La démographie russe de 1991 à 2012

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Alexandre Latsa - Sputnik Afrique
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En décembre 2010 j’ai publié une tribune intitulée La démographie russe, objet de tous les fantasmes. Dans cette tribune, je rappelais comment l’effondrement politique, économique et institutionnel qui a suivi la disparition de l’URSS avait contribué au déclenchement d’un désastre sanitaire et démographique en Russie.

En décembre 2010 j’ai publié une tribune intitulée La démographie russe, objet de tous les fantasmes. Dans cette tribune, je rappelais comment l’effondrement politique, économique et institutionnel qui a suivi la disparition de l’URSS avait contribué au déclenchement d’un désastre sanitaire et démographique en Russie. De 1991 à 1999, en conséquence de l’effondrement de l’économie russe, l’état sanitaire de la population s’est considérablement détérioré et l’espérance de vie s’est écroulée.

La surconsommation d’alcool souvent frelaté, les empoisonnements liés, les suicides en augmentation, le développement de la consommation de drogue et des maladies sexuellement transmissibles dont le sida, ont provoqué une explosion du taux de mortalité. Ces conditions de vie dans la Russie des années 1990 ont aussi provoqué une baisse progressive de la natalité. Face à la crise économique, l’avortement était souvent la seule solution pour beaucoup de femmes. Tout cela a mené à une crise démographique sans précédent. Observons année après année le nombre de naissances, de décès et le solde naturel (hors immigration). La natalité diminue, la mortalité augmente.

Année     Naissances         Décès               Solde
1991       1.794.626         1.690.657          +103.969
1992       1.587.644         1.807.441          —219.797
1993       1.378.983         2.129.339          —750.356
1994       1.408.159         2.301.366          —893.207
1995       1.363.806         2.203.811          —840.005
1996       1.304.638         2.082.249          —777.611
1997       1.259.943         2.015.779          —755.836
1998       1.283.292         1.988.744          —705.452
1999       1.214.689         2.144.316          —929.627

Entre 2000 et 2005, la natalité a connu une reprise notable, sans doute grâce à  l’amélioration des conditions économiques globales, mais la mortalité a encore augmenté, entraînant ainsi durant ces 6 années une incroyable chute de population de 5.363.668 habitants, soit 893.944 par an en moyenne. En janvier 2006, la population russe n’était plus que de 142,2 millions d’habitants, contre 148,3 millions en 1990.

Année     Naissances         Décès               Solde
2000       1.266.800          2.225.332         —958.532
2001       1.311.604          2.254.856         —943.252
2002       1.397.000          2.332.300         —935.300
2003       1.483.200          2.370.300         —887.100
2004       1.502.477          2.295.402         —792.925
2005       1.457.376          2.303.935         —846.559

En 2005 l’État russe a lancé un new-deal démographique confié à Dimitri Medvedev, alors vice-premier ministre en charge des projets nationaux et prioritaires. Destiné à relancer la natalité et faire baisser la mortalité, ce plan social a eu des effets complémentaires à la hausse continue du niveau de vie, de 2005 à 2009. La remise en état du système sanitaire du pays et les aides financières aux familles ont eu des résultats spectaculaires. Finalement, en l’espace de 12 ans, de 1999 à 2011, la mortalité a fortement baissé et le nombre annuel de naissances a augmenté de plus de 40%.

Année        Naissances         Décès              Solde
2005           1.457.376        2.303.935         —846.559
2006           1.479.637        2.166.703         —687.066
2007           1.610.100        2.080.400         —470.300
2008           1.717.500        2.081.000         —363.500
2009           1.764.000        2.010.500        —246.500
2010           1.789.600        2.031.000        —241.400
2011           1.793.828        1.925.036        —131.208

En tenant compte des soldes migratoires, légèrement positifs, en 2009, pour la première fois depuis 1991, la population russe a augmenté de près de 50.000 habitants. En 2010 elle a  légèrement baissé (environ 50.000 personnes) mais en 2011, la population a finalement augmenté de 160.000 habitants. L’année 2011 est également celle qui a vu le plus de naissances depuis 1991, avec 1.793.828 naissances, et pour la première fois depuis 1992 il y a eu moins de 2 millions de décès dans le pays. Cette année 2011 présente enfin une particularité intéressante puisque les chiffres du deuxième semestre (naissances contre décès) sont nettement meilleurs que ceux du premier semestre. Sur les 6 derniers mois de l’année, le solde naturel (hors immigration) est positif: il y a eu 951.249 naissances et 943.617 décès, soit un solde positif de 7.632. Le mois d’août 2011 a même vu un record de naissances (173.166) et la moyenne des 5 autres mois du semestre est supérieure à 150.000.

Si cette tendance se confirme l’année prochaine, le nombre de naissances en Russie pourrait flirter avec les 1,8 millions et le nombre de décès devrait lui continuer à diminuer, passant sous la barre des 1,9 millions. Le solde naturel négatif pour l’année 2012 pourrait ainsi être inférieur à 100.000. Le solde migratoire, pour sa part, devrait être encore une fois positif, étant donné les besoins de main d’œuvre de l’économie russe et la population russe devrait donc de nouveau augmenter en 2012. Pour les lecteurs qui s’intéressent aux liens entre économie et démographie: Une étude plus détaillée à été publiée en France par l’IRIS (Observatoire du monde post soviétique) en septembre 2011, sous le titre: déclin démographique russe, la solution sera dans la croissance.

Enfin il faut noter que les prévisions démographiques russes existantes envisagent 3 scénarios démographiques (bas, moyen, haut) qui mènent en 2030 à une population comprise entre 128 et 144 millions. Dans sa version la plus optimiste, le scénario démographique prévoyait que la population russe atteindrait 143 millions d'habitants seulement début 2015. Or ce seuil démographique a été déjà atteint le 01 janvier 2012. La baisse de population que la Russie devrait théoriquement connaître pendant la décennie suivante pourrait donc vraisemblablement être bien plus faible que prévu. On peut même imaginer que la population russe augmentera sensiblement d'ici à  2030.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.

* Alexandre Latsa est un journaliste français qui vit en Russie et anime le site DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la Russie". Il collabore également avec l'Institut de Relations Internationales et Stratégique (IRIS), l'institut Eurasia-Riviesta, et participe à diverses autres publications.

 

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