Ecologie: briser les tabous!

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Hugo Natowicz - Sputnik Afrique
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En réunissant des chefs de région russes à Dzerjinsk, dont les habitants vivent au milieu d'un dépotoir chimique à ciel ouvert, le président Medvedev tente de briser le tabou entourant l'écologie en Russie. Il n'est pas au bout de ses peines.

En réunissant des chefs de région russes à Dzerjinsk, dont les habitants vivent au milieu d'un dépotoir chimique à ciel ouvert, le président Medvedev tente de briser le tabou entourant l'écologie en Russie. Il n'est pas au bout de ses peines.

Le 9 juin dernier, une réunion du conseil d'Etat présidée par le président russe Dmitri Medvedev se tenait à Dzerjinsk. Le lieu de la rencontre n'était pas choisi au hasard, et résume à lui seul les défis que la Russie doit relever dans le domaine écologique.

Dzerjinsk, ville de 250.000 habitants dans la banlieue de Nijni Novgorod, c'est l'ancienne capitale chimique de la Russie. Un des lieux qui représentent au mieux la catastrophe, c'est la "mer blanche": un des dépotoirs de la ville se comptant par dizaines, dans lequel la compagnie de fabrication de chlore et de caoutchouc Sibur-Neftekhim déverse depuis des décennies ses déchets, qui ont formé une poudre blanche. Les habitants vivent à parfois à quelques centaines de mètres de dépôts de produits chimiques, leur espérance de vie ne dépassant pas 42 ans pour les hommes, 47 chez les femmes. Maladies respiratoires, oculaires et cancers y sont légion.

Toutefois, la réputation de Dzerjinsk tient surtout à sa deuxième place dans le top-10 des villes les polluées au monde, une affirmation formellement démentie côté russe… La situation critique n'est que trop connue, mais l'inertie face à ce problème est plus grande encore. Les compagnies incriminées nient en bloc, les responsables de Sibur affirmant par exemple que la "mer blanche" est inoffensive, les renards et hérons venant régulièrement y gambader. Mais au cynisme des industriels vient s'ajouter une forte inertie du pouvoir, aussi bien local que central.

Le gouvernement est le premier fautif. Medvedev a tancé le cabinet des ministres et son chef, Vladimir Poutine: les consignes données par le président il y a un an jour pour jour dans le domaine de l'écologie n'ont pas été respectées. "La plus grande partie des documents officiels qui devaient être préparés ne l'ont pas été. Je vois en cela la responsabilité du gouvernement", a s'est indigné M. Medvedev. La faible activité du gouvernement dans le domaine écologique le prouve: l'écologie n'est pas encore perçue comme une priorité, malgré plus de 30 milliards de tonnes de déchets dangereux accumulés dans le pays, selon les chiffres avancés par Dmitri Medvedev.

Le travail visant à mettre en place une base normative est dans l'ensemble resté lettre morte, la Russie conservant son image de pays écologiquement attardé. L'idée d'une Russie-dépotoir semble acceptée à tous les niveaux. Même quand le scandale dépasse ses frontières, aucune remise en cause n'a vraiment lieu: le journal Libération dévoilait par exemple en 2009 qu'EDF exportait, en violation de la loi russe et internationale dans le domaine, des déchets nucléaires en vue de leur retraitement en Sibérie.

Culture du déni

Le problème du rapport entre les Russes et la nature est profond. Une promenade en forêt dans les environs de Moscou en atteste: la population semble insensible aux problèmes liés à l'écologie, et les comportements sont parfois choquants. Un peintre russe tel que Levitan devrait ajouter des tas de détritus en tous genre afin de donner une image réelle du paysage russe actuel. Trouver un lieu de piquenique autour d'un étang ressemble le plus souvent à un slalom entre les ordures… Une situation dangereuse, les tessons de bouteilles en tout genre étant notamment la cause de départs d'incendies.

Ces attitudes sont notamment la conséquence de la transition du communisme à l'économie de marché. Le passage d'un régime ultra-contrôlé, dans lequel l'ensemble primait sur les individus, à une liberté peu encadrée, a provoqué un relâchement généralisé autour de ce bien commun qu'est la nature. Un psychologue y verrait peut-être une forme de vengeance de l'individu contre la communauté. Pourtant, il serait faux d'affirmer que la société subit passivement cette situation. Des "subbotniki" (travail bénévole effectué le samedi) s'organisent, des organisations regroupant et accompagnant en outre les volontaires désireux de nettoyer leur parc ou les rues de leur quartier.

Le travail réalisé au niveau politique par Medvedev constitue un pas dans le bon sens: le président a par exemple proposé de créer une zone économique spéciale à Dzerjinsk, et d'octroyer des avantages économiques et fiscaux aux entrepreneurs qui contribueront au démantèlement des décharges. L'idée de sensibiliser les entreprises est en marche, mais n'aura toutefois rien d'évident: "Personne n'aime particulièrement payer pour l'écologie, mais à l'étranger c'est dans l'ordre des choses tandis que chez nous seuls les entrepreneurs les plus mûrs s'en occupent", a-t-il lui-même reconnu.

Pourtant, toutes ces mesures sont insuffisantes. Un pas crucial consisterait à dresser un véritable état des lieux de la pollution en Russie, pour que les citoyens sachent. Sans éducation et sans miser sur la mobilisation des Russes, les premiers intéressés dans la dépollution de leur pays, il y a de fortes chances pour que les sommes débloquées par l'Etat finissent dans les poches des fonctionnaires, sans se traduire dans les faits.

Au-delà des mots et des décisions politiques, la Russie a désormais besoin d'une solide stratégie impliquant les citoyens pour en finir avec la pollution.

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