La politique est en train de devenir à la mode ?

© Photo Mikhail Kharlamov/ Marie Claire RussiaSvetlana Koltchik
Svetlana Koltchik - Sputnik Afrique
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"Je pense que nous devrions tous être bénévoles lors des prochaines élections", suggère mon amie proche Julia, alors que nous buvons du vin chaud aux épices dans ma cuisine. C’est la veille de Noël et mes meilleures amies sont venues pour notre traditionnel dîner de fin d’année.

"Je pense que nous devrions tous être bénévoles lors des prochaines élections", suggère mon amie proche Julia, alors que nous buvons du vin chaud aux épices dans ma cuisine. C’est la veille de Noël et mes meilleures amies sont venues pour notre traditionnel dîner de fin d’année.

Nos hommes ne pouvant être là, c’est une réunion douillette entre filles seulement, mais avec une différence significative : au lieu de discuter hommes, nous discutons politique. Nous avons toutes participé à la manifestation massive dans le centre de Moscou un peu plus tôt ce jour-là et nous sommes impatientes de partager nos expériences.

Les émotions sont au plus haut ce soir-là, en particulier lorsque la discussion porte sur qui pourraient, potentiellement, être les nouveaux dirigeants de la Russie et comment chacune d’entre nous pourrait faire de la société russe, une société civile. C’est presque comme si je ne pouvais plus reconnaître mes amies et moi-même. Il n’y a pas si longtemps, le sujet principal parmi les yuppies russes était de savoir comment s’échapper le plus facilement de Russie. En se contentant de moins, en travaillant ou étudiant à l’étranger. Ou même en émigrant pour de bon. Une autre option populaire était “l’émigration intérieure”, un terme récemment inventé par les médias russes et utilisé pour décrire le retrait passif dans un vacuum d’information presque total, quelque chose qui ressemble à « Je n’en ai rien à faire de ce qui se passe en Russie aujourd’hui ».

Ce terme pourrait être devenu inutile puisqu’il semble que nous nous sommes soudainement réveillés. Nous avons commencé à faire attention et à penser de manière proactive. Et non seulement cela, mais nous avons aussi commencé à avoir de l’espoir. « Le pays a changé. Nous commençons à parler du respect de la dignité humaine, qui est la base de toute société civile », a dit Iouri Chevtchouk, le leader de l’un des plus anciens groupes de rock, connu pour ses critiques ouvertes du gouvernement à la manifestation du 24 décembre. Celle-ci a réuni plus de 100.000 personnes, plus qu’aucun rassemblement dans la rue dans la ville depuis la chute de l’Union Soviétique. Je ne reconnais pratiquement plus mes compatriotes dernièrement. Mon vieux pessimisme a commencé à fléchir. Les médias russes ont nommé les manifestations de la semaine dernière, qui ont eu lieu non seulement à Moscou, mais aussi dans toute la Russie, « L’évolution de Décembre ». Peut-être que les fraude électorales présumées (mais tout à fait évidentes) ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de notre tolérance à la corruption, à la propagande et à la stagnation politique. Ou peut-être, en cette fin de 2011, le temps est tout simplement venu pour que nos voix soient entendues en dehors des réseaux sociaux et de nos cuisines.

Curieusement les femmes semblent particulièrement à la pointe de cette tendance. Plus tôt cette année j’avais écrit une chronique sur les filles devenant actives en politique - "Les femmes et la politique: un mélange à la mode?". Mais à ce moment-là, aller à des manifestations et protester paraissait une chose courageuse mais étrange à faire, en particulier pour des femmes. Certains des rassemblements publics occasionnels ressemblaient plutôt à des fêtes privées pour de vrais fans, et pour les autres, une activité potentiellement dangereuse bonne seulement pour les vrais révolutionnaires. Maintenant tout le monde est actif politiquement. Avoir une position civique et en parler publiquement c’est devenu cool. Juste avant la dernière manifestation, une agence de rencontres en ligne russe très populaire a fait une annonce « spéciale ». Elle appelait les femmes, en particulier célibataires, à aller manifester, en affirmant que c’était une alternative beaucoup plus cool aux services de rencontre. « 65% des participants aux manifestations sont des hommes, 80% ont un revenu supérieur à la moyenne, 75% ont un QI supérieur à la moyenne et 50% sont célibataires. A ne pas manquer ! » Beaucoup de mes amies célibataires ont admis avoir aperçu des garçons intéressants là-bas et certaines ont même fait quelques rencontres prometteuses. Nombre de mes collègues filles de Marie Claire et dans d’autres magazines glamour, qui ne pouvaient se rendre aux manifestations n’ont pas arrêté de se justifier en disant « je vais en tout cas venir à la prochaine ».

Certaines de celles qui sont courageusement allées à la manifestation, y sont allées seules, malgré que leurs moitiés appartiennent à un autre camp politique. La rédactrice en chef de Hello ! Russie, une fille à la mode, qui fréquente surtout les défiles de mode, les célébrités et les ouvertures de galeries d’art VIP, est venue à la manifestation alors même que son mari, un acteur populaire, fervent supporter de Poutine s’était ardemment rallié à ce dernier, lors d’une convention de Russie Unie à peine quelques jours plus tôt. Une autre femme, Bojena Rynska, auteur de chroniques mondaines célèbre et l’une des voix les plus en colère et les plus fortes de la blogosphère a aussi rejoint les militants de la manifestation. “Jusqu’à récemment, j’aurais pu avoir honte de sortir dans la rue avec une foule obscure mais maintenant le temps est venu de le faire.” a-t-elle confessé lors d’une interview télévisée.

J’ai demandé mon amie Julia si elle croyait que la montée de l’activisme civique pouvait changer quelque chose en Russie. Représentante du bureau de Moscou de l’un plus important journaux néerlandais et mère de deux enfants, cette femme a été incroyablement occupée ces derniers temps, distribuant des tracts dans son quartier, écrivant dans des blogs, et repostant de l’information relative aux protestations en ligne. “L'activité sur Facebook à elle seule pourrait ne pas apporter des résultats significatifs, mais se montrer oui” dit-elle “si tous vont dans la rue et défendent ce à quoi ils croient, les choses vont changer.”

Au milieu des manifestants, j’ai repéré une jeune femme tenant une grande affiche qui disait “je veux avoir des enfants dans un pays libre”. J’ai trouvé que c’était là, l’un des slogans les plus inspirants. Se battre pour une chose aussi éphémère que la liberté est une chose nouvelle et difficile en Russie et la plupart des experts prévoient une année très difficile devant nous. Mais ce qui semble certain, c’est que déjà nous ferons en sorte que nos voix soient entendues.

Et c’est, en effet, encourageant.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.

* Svetlana Koltchik, 33 ans, est la rédactrice en chef adjointe de l'édition russe du magazine Marie Claire. Elle est diplômée de la faculté de journalisme de l'Université de Moscou et de l'Ecole de journalisme de l'Université de Columbia à New York. Elle a travaillé dans l'hebdomadaire russe Argumenty i Fakty à Moscou, le journal USA Today à Washington et a écrit pour RussiaProfile.org ainsi que pour les éditions russes de Vogue et de Forbes.

La Russie a été toujours considérée comme une femme, et la notion de femme russe reste le stéréotype le plus répandu à l'égard des Russes, au sens positif mais aussi négatif. Mais n'est-ce qu'une fantaisie des hommes? Voilà une femme russe moderne, travailleuse et, disons, de plus en plus consciente de la globalisation, qui expose sa vision des tendances du monde contemporain, évoquant des questions de genre ainsi que des thèmes sociaux plus larges. Elle parle et laisse parler les autres femmes.

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