Le culte de la jeunesse

© Photo Mikhail Kharlamov/ Marie Claire RussiaSvetlana Koltchik
Svetlana Koltchik - Sputnik Afrique
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Tu as quelques rides sur le front, pourquoi ne fais-tu pas quelque chose ? m’a demandé une amie récemment alors que nous étions en train de faire des courses. Elle me l’a dit d’une manière plutôt nonchalante, comme si nous étions en train de parler d’une nouvelle robe pour une soirée à venir.

“Tu as quelques rides sur le front, pourquoi ne fais-tu pas quelque chose ? m’a demandé une amie récemment alors que nous étions en train de faire des courses. Elle me l’a dit d’une manière plutôt nonchalante, comme si nous étions en train de parler d’une nouvelle robe pour une soirée à venir.
Mais j’étais un peu abasourdie. Je suis effectivement au courant de ces petites lignes (résultant de l’habitude que j’ai hérité de mon père, de plisser les yeux quand je parle). Mais honnêtement, je n’envisageais pas « faire quelque chose», en tout cas pas encore.

Or il semble que je sois en retard sur nombre de mes compagnes. Une fille que je connais, 27 ans, teint parfait et un corps de rêve, se fait faire chez elle par un thérapeute 5 fois par semaine des massages faciaux anti-âge et d’autres traitements de rajeunissement depuis plus d’un an et demi.
Une autre femme que je connais, n’ayant pas encore 30 ans, s’est récemment tournée vers l’une des meilleures cliniques de Moscou pour se faire faire un lifting de 2000$ et une mésothérapie (un traitement qui implique des micro-injections de divers médicaments, vitamines, minéraux et acides amines dans les couches superficielles de la peau, provoquant soi-disant un effet de rajeunissement incroyable). Heureusement, à mi-chemin de la première procédure, le thérapeute l’a renvoyé chez elle en lui disant qu’elle était trop jeune pour faire cela. Mais, une autre amie, une créature tout aussi parfaite, a commencé à injecter du Botox dans son visage de poupée à 28 ans.

Attention, toutes ces filles ne sont pas les femmes d’oligarques qui s’ennuient et dont le corps se trouve être le projet d’investissement majeur de leur vie. Ce sont des femmes normales, occupées, ayant une vie professionnelle. Sauf qu’elles sont peut être toutes les victimes d’un culte alarmant de la jeunesse qui prospère dans notre société.

Est-ce du manque de confiance en soi ? Un besoin inconscient de rivaliser avec la jeune génération ? Ou simplement le désir de se conformer aux tendances actuelles ? Avec un boom sans précédant de l’industrie de la beauté en Russie durant la dernière décennie, notre culture est devenue incroyablement orientée vers la jeunesse. Il suffit de regarder les publicités télévisées, les affiches, les publicités dans les magazines et surtout les couvertures elles-mêmes : des photos de stars soigneusement modifiées avec Photoshop nous hypnotisent avec leurs images convaincantes de jeunesse. Dans l’une de mes chroniques précédentes, j’ai décrit l’émergence d’une nouvelle tendance sociale dénommée à l’Ouest « âge adulte retardé» et « quarante c’est le nouveau trente et trente le nouveau vingt » voulant dire que les choix de  style de vie et de comportement de beaucoup de mes pairs suggèrent qu’ils sont au moins dix ans plus jeunes. Quand on en vient à l’apparence, il semble maintenant que pour certaines femmes c’est plutôt “la quarante c’est le nouveau vingt.”

Quoiqu’il en soit, personnellement, je ressent une pression incroyable à agir comme une jeune et, plus important encore, à avoir l’air jeune aussi. En étudiant avec soin dans les derniers numéros des meilleurs magazines féminins les traitements anti-âge et les produits luttant contre le temps qui passe (existants et à venir), je me suis sentie perplexe. Que se passerait-il si je choisissais de ne pas suivre ces conseils et de rester fidèle à ma routine de beauté habituelle ? Si je ne prends pas les mesures radicales fortement conseillées par les magazines féminins et les professionnels de l’industrie de la beauté, vais-je devenir une exclue, incapable de trouver ma place parce que mon âge réel va se voir ?

Une de mes amies a récemment passé une demi-journée dans un salon de beauté pour se faire belle pour sa fête d’anniversaire. Elle est revenue magnifique mais avec les larmes aux yeux. « Mon esthéticienne m’a traité comme une moins que rien parce que je n’avais pas encore commencé une thérapie anti-âge ! Et je vais seulement avoir 31 ans” se plaint-elle. « En ai-je vraiment besoin ?! »

Alors que j’essayais de consoler mon amie en lui disant que ce n’était pas le cas, je me suis rendue compte que la notion même de « thérapie anti-âge » me faisait grincer des dents. Les experts de l’industrie de la beauté clament que plus tôt nous commençons combattre l’âge, plus tard il commence à nous hanter. Mais être obsédés par la jeunesse éternelle ne nous ferait-il pas passer à coté de certains principes fondamentaux de l’existence : la continuité et la transformation ?

Anastassiya Kharitonova, le directeur de la section Santé et Beauté de Marie Claire Russie est totalement d’accord avec moi « La notion de « vieillir avec grâce » a pratiquement disparu dans notre culture » observe-t-elle. Beaucoup de femmes russes, tout comme leurs très vaines et/ou « peu-confiantes-en-elles » sœurs de Californie du Sud, sont aussi en train de devenir accros aux procédures de rajeunissement agressives comme la chirurgie plastique et les coûts, les effets secondaires ou la douleur ne les arrêtent pas. Elle suggère que dans une ou deux générations, nous pourrions arriver à accepter la vieillesse comme un processus naturel.

Mais personnellement je trouve un grand réconfort à regarder ma mère. A 68 ans, elle a l’air d’en avoir 45/50. Elle n’utilise pratiquement jamais de maquillage et se lave encore le visage tous les jours avec du savon. Quand je lui fais remarquer que c’est très 19ème siècle, elle sourit et continue à s’occuper de ses affaires. Elle n’a jamais teint ses cheveux et on ne voit que quelques cheveux gris dans ses royales tresses auburn.

Comme beaucoup de femmes de sa génération, ma mère a eu une vie difficile, ayant passé son enfance dans un orphelinat du goulag quelque part au-delà de l’Oural. Elle fronce des sourcils quand je lui donne des crèmes anti-âge très sophistiquées qui coûtent au moins trois fois sa retraite. Et quand je lui demande quel est son secret pour rester jeune, en général elle hausse les épaules et répond nonchalamment quelque chose comme « dormir suffisamment, être curieux de la vie et n’envier personne.”

Eh bien, pour changer je trouve ces conseils de beauté très inspirants!

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* Svetlana Koltchik, 33 ans, est la rédactrice en chef adjointe de l'édition russe du magazine Marie Claire. Elle est diplômée de la faculté de journalisme de l'Université de Moscou et de l'Ecole de journalisme de l'Université de Columbia à New York. Elle a travaillé dans l'hebdomadaire russe Argumenty i Fakty à Moscou, le journal USA Today à Washington et a écrit pour RussiaProfile.org ainsi que pour les éditions russes de Vogue et de Forbes

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