Discussion de femmes : « les maris au foyer »

© Photo Mikhail Kharlamov/ Marie Claire RussiaSvetlana Koltchik
Svetlana Koltchik - Sputnik Afrique
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«Le mâle traditionnel est une espèce en voie de disparition. Il est grand temps de repenser la masculinité», c’est ainsi que titrait récemment la couverture du Newsweek américain avec comme illustration la photo d’un homme costaud d’épaules tenant dans les bras un petit enfant.

«Le mâle traditionnel est une espèce en voie de disparition. Il est grand temps de repenser la masculinité», c’est ainsi que titrait récemment la couverture du Newsweek américain avec comme illustration la photo d’un homme costaud d’épaules tenant dans les bras un petit enfant.

L’article faisant la couverture offrait quant à lui de curieuses statistiques sur les changements récents du marché de l’emploi (il semblerait  qu’aujourd’hui aux Etats-Unis, les hommes comptent pour moins de 50% de la main d’œuvre) et sur le rôle des sexes (les sondages montrent qu’une majorité écrasante soutient le congé payé de paternité alors même qu’il n’est proposé, à l’heure actuelle, que par une poignée d’entreprises).

Pourtant, même chez les obsédés du travail américains, on estime à 143.000 les chômeurs pères de jeunes enfants qui restent à plein temps à la maison pendant que leur moiti é ramène les sous à la maison, et près de 50 groupes de soutient existent dans tout le pays pour encourager les hommes à devenir des hommes au foyer. Partout dans le monde, en particulier dans les pays dont les lois incitent les employeurs à soutenir  la prise en charge des enfants par les deux parents, les pères-au-foyer sont encore plus fréquents. En Suède plus de 80% des pères prennent au moins quatre mois de congés à la naissance de leur enfant (à comparer aux 4% d’il y a une décennie).  En Islande, c’est même 90% des hommes et en Allemagne, Grande-Bretagne (le premier ministre David Cameron a donné l’exemple en prenant quelques semaines de congés pour se lier avec sa fille nouveau-né), Autriche, France, Australie et même au Japon le nombre de pères-au-foyer conservant leur salaire se multiplie.

Je me suis demandée si d’une manière ou une autre la Russie suivait également cette tendance et j’ai décidé d’enquêter auprès de mes connaissances masculines russes, soit du monde des affaires soit du milieu créatif, s’ils seraient partants pour prendre des congés pour s’occuper d’un enfant. J’ai été agréablement surprise. Je m’attendais à recevoir des réponses sceptiques voire indignées alors que j’ai eu plutôt des commentaires pensifs et plutôt encourageants. « Je le ferais » a été la réponse qui a prévalu, mais souvent suivie d’un ensemble de conditions. « C’est mon enfant, pas celui de quelqu’un d’autre, donc je serais plus qu’heureux de prendre soin de lui à la maison » dit Konstantin, 47 ans, directeur financier d’une société internationale à Moscou et père d’une fille de 25 ans « Mais bon en même temps » Konstantin se presse d’ajouter « je m’inquiéterais de savoir si mon babysitting affecte la qualité de ma relation avec ma femmes. Et si elle se mettait à écouter ce que les gens disent ? En Russie, l’opinion publique n’approuve pas qu’un mari reste à la maison ; ce n’est pas une chose virile à faire ».

« Je le ferais, mais seulement si je savais à coup sûr que ce serait temporaire et qu’il y aurait une nounou à portée de main pour m’aider en cas de problème» dit Oleg, 34 ans, responsable de l’information sur l’une chaines télé nationales, divorcé et sans enfants. « Je serai super partant, mais dans un monde différent » explique Igor, 31 ans, producteur en chef d’un grand groupe media et père d’une petite fille. « Même si légalement un homme peut prendre un congé de paternité, notre marché est tel que si je laissais mon job pour quelques mois je serais immédiatement remplacé par quelqu’un d’autre » explique-t-il. « Je ne le ferais jamais » confesse un autre personne interrogée Andrei, 37 ans, rédacteur pour un magazine et père de 5 enfants « C’est un million de fois plus difficile de s’occuper d’un enfant que d’aller au bureau » dit-il. « En plus, en vieillissant on devient plus responsable et je serai mort d’inquiétude pour mes gosses si je devais rester avec eux plein-temps. »

