Où vont les touristes russes?

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Alexandre Latsa - Sputnik Afrique
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Le mois d’août est bien entamé et Moscou désertée par le gros de ses habitants. Paris au mois d’août, Moscou au mois d’août, il y a quelque chose d’agréable dans ce vide relatif d’une grande ville en plein été.

Le mois d’août est bien entamé et Moscou désertée par le gros de ses habitants. Paris au mois d’août, Moscou au mois d’août, il y a quelque chose d’agréable dans ce vide relatif d’une grande ville en plein été. La température cette année n’est pas caniculaire comme l’année dernière, Moscou n’est pas noyée dans la fumée des tourbières, et il y a de la place partout, même si les travaux sur l’anneau périphérique  (le Koltso) sont une vraie catastrophe pour la circulation. A Moscou, le métro est relativement vide et les cafés aussi et franchement ça fait du bien, un peu moins de cohue. Pour une grande partie des moscovites le mois d’août est un mois hors du temps. Nombreux sont ceux qui quittent la ville et partent à la Dacha.

Ces petites maisons de campagne, au confort parfois sommaire, permettent de sortir du monde moderne et revenir à une relation plus saine et directe avec la nature. La pêche, le repos, et la préparation des shashliks (brochettes) sont généralement les occupations principales du Dachnik lambda.

Mais les Russes sont également de plus en plus nombreux à partir en vacances à l’étranger. Bien que le pays soit immense, proposant des théâtres de tourisme très variés, de plus en plus de russes ont, dès la chute du mur, et à la mesure de leurs moyens, profité de la possibilité d’aller enfin voir le monde extérieur, ce qui était quasiment mission impossible à  l’époque de  l’URSS. Dès les années 2000 le flux de touristes russes vers les pays étrangers n’a cessé de se développer. Les destinations prisées par les russes sont, ce n’est pas une surprise les pays chauds, en bord de mer. Des endroits ou on trouve ce qui fait cruellement défaut en Russie, hormis dans le sud du pays: de la chaleur et de la lumière.

En 2010, le nombre de touristes russes ayant voyagé à l'étranger pendant les 9 premiers mois de l’année avait augmenté de 34 % par rapport a 2009, pour atteindre près de 9,79 millions de personnes. Bien sur l’année 2009 était une année de crise, et 2010 une année de sortie de crise. Il est intéressant de regarder ou vont ces touristes russes. La Turquie a été le pays le plus visité par les Russes avec plus de 2,16 millions de touristes, soit une hausse de 26% en 2010 par rapport à 2009. 

L'Egypte se classe en deuxième position avec plus de 1,5 million de touristes. Dans ces deux pays, les russes représentent respectivement 7,6 et 13,6% des touristes étrangers qui visitent le pays. En 3ème position on trouve la Chine qui en 2010 a vu un peu plus de 1 million de touristes russes visiter le pays, ces derniers ne représentant que 2% du total des touristes étrangers en Chine. Les pays occidentaux les plus visités par les Russes sont la France, les Etats Unis et l’Allemagne. Mais de nouvelles destinations deviennent à la mode chez les Russes de la classe moyenne. La Russie occupe par exemple aujourd’hui le deuxième rang, après les États-Unis, dans le tourisme entrant en Israël. En 2010 plus de 550.000 touristes russes ont visité Israël, une augmentation de 37% par rapport à 2009 et de près de 55% par rapport à 2008. L’abolition des visas pour les touristes russes en Israël a sans doute été l’un des facteurs déclenchants de cet essor touristique. Le Mexique est aussi l’un des bénéficiaires de cette hausse du tourisme des Russes puisqu’en 2010 plus de 27.000 Russes ont visité le Mexique, soit une hausse de 134% en glissement annuel. En janvier-avril 2011, le nombre de touristes russes y a déjà atteint plus de 14.000 personnes, les chiffres de 2010 seront sans doute dépassés cette année.

Le Vietnam également joue la carte russe puisque selon les statistiques de l'Administration nationale du tourisme,  au cours de ces cinq dernières années, le nombre de visiteurs venus de Russie a augmenté de 20% à 30% par an, et en 2010, le Vietnam a accueilli près de 100.000 Russes. 

