Haro sur les lasers!

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Hugo Natowicz - Sputnik Afrique
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Alors que les incidents se multiplient autour de pointeurs lasers, les autorités russes tentent d'endiguer un phénomène d'une ampleur préoccupante.

Les incidents se sont multipliés dernièrement: un Tu-204 et Boeing 737 en provenance d'Istanbul et Iakoutsk ont été pointés au laser à l'approche de l'aéroport moscovite de Vnoukovo à quelques minutes d'intervalle. Les pilotes des deux avions ont été aveuglés au cours de l'atterrissage, la période du vol la plus sensible.

En cause, le pointeur laser, ce petit instrument en forme de stylo généralement utilisé lors des conférences. Les appareils les plus performants ont une puissance de 700 mWt, ce qui leur permet de percer le carton et de porter jusqu'à 50 kilomètres. Mais il en faut bien moins pour causer de graves dégâts: à Rostov-sur-le-Don, c'est un pointeur de 200 mWt seulement qui a été utilisé.

Fait étrange, c'est la ville de Rostov-sur-le-Don qui détient la palme de ce type de délinquance. Plusieurs cas particulièrement préoccupants s'y sont produits, les pilotes n'étant parvenus à éviter le pire que de justesse. Le 7 juillet, un Boeing était contraint de faire demi-tour après que deux pilotes eurent été éblouis: c'est presque en aveugle que ces derniers sont parvenus, avec l'aide de la tour de contrôle, à poser l'appareil sur la piste.

La fréquence de ces "attaques au laser" est en augmentation constante: si l'on n'avait dénombré que six incidents de ce type au premier semestre 2010, leur nombre était déjà de 45 à la fin de l'année. Médiatisation croissante, mais surtout absence totale de règles sur l'acquisition de ces petits appareils en Russie: le contexte a favorisé la multiplication des incidents.

Le problème connaît d’ailleurs une dimension internationale: 2836 cas avaient été enregistrés aux Etats-Unis en 2011. En France, le problème est également pris très sérieux : un homme de 20 ans avait été condamné à six mois de prison avec sursis pour s'être "amusé" à braquer un pointeur laser sur le cockpit de trois avions de ligne. Entre septembre 2009 et avril 2010, 21 pilotes d'Air France se sont ainsi plaints d'avoir été éblouis au laser à Paris, Marseille ou Toulouse et une procédure d'urgence a été mise en place au sein de la compagnie.

Terrorisme ou délinquance?

La multiplication des cas a provoqué une inquiétude généralisée. La première réaction est venue de Tchétchénie, république russe confrontée au terrorisme islamiste: les policiers ont interpellé un adolescent qui tentait d'aveugler un pilote d'avion à l'aéroport de Grozny. Ramzan Kadyrov, le chef de la république, a carrément ordonné de placer ce type de faits au même niveau que le terrorisme. Par la suite, Kadyrov a même interdit la vente des pointeurs laser dans la république.

"Si un avion s'écrase, qu'Allah nous en garde, si le malfaiteur a atteint son but, si des gens sont tués, c'est un terroriste, un extrémiste", a ajouté Kadyrov. "Je ne vois pas de différence entre le fait qu'un avion soit descendu par un missile ou un laser, si cela cause des morts humaines. Missile, mitrailleuse, laser, pour moi, en tant que garant de la Constitution de la République de Tchétchénie, c'est du pareil au même. C'est pourquoi je pense que la Douma d'Etat (chambre basse du parlement de Russie) doit immédiatement prendre une loi visant à endurcir les mesures dans de tels cas, jusqu'à mettre à un même niveau ces faits avec le terrorisme", a-t-il déclaré.

Ni une ni deux, la Douma s'est mise au travail. Les députés comptent à l’automne introduire des poursuites criminelles pour ces infractions, dont les auteurs encourront jusqu’à dix ans de réclusion. Le ministère russe de l'Intérieur s’est lui aussi mobilisé et entend employer des drones pour réprimer l'utilisation malveillante des pointeurs laser. L'agence fédérale de l'aviation Rosaviatsia a quant à elle confectionné des lunettes permettant d'éviter l’éblouissement.

Les poursuites auront certainement peu d’impact: la plupart des contrevenants sont mineurs, la loi ayant surtout un effet surtout dissuasif. Si fonctionnaires et ingénieurs se mobilisent, les autorités russes ne devraient pas oublier les vrais enjeux de cette bataille: inculquer des repères et des valeurs à une jeunesse de plus en plus déboussolée. A la frontière entre terrorisme et délinquance, le phénomène dénote le malaise d'une jeunesse en panne de réalité, dont le comportement menace de faire dérailler la mécanique de la société.

Un problème crucial, que tous les drones du monde ne seront pas en mesure de régler.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.

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