affirment que la Russie est le seul pays au monde qui importe à l'échelle industrielle des déchets  d'hexafluorure d'uranium. Selon la législation russe, l'importation de déchets radioactifs est interdite. Mais il existe des ruses juridiques qui permettent néanmoins de faire entrer des matières dangereuses, estiment les écologistes.

Rachid Alimov, de l'association écologiste Bellona, a ainsi expliqué à Vzgliad que "conformément à la loi sur l'utilisation de l'énergie nucléaire, on considère comme déchets radioactifs les matériaux nucléaires et les substances radioactives dont l'utilisation ultérieure n'est pas prévue. Les représentants de Rosatom nous assurent que cet hexafluorure pourra, à terme, servir à quelque chose et que ce ne sont donc pas, formellement, des déchets. Mais concrètement, en quoi consiste cette "matière première"? A partir des déchets d'hexafluorure d'uranium, on extrait de l'uranium, mais le reste, autrement dit les déchets, demeure en Russie, comme un poids mort. Cette partie qui reste inutilisée peut représenter jusqu'à 90 % du total. Les atomistes affirment qu'un jour peut-être, dans une cinquantaine ou une centaine d'années, les technologies auront évolué et qu'il sera possible alors de tirer encore quelque chose de ce reliquat. Et que, du coup, ce ne seront plus des déchets nucléaires. Mais pour l'instant, personne n'y est parvenu. Et les wagons contenant cette "saleté" continuent d'arriver à Saint-Pétersbourg, avant d'être envoyés dans l'Oural et en Sibérie."

Les écologistes soulignent qu'au problème de stockage viennent s'ajouter les risques liés au transport et à d'éventuels accidents. Ils conviennent que le rayonnement autour des wagons (qu'ils ont mesuré, à une certaine distance, à hauteur de 228 microroentgens/heure), bien qu'une dizaine de fois supérieur aux normes habituelles, demeure très en dessous du seuil au-delà duquel il existe un risque de contracter très vite la maladie des rayons (il y a danger lorsque le rayonnement se mesure non plus en microroentgens, mais en centièmes de roentgens). Mais ils demeurent inquiets. D'autant plus que ces cargaisons de déchets d'hexafluorure d'uranium parviennent désormais assez régulièrement à Saint-Pétersbourg (il y a eu cette année, selon eux, des arrivées en avril, ainsi qu'en mars et janvier).

Les écologistes déplorent surtout que la Russie soit le seul pays à pratiquer une telle politique. "Il est à noter, souligne Rachid Alimov, que les Etats-Unis ont accumulé à peu près autant de déchets d'hexafluorure d'uranium que la Russie - environ 700.000 tonnes. L'Allemagne et la France connaissent des problèmes identiques. La seule différence est que ces pays ont trouvé le moyen de s'en débarrasser peu à peu: ils les expédient en Russie, le seul pays à les accepter." D'aucuns soulignent l'intérêt économique d'une telle opération. Rachid Alimov se montre sceptique, même de ce point de vue. Selon nos données, affirme-t-il, la Russie perçoit moins d'argent de l'Allemagne qu'elle n'en dépense pour le stockage de ces déchets.

Cette polémique n'est pas nouvelle. L'an dernier, déjà, RIA Novosti avait rapporté que les dirigeants néerlandais de la société Urenco avaient dû s'expliquer, aux côtés de leurs collègues russes, sur ces livraisons d'uranium appauvri. Le directeur d'Urenco, Huub Rakhorst, avait déclaré à une radio néerlandaise qu'il ne s'agissait pas d'exporter vers la Russie des déchets nucléaires. Sa société, avait-il spécifié, produit de l'uranium enrichi, utilisé comme combustible dans des centrales nucléaires. Ce faisant, il subsiste, comme produit auxiliaire, de l'uranium appauvri. Celui-ci est vendu à la Russie pour qu'elle le transforme dans ses usines de Sibérie. Une partie de l'uranium ainsi transformé est de nouveau livrée aux Pays-Bas à la société Urenco, tandis qu'une autre partie (à hauteur de 70%, soit, en l'occurrence, quelque 3.500 tonnes par an) est stockée pour une durée indéterminée dans des usines russes à Novoouralsk, Angarsk et Seversk. Les Russes, avait expliqué Huub Rakhorst, utiliseront à l'avenir cet uranium appauvri comme combustible pour des réacteurs nucléaires d'un type nouveau, les surgénérateurs (breeders).

Un ex-ministre russe du Nucléaire, Boris Mikhaïlov, directeur de l'Institut de stabilité stratégique de Rosatom, avait estimé pour sa part qu'il s'agissait là d'une banale opération commerciale. "La transformation (l'enrichissement) de l'hexafluorure d'uranium, qui est en fait de l'uranium ordinaire à l'état gazeux, est très profitable pour les pays disposant des technologies adéquates, avait-il précisé. C'est le cas de la Russie. Il s'agit d'un projet commercial ordinaire, qui permet d'obtenir du combustible pour les centrales nucléaires."

Physique des hautes énergies: un vaste programme en préparation

Un programme scientifique de grande ampleur pouvant notamment déboucher sur la création d'un collisionneur supraconducteur d'ions lourds est en cours de développement en Russie dans le domaine de la physique des hautes énergies, rapporte le site ng.ru.