Pour l’été 2011 les choses semblent cependant avoir sensiblement changé, en partie à cause du contexte international. Selon un récent sondage du Centre d'étude de l'opinion publique russe (VTsIOM), 56% des Russes resteront à la maison et 19% partiront à la campagne pendant les vacances. En outre les Russes sont cette année prêts à dépenser 17.102 roubles (424 euros) pour leurs vacances d'été soit sensiblement plus que en 2010 (16.207 roubles soit 400 euros). Selon le Service fédéral russe des statistiques (Rosstat), le salaire moyen en Russie s'est chiffré à quelque 548 euros en mars dernier.

L’instabilité née des révolutions du printemps arabe est un facteur inquiétant, tant pour les touristes russes que pour les états d’accueil comme l’Egypte, la Tunisie ou la Syrie, qui voient disparaitre une manne financière importante. Mais le malheur de certaines destinations soleil fait le bonheur des autres, puisque Chypre et la Grèce par exemple semblent bénéficier en 2011 d’un afflux de touristes russes qui allaient sans doute précédemment de l’autre côté de la méditerranée. Le Cyprus Mail du 3 mai dernier expliquait que le tourisme russe vers Chypre était en plein essor. Avec 146.000 touristes en 2007, 181.000 en 2008, 149.000 en 2009 (effet de la crise) et 224.000 en 2010. Pour l’année 2011, ce sont près de 300.000 touristes russes qui devraient visiter l’ile, un record absolu.

Mais si les flux de touristes russes vers l’étranger sont en hausse, la Russie semble avoir du mal à s’imposer comme une destination attractive pour les touristes étrangers. L'Allemagne se classe la première en 2010 pour le nombre de touristes ayant visité la Russie, avec plus de 306.000 entrées, suivie des États-Unis (145000), à égalité avec la Grande-Bretagne. La Finlande occupe la quatrième place avec 110.000 touristes. Au total, en 2010, seulement 4,5 millions de touristes ont visité la Russie. De plus, le nombre de touristes issus des pays occidentaux est en net recul, en moyenne de 10 à 15% pour l’année 2011. Pourquoi? Nombre de touristes pointent du doigt les difficultés de la procédure d’obtention des visas ou l’absence d’infrastructures adaptées. Le prix des séjours en Russie hors tour-opérateurs est souvent un problème car il est vrai que dans certaines villes du pays les tarifs des hôtels sont excessivement élevés.

Pour résoudre ce problème, les autorités russes ont développé un ambitieux projet de transformation de la Russie en une destination touristique majeure. Dès cette année, 62,5 millions d’euros du budget seront alloués au développement du tourisme dans six régions du pays. Et dans les sept prochaines années, plus de 7,5 milliards d’euros seront dépensés pour l’infrastructure touristique. L’objectif est que d’ici la fin de cette période, jusqu'à 25 millions de touristes étrangers visitent la Russie et que le marché du tourisme en Russie se développe jusqu’à générer des rentrées de 15 milliards de dollars par an en 2018. Les autorités de la ville de Moscou, de leur côté, ont présenté un programme qui vise à faire passer le nombre des touristes étrangers dans la capitale russe à près de 10 millions de personnes d'ici 2020.

Sans aucun doute, l’amélioration et la modernisation des infrastructures est une priorité pour que le tourisme puisse se développer en Russie. Un défaut de communication de la partie russe semble également responsable du faible attrait que le pays procure, alors que la Russie regorge de villes et villages pittoresques, et d’espaces immenses où la nature  est encore intacte.

En dehors des plans nationaux pour développer le tourisme en Russie, il y a des initiatives régionales comme c’est le cas en Carélie, où il est prévu de faire augmenter d’ici à 2015 de 50% le nombre de touristes étrangers qui visitent la région. Cette hausse du tourisme se fera en partie par le renforcement de l’intégration européenne, puisque les spécialistes russes du tourisme local ont élaboré un grand projet qui prévoit de créer un nouvel itinéraire international - l'Anneau scandinave - reliant les pays scandinaves au nord européen de la Russie.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.

 

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* Alexandre Latsa, 33 ans, est un blogueur français qui vit en Russie. Diplômé en langue slave, il anime le blog DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la Russie".

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