En commençant à interroger les femmes, j’ai des réponses encore plus conservatrices. « J’ai besoin d’un homme qui soutienne la famille, pas de quelqu’un qui change des couches ou cuisine des soupes. Les hommes ne sont pas faits pour s’épanouir dans la vie grâce aux enfants. » dit Ekaterina, 30 ans, rédactrice pour l’un des plus importants journaux féminins, fiancée à un important homme d’affaires. « C’est cool pour moi, si mon mari garde occasionnellement les enfants, pour autant que je sache qu’il est à la recherche d’un job » dit Galina, 34 ans, comptable dans une banque et mère de deux enfants dont le mari, un travailleur saisonnier, reste avec les enfants trois fois par semaine lors de ses périodes sans emploi. Galina dit faire confiance à son mari « plus qu’à n’importe quelle nounou au monde ». Néanmoins, elle pense que les femmes sont «naturellement mieux équipées que les hommes pour accomplir les tâches monotones requises par les soins à un enfant en bas âge ». « Mon homme devient chèvre s’il reste à la maison plus de trois jours d’affilés » dit-elle.

Je n’ai réussi à trouver qu’une seule famille avec un homme véritablement au foyer, le mari de ma vieille copine Marina, 33 ans, qui est responsable de programmes à la télé. Ces derniers quatre ans, le mari de Marina, un acteur sans emploi, est resté à la maison pour prendre soin de leur trois petits, à Moscou dans leur appartement trois chambres du centre et en banlieue dans leur maison de campagne. Elle dit que cet arrangement fonctionne très bien pour eux. « Je n’ai pris de congés de maternité pour aucun de mes enfants. Rester à la maison, ne serait-ce qu’une journée me rend dingue ».  «Alors que mon mari lui adore » dit-elle joyeusement « C’est un père incroyable et qui reste le chef de famille même si c’est moi qui ramène l’argent à la maison. Je me fiche de ce que disent les autres – ça marche pour nous. Enfants heureux ne grandissent qu’auprès de parents heureux.»

Même comme cela, je ne pense pas que le schéma Mr Nounou vs Mme Chéquier me conviendrait. Je tends plutôt vers un ordre plus traditionnel. Un homme devrait venir, voir et vaincre dans la jungle du monde pas dans la cuisine ou la nurserie. Mais j’adorerais qu’il donne un coup de main lorsqu’il est à la maison. Je suis pour les pères qui participent. Pas pour ceux qui sont domestiqués. Aux Etats-Unis, une enquête récente a montré que 69% des pères changent les couches autant que leur femmes ce qui a motivé Pampers à cibler agressivement les consommateurs masculins. Ils ont engagé comme porte parole Drew Brees, l’un des meilleurs quarts-arrière américains, un hercule au sourire irrésistible. Personnellement, je n’aurais rien contre, disons… Marat Safin, l’une des stars russes du tennis et sex symbole, faisant ici la pub pour les couches ou la nourriture pour bébés. Je trouverai cela même plutôt sexy, pas vous ?

Discussion de femmes: Les hommes russes n'existent plus…

* Svetlana Koltchik, 33 ans, est la rédactrice en chef adjointe de l'édition russe du magazine Marie Claire. Elle est diplômée de la faculté de journalisme de l'Université de Moscou et de l'Ecole de journalisme de l'Université de Columbia à New York. Elle a travaillé dans l'hebdomadaire russe Argumenty i Fakty à Moscou, le journal USA Today à Washington et a écrit pour RussiaProfile.org ainsi que pour les éditions russes de Vogue et de Forbes.

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