Le séparatisme, une idée persistante

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Fedor Loukianov - Sputnik Afrique
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Le monde reparle du séparatisme. Après la réélection de Barack Obama, les habitants de certains Etats américains ont signé une pétition en faveur de leur indépendance.

Le monde reparle du séparatisme. Après la réélection de Barack Obama, les habitants de certains Etats américains ont signé une pétition en faveur de leur indépendance.

Ils prétendent qu’ils se débrouilleront mieux tous seuls qu'au sein des Etats-Unis, dirigés "par un tel homme politique". Ces mœurs particulièrement répandues au Texas, un Etat prospère et conservateur qui rejette le "socialisme" d'Obama. Evidemment, personne ne quittera les Etats-Unis - mais il est notable que ce thème revienne au centre de l'attention.

Le parti de centre-droit Union et Convergence n'a pas obtenu la majorité absolue aux législatives en Catalogne et par conséquent, l'organisation prochaine d'un référendum sur l'indépendance est en suspens. Cependant, en fondant une coalition avec d'autres partis plus faibles qui prônent la souveraineté, il pourrait former un gouvernement favorable à l'autodétermination. La constitution espagnole ne prévoit ni un plébiscite sur l'indépendance ni le droit de sortie. Mais il est impossible d'ignorer la volonté de ceux qui vivent dans une province représentant un cinquième de l'économie nationale.

La crise économique a nourri l’envie "d’arrêter de nourrir les autres". Les régions aisées commencent à calculer frénétiquement à quel point elles sont volées par leurs voisins moins fortunés et dessinent le tableau réjouissant d'un avenir sans profiteurs. En Europe, cette situation a aussi cours en Flandre, au nord de l'Italie ou encore en Ecosse, bien que ce ne soit pas la région la plus prospère du Royaume-Uni. Cela pourrait le devenir : Edinbourg compte s'approprier les gisements énergétiques de mer du Nord.

Les Russes et les habitants des pays postsoviétiques connaissent bien ces rêves d'avenir souverain : ils ont servi de catalyseur à la désintégration de l'URSS. Le facteur décisif était précisément la Fédération de Russie où à la fin des années 1980 beaucoup de volontaires - y compris parmi ceux qui se qualifiaient d'économistes - cherchaient à prouver que l'économie prospérerait en cas de séparation. Dans beaucoup d'autres républiques, on parlait tout aussi volontiers des "voisins parasites". Au final, presque tout le monde s'est retrouvé perdant suite à cette séparation et deux décennies ont été nécessaires pour digérer les "joies" de l'indépendance acquise. Aujourd’hui seulement, on tente de rétablir une partie - au moins - des chaînes technologiques perdues à l'époque mais beaucoup a été perdu de manière irréversible.

Bien sûr, l'économie n'est pas la seule et probablement pas la principale raison qui alimente les sentiments séparatistes. L'aspiration à l'autodétermination nationale est naturelle.

L'époque impériale a pris fin au XXème siècle et même les tentatives d'ériger nouvel empire, basées sur la délégation volontaire des pouvoirs à l'instar de l'Union européenne, semblent buter sur des difficultés insurmontables. L'expérience de la fin du XXème siècle prouve que l'application du droit à l'indépendance, qu'on ne peut actuellement refuser à personne, n'est pas le gage de construction d'une souveraineté opérationnelle et réussie. Mais on ne découvre cette réalité qu’à la prochaine étape, quand la séparation est irréversible.

Des hommes politiques, guidés par leurs propres intérêts, sont toujours les moteurs de la sécession. Dans le dernier numéro du Foreign Affairs on peut lire l'article de Charles King, spécialiste du séparatisme, qui analyse la situation actuelle en Ecosse. Bien que le sentiment d'indépendance soit propre aux Ecossais depuis l'éternité, sa stimulation est apportée aujourd'hui dans les faits par le premier ministre de la province, Alex Salmond, pour des raisons purement politiques. Le parti national écossais, aujourd'hui en course avec les partis britanniques travaillistes, conservateurs et libéraux-démocrates pour entrer au parlement régional, veut s'assurer le monopole du pouvoir. Soit dans une Ecosse indépendante, soit dans une Ecosse disposant d'un large pouvoir d'autonomie si le référendum pour l'indépendance n'entraînait pas la séparation. La même logique est applicable aux séparatistes catalans – dans les conditions de la démocratie et des élections régulières, les hommes politiques ont toujours besoin d'un atout imbattable.

Charles King remarque une autre particularité importante : la présence d'institutions politiques – parlement local, administration locale, frontières indiquées sur la carte – catalyse le mouvement pour l'indépendance. C'est ce qui permet aux nationalistes de transformer les aspirations des habitants en actions politiques et c’est pourquoi, par exemple, l'Ukraine reste stable malgré une forte polarisation et des discussions sur la sécession durent depuis 20 ans. On ignore comment elle pourrait être divisée ou à quel endroit. Les cas les plus résonants de désintégration ont été réalisés suivant les frontières administratives des fédérations. Toutefois, elles n'ont pas toujours coïncidé avec la répartition territoriale réelle de telle ou telle nation car les frontières avaient été établies par les autorités impériales de façon arbitraire - et certainement pas pour qu'un jour elles deviennent nationales. Pour cette raison, les Etats unitaires sont plus solides, même s'ils ne sont pas mono-ethniques. Et les tentatives de pacifier les territoires grâce à la délégation du pouvoir ne font qu'accroître leur appétit, bien que l'approche libérale suggère qu'il faille partager le pouvoir au maximum.

Toutefois, cela ne signifie pas qu'il soit nécessaire de renoncer au fédéralisme là où il existe.

La tentative de récupérer le statut d'autonomie entraîne de graves conséquences. Il suffit de rappeler que la tragédie yougoslave a commencé par la suppression de l'autonomie du territoire du Kosovo par Belgrade en 1989.

L'élan de séparatisme en Europe a peu de chances d'entraîner l'apparition de nouveaux Etats – les Européens, notamment occidentaux, ont une approche rationnelle des votes fatidiques. Et cela ne risque pas non plus de se produire aux Etats-Unis. La Russie, également, semble avoir remédié au virus séparatiste qui a détruit l'URSS et a failli anéantir la Fédération de Russie dans les années 1990. Mais l'espoir que la mondialisation supprime la question nationale de l'ordre du jour a été illusoire. Dans les conditions d'une unification mondiale croissante – objective, indépendante de la volonté des peuples et des gouvernements –, le désir de s'accrocher à quelque chose de familier est parfaitement légitime. Pour cette raison, l'aspiration séparatiste avancera parallèlement au besoin de faire partie de quelque chose de plus grand.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction


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