Des chercheurs de l'Institut unifié des recherches nucléaires (initiales anglaises: JINR) de Doubna et de l'Institut de physique des hautes énergies (IHEP) ont tenu à Protvino un séminaire commun au cours duquel ils ont débattu de la conception et de la réalisation du projet NICA (Nuclotron-based Ion Collider fAcility). Ce projet a pour but d'étudier l'interaction des ions lourds de hautes énergies à l'aide du détecteur multicible MPD (Multi Purpose Detector). Comme l'a noté le professeur Nikolaï Tiourine, directeur de l'IHEP, ce projet ouvre la perspective de travaux en commun afin de créer un nouveau collisionneur supraconducteur d'ions lourds.

Alexeï Sissakian, directeur du JINR, a souligné dans son intervention que son institut était depuis longtemps un leader mondial reconnu dans la physique des ions lourds de basse énergie. Avec la création de l'installation NICA/MPD, il pourrait occuper également une position éminente dans la physique des ions lourds de haute énergie.

Le nouveau collisionneur, a poursuivi Alexeï Sissakian, permettra de résoudre toute une série de problèmes physiques des plus intéressants, parmi lesquels on peut citer la recherche de la phase mixte et des phénomènes critiques dans le processus d'obtention d'un plasma de quarks et gluons. A l'heure actuelle, des travaux sont menés à Brookhaven (Etats-Unis) afin de moderniser le collisionneur RHIC dans le but d'abaisser l'énergie des ions entrant en collision tout en augmentant, simultanément, la densité de l'interaction des noyaux. Par ailleurs, en Allemagne, l'installation FAIR (GSI) est en cours de création. Mais, loin de se concurrencer, les projets NICA/MPD et FAIR, bien au contraire, se complètent.

La proposition a été faite que ce nouveau complexe soit créé par étapes, en commençant par la modernisation et le développement des systèmes de l'accélérateur existant (c'est le projet Nuclotron-M). L'ensemble des travaux devrait être achevé en 2013. Interrogé sur le financement de ce programme, Alexeï Sissakian a répondu que le coût du nouveau projet était estimé à quelque 50 millions de dollars. A titre de comparaison, le montant total des dépenses du JINR dépassera cette année les 55 millions de dollars, soit 21% de plus qu'en 2007. Une progression des dépenses rendue possible par l'augmentation des contributions des pays participants. Le JINR table sur une progression annuelle de 20% de son budget. Par ailleurs, des discussions sont en cours pour obtenir un financement complémentaire de l'Etat pour le développement du programme sur les ions lourds.

Le rapport d'Alexeï Sissakian, et également celui du professeur Alexandre Sorine, ont été consacrés au programme de recherche physique sur le complexe d'accélération NICA, ainsi qu'aux possibles recherches appliquées. Ainsi, un des détecteurs du MPD sera destiné à l'étude des collisions des noyaux lourds relativistes (autrement dit se déplaçant à des vitesses proches de celle de la lumière) dans des conditions extrêmes (températures et densités élevées). Il est envisagé d'utiliser un deuxième détecteur pour l'étude des collisions de flux d'intensité élevée de protons et deutrons de hautes énergies.

Grigori Troubnikov, ingénieur en chef adjoint du JINR, a rappelé quant à lui que la modernisation de l'accélérateur existant avait été engagée l'an dernier, dans le cadre du projet Nuclotron-M. Lorsque tout ce programme sera achevé, le JINR disposera, avec le NICA/MPD, d'un complexe de recherche de base exceptionnel.

Un drone pour mieux étudier les glaces du Pôle

Des spécialistes russes du Pôle ont testé un drone pour l'étude des glaces dans l'Arctique, a rapporté début mai le site inauka.ru.

Les scientifiques russes se trouvant sur la station polaire dérivante Severny Polious-35 (SP-35 - Pôle Nord-35) ont achevé les tests du drone sans pilote Eleron. "Nous avons réalisé huit vols de reconnaissance aérienne à différents régimes, a fait savoir l'Institut de recherche arctique et antarctique du Rosguidromet (services russes de la météo). Nous avons élaboré une méthode d'exploration de la glace, et établi les sources des perturbations lors de la réception des signaux vidéo." Le responsable de cette expédition arctique sous des latitudes élevées, Vladimir Sokolov, a précisé que "les spécialistes ont procédé, sur la station SP-35, à une expertise de la qualité des résultats des photos prises par l'Eleron et établi, notamment, une carte-schéma de la piste d'atterrissage de la station". Grâce à un montage photos réalisé à partir de ces clichés, les glaciologues ont pu évaluer la situation de la glace sur un plan d'eau étendu, et calculer l'épaisseur de la glace arctique en cette saison.

Vladimir Sokolov a également indiqué à ITAR-TASS que durant la semaine écoulée, 14 sondes radio avaient été lancées, jusqu'à une altitude de 30 km. Par ailleurs, en complément des observations aériennes des glaces récentes, des échantillons de glace récemment formée ont été prélevés afin de continuer à déterminer la présence en son sein de phosphates, de silicates, de sel, de carbone inorganique et d'éléments alcalins. C'est indispensable si l'on veut dresser un tableau complet de l'état écologique de la couverture de glace du bassin de l'Arctique, a souligné Vladimir Sokolov.

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