Géorgie, Russie: relation sans dialogue

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Hugo Natowicz - Sputnik Afrique
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La Géorgie prend une décision inattendue, alors que les relations avec Moscou restent tendues: supprimer, de façon unilatérale, les visas d'entrée pour les citoyens russes.

La Géorgie prend une décision inattendue, alors que les relations avec Moscou restent tendues: supprimer, de façon unilatérale, les visas d'entrée pour les citoyens russes.

La décision de Tbilissi était inattendue, les relations avec Moscou n'ayant pas vraiment évolué depuis la guerre d'août 2008: le président géorgien Mikhaïl Saakachvili a signé le 28 février un décret annulant les visas d'entrée pour les touristes et les hommes d'affaires de la Fédération de Russie en vue de séjours de moins de 90 jours. Le chef de l'Etat a présenté en personne la mesure lors d'une intervention au parlement le lendemain.

La mesure a pris les dirigeants russes de court: le président élu Vladimir Poutine s'est senti contraint de s'exprimer quelques jours plus tard sur les relations bilatérales. Le ton était relativement conciliant: "Nous avons des relations particulières avec le peuple géorgien, et j'espère qu'une solution sera trouvée", a déclaré M.Poutine, évoquant les perspectives des relations russo-géorgiennes. Le premier ministre s'est pourtant bien gardé de proposer une reprise du dialogue avec l'administration géorgienne.

C'est la diplomatie russe qui s'en est chargée, en proposant le 3 mars de lever à son tour les visas pour les citoyens géorgiens. "Nous suggérons également de rétablir les relations diplomatiques entre nos pays", a déclaré le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Alexandre Loukachevitch. Tbilissi a refusé en raison de la reconnaissance par Moscou de deux républiques sécessionnistes sur le territoire géorgien, l'Ossétie du sud et l'Abkhazie. La partie russe s'est dite "déçue".

Suisse du Caucase?

Les relations entre la Russie et la Géorgie sont actuellement inexistantes dans tous les domaines. Les embargos divers avaient d'ailleurs débuté avant la guerre d'août 2008, qui a mis aux prises les deux pays autour des deux républiques autoproclamées. Actuellement, aucun train ni avion ne relie les deux Etats, séparés par un véritable "rideau de fer" psychologique.

Cette rupture a été traumatisante: les deux peuples orthodoxes, liés par une histoire et des relations anciennes, ont été brusquement séparés. Mais une des principales conséquences de ce schisme était économique. J'ai raconté dans une précédente tribune les conséquences catastrophiques qu'a eues l'embargo russe décrété en 2006 sur le secteur agricole géorgien: les viticulteurs géorgiens ont alors perdu leur plus important marché. En un an, les pertes liées à l'exportation de vin en Russie ont atteint 50 millions de dollars. Le secteur agricole géorgien, qui emploie 400.000 personnes (sur environ 4,6 millions d'habitants) s'est retrouvé plongé dans une crise profonde.

C'est dans ce contexte qu'intervenait la récente décision de lever les visas pour les citoyens russes, qui s'inscrit dans une politique plus large visant à réorienter l'économie géorgienne vers le tourisme et le secteur tertiaire. Un pari qui n'est pas encore gagné mais qui donne déjà lieu à toute une série d'initiatives: en 2011, ce sont plus de trois millions de personnes qui ont visité le petit pays du Caucase. "Les touristes rapportent de l'argent, et permettent la création de postes de travail non seulement dans les services, mais aussi l'agriculture et la construction", a commenté Saakachvili.

A ce titre, les autorités géorgiennes mettent en place des projets grandioses: le président Saakachvili a promis il y a environ un an que dans le port de Batoumi (mer Noire) verrait le jour une station balnéaire qui n'aurait "rien à envier à Nice ou à Cannes". Autre projet significatif: l'aménagement de la ville de Signakhi, décrétée "ville de l'amour", où l'on peut contracter mariage selon une procédure simplifiée sur le modèle du Las Vegas américain. Partout, les chantiers vont bon train et les hôtels fleurissent. Différents lieux revêtent un important potentiel touristique, comme la grotte d'Imeretii, avec ses équipements et ses éclairages dernier cri. Le tourisme œnologique dispose lui aussi des perspectives solides. A terme, c'est une véritable "Suisse du Caucase" dont semblent rêver les dirigeants géorgiens. Un parallèle bienvenu pour ces deux petits pays montagneux dont l'économie repose ou reposait sur la paysannerie.

Si les infrastructures sont quasi prêtes, les touristes, eux, ne sont pas encore au rendez-vous: les visiteurs venus de "pays amis", notamment des pays baltes et de Pologne, ne suffisent pas encore à assurer de manière satisfaisante le fonctionnement de tout un secteur économique, et à garantir la reconversion du pays vers une économie nouvelle. Le petit Etat est donc contraint de se tourner vers son grand voisin septentrional, malgré toutes les divergences politiques qui les séparent.

La rupture avec la Russie a eu certains effets positifs, en forçant les autorités géorgiennes à miser sur une reconversion en profondeur de l'économie du pays. Pourtant, de là à ce qu’une véritable autonomie du pays envers Moscou soit établie, la partie est loin d'être gagnée, la Géorgie pouvant difficilement se passer des investissements et des touristes russes. La levée des visas constitue à ce titre une démarche audacieuse permettant de "contourner" un dialogue avec les autorités russes.

Tous s'accordent pour affirmer que le tourisme pourrait, à terme, permettre de "resouder" les deux flancs du Caucase, en apportant la paix dans une région marquée par les conflits. En atteste la création d'un "Courchevel russe" dans différentes républiques caucasiennes avec l'aide de compagnies françaises. L'économie ne sera toutefois pas en mesure de panser à elle seule les plaies de la région: un rapprochement politique entre Moscou et Tbilissi est incontournable afin de résoudre les problèmes de façon durable.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.

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