Russie-Afrique: un potentiel gigantesque, mais sous-exploité

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Hugo Natowicz - Sputnik Afrique
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La Russie est de retour en Afrique noire. Elle doit redéfinir sa stratégie pour s'imposer sur un continent très convoité.

Hugo Natowicz, pour RIA Novosti

Absente pendant près de 20 ans suite à la chute de l'URSS, la Russie est de retour en Afrique. Un tournant amorcé en mai 2009, lors de la tournée du président russe Dmitri Medvedev dans quatre pays stratégiques (Egypte, Nigeria, Namibie et Angola). Une visite dans la foulée de Barack Obama, pour affirmer que l'Afrique comptait à nouveau pour Moscou.

Objectif n°1: tourner la page avec la période soviétique. L'URSS était impliquée économiquement et militairement pour promouvoir le communisme. La visite de Medvedev visait à donner un nouvel élan aux relations, libre de toute idéologie. Rien de tel pour cela que l'économie: le président était accompagné de 400 hommes d'affaires. Gazprom s'engageait à aider le Nigéria dans la prospection et l'exploitation de gisements d'hydrocarbures. En Namibie, les Russes cherchaient à ressusciter un vaste projet d’exploration de gisements d’uranium naturel.

Pourtant, avec 9,3 milliards de dollars investis entre 2003 et 2009 dans 47 projets africains, la Russie a longtemps été à la traîne au sein du BRIC. C'est qu'il faut désormais jouer des coudes sur un continent convoité, hier "pré carré" des Français et des Britanniques, aujourd'hui courtisé par la Chine et les Etats-Unis. L'expérience russe est loin derrière celle des Français, enracinés depuis des générations en sol africain. Inlassables bâtisseurs d'infrastructures, les Chinois alignent les kilomètres de route…

Comment rivaliser avec des moyens inférieurs? Les atouts de la Russie sont réels, avant tout d'ordre psychologique. "Il faut se rappeler le rôle de Catherine II dans la lutte contre l'esclavage, et notre apport décisif dans la décolonisation, qui a permis un vrai rapprochement", indique Evgueni Korendiassov, directeur du Centre pour les relations russo-africaines de l'Académie des sciences de Russie. Moscou a selon lui l'avantage de n'avoir jamais été un colonisateur, et suscite moins de méfiance que les Chinois, qui tendent à s'installer en bousculant les équilibres locaux.

L'apport soviétique, notamment quelque 300 hôpitaux, universités, sites industriels construits dans la région, suscitent toujours une grande reconnaissance. Autre atout: un grand nombre de dirigeants sont passés par un véritable réseau de 70.000 Africains ayant étudié en URSS. Financièrement, la Russie est aussi présente: elle investit trois millions de dollars par an pour lutter contre les criquets au Mali, combattre la faim en Somalie et en Erythrée, et fournir une aide alimentaire au Kenya.

Sur la scène internationale, les points de convergence sont nombreux, comme la piraterie au large de la Somalie et le terrorisme. Mais le concept de "non-ingérence" et la création d'un monde multipolaire, mots d'ordre de la diplomatie russe, séduisent particulièrement les Africains. "Nos pays sont très proches, et je crois que leur principal point commun est d'être tous deux farouchement indépendants", explique l'ambassadeur d'Afrique du Sud en Russie, Mr. Mandisi Mpahlwa. "Le système financier international doit être réformé. Nos deux pays sont partisans d'une croissance mondiale plus équilibrée (…), il faut une économie plus intégratrice, qui permette l'émergence de nouveaux acteurs".

Vitesse supérieure

Si les perspectives sont alléchantes, les échanges restent en-deçà des espérances: le chiffre d'affaires de la Russie avec l'Afrique subsaharienne atteint 1,5 millions de dollars seulement, et l'on observe une grande dépendance vis-à-vis des intermédiaires étrangers.

Les points de croissance africains ne se résument pas aux hydrocarbures, au cacao, aux fleurs, au coton et au café. Une diversification est amorcée coté russe. Domaine en cours d'exploration: la science et les télécoms. Un consortium de banques russes a récemment prêté 300 millions de dollars à l'Angola pour lui permettre de mettre en place son propre système de communication satellitaire, Angosat. "La Russie et l'Afrique du Sud coopèrent dans l'espace, la recherche nucléaire, ainsi que les superordinateurs", rappelle M. l'Ambassadeur, ajoutant que les deux pays menaient 14 projets conjoints dans le domaine de la recherche appliquée. "N'oubliez pas que la Russie a lancé le premier satellite sud-africain!"

Mais les relations dans leur ensemble ont un besoin urgent de modernisation. Les nombreuses ententes conclues par l'URSS avec les pays africains sont désuètes, et doivent être remplacées par des accords de partenariat modernes. Les liens russo-africains réclament un nouveau souffle, et une stratégie claire.

"Vous savez, dans les années 1990 nos deux pays sont entrés dans une phase de bouleversements massifs, l'Afrique du sud sortait de l'apartheid, et la Russie du communisme, explique M. Mandisi Mpahlwa. Les relations manquent d'un socle historique stable. Les hommes d'affaires n'ont pas une compréhension suffisante du contexte mutuel, et manquent de confiance au moment de se lancer".

"Ces problèmes sont identifiés, nous avons entamé de nombreux projets. 20 PME sud-africaines ont notamment été accompagnées sur le marché russe. Récemment, un festival de vins sud-africains, un autre de nos points forts, s'est tenu à Moscou. C'était formidable! Cela montre la voie à suivre: miser sur l'information pour surmonter l'ignorance qui bride les rapports", poursuit-il.

Côté russe, les grosses compagnies publiques ne sont pas en mesure de créer à elles seules un tissu entrepreneurial sur le terrain, et Moscou ferait bien de suivre l'exemple sud-africain en misant sur les petites et moyennes entreprises. "Il faut attirer les PME!", martèle M. Korendiassov qui milite pour la mise en place d'un tissu efficace de chambres de commerces et d'industrie. Une nouvelle génération d'entrepreneurs a vu le jour, mais un réseau doit être créé sur le terrain afin de passer à la vitesse supérieure. "Il ne faut pas se limiter à l'économie, la Russie doit promouvoir sa culture et sa langue sur le continent noir. Les Africains sont extrêmement sensibles à ces aspects", assure l'expert.

"Il y a vraiment une chaleur dans les relations qui demande à être exploitée", conclut, plein d'espoir, l'ambassadeur d'Afrique du Sud.

 

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