Reflexions sur la Russie et son étranger proche

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Alexandre Latsa - Sputnik Afrique
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La Russie a 20 622 km de frontières terrestres avec 14 pays, ce qui fait d’elle après la Chine le second pays au monde du point de vue de la longueur des frontières terrestres.

La Russie a 20 622 km de frontières terrestres avec 14 pays, ce qui fait d’elle après la Chine le second pays au monde du point de vue de la longueur des frontières terrestres.

Cette situation géographique implique que  le contrôle  des frontières, via la stabilisation des relations avec les pays voisins, tient une place essentielle tant pour le développement économique du pays, que dans l’inconscient collectif et national russe. Du côté russe de ces frontières, il y a un immense territoire sous peuplé et cette situation inquiète la Russie qui mène un effort intense et permanent de contrôle et de stabilisation de la situation de ses frontières. Ce territoire gigantesque bordé par l'Europe, le Caucase et l'Asie, au contact avec des zones dans lesquelles il y a de nombreux conflits régionaux latents, est sans doute un cas unique sur la planète.

Par conséquent, les politiques de voisinage russes sont exécutées dans une relative obsession de constituer et de maintenir une sorte de zone tampon géographique de protection des frontières russes. Les politiques d’intégration économiques régionales lancées par la Russie n'ont donc pas que des objectifs économiques. Elles devraient aussi lui permettre de stabiliser son étranger proche, en développant des rapprochements politiques.

A l’ouest, la relation avec l’Europe semble plus ou moins stabilisée selon un scénario apparemment bien établi: moins de politique et plus d’économie. Mais la crise économique sévère que la zone euro n’arrive pas à surmonter devrait malheureusement avoir des conséquences lourdes sur l’économie russe. La Russie écoule une large part de ses exportations de gaz et de pétrole vers l'Europe, pendant que les exportations énergétiques vers l’Asie, qui sont en hausse, ne permettent pas encore de compenser cette baisse prévisible de la demande européenne.

Il est à noter que si l’Europe devait produire du gaz de schiste et donc diminuer ses achats de produits énergétiques russes, cela accentuerait sans doute le divorce entre ces deux blocs, en diminuant l'interdépendance des économies. Si Russie et Europe sont aujourd’hui à une sorte de croisée des chemins sur le plan moral, ils pourraient l’être demain sur le plan énergétique et donc économique. La dynamique orientale russe, la réorientation vers l’est et l’Asie, semble en même temps être compliquée, coûteuse et bien incertaine, malgré la volonté affichée du gouvernement russe de s’y atteler.

L’Union Douanière qui va sans aucun doute s’étendre est, dans le cadre de cette dynamique orientale russe, tout simplement vitale. Vitale, pas seulement parce que l’époque est aux alliances régionales et à l’intégration économique. Le but de cette union douanière est clair: La création rapide d’un Espace économique commun (EEC) puis  dès 2015, d'une Union économique eurasiatique (UEE), pendant eurasiatique de l’Union Européenne.

Mais à la différence de sa cousine ouest européenne, l’UEE semble vouloir être une association économique volontaire, mais sans projet politique sous-jacent qui pourrait porter atteinte à la souveraineté des états membres. Noter que cette union économique eurasiatique en construction  avec la Russie ne doit pas être confondue avec le curieux tandem que forme l’alliance informelle Russie/Chine. L’Union Eurasiatique est au contraire destinée à être plutôt un bloc régional équilibrant la position russe face à l’UE  et face à la Chine.  De son côté, la Chine dont les appétits économiques croissants sont bien visibles devrait rapidement et naturellement voir sa présence augmenter dans son étranger proche, en Asie centrale, tout autant que voir augmenter sa consommation d’énergie russe. Aujourd’hui les négociations entre la Russie et la Chine sur ce sujet (entamées en 2006) butent sur les prix et dieu sait à quel point la Chine est un partenaire avec lequel négocier n’est pas chose aisée.

Il n'y a pas si longtemps, le point focal des problèmes liés à l'énergie, dans l'étranger proche de la Russie, paraissait être l'Ukraine. Ce pays semblait sur le point d'adhérer à l'Union Européenne et le gouvernement ukrainien de l'époque, issu des révolutions oranges, avait déclenché une crise gazière aigue en profitant de sa situation de pays de transit du gaz russe destiné à l'Europe occidentale. Depuis, le lancement par la Russie des gazoducs North Stream / Mer Baltique, déjà en fonction, et South Stream/ Mer Noire, en construction, a permis de rétablir la confiance entre la Russie et l'UE dans  le domaine de l'approvisionnement énergétique, en éliminant l'Ukraine du jeu.

Aujourd'hui, le point focal de l'étranger proche de la Russie se trouve manifestement en Asie centrale, avec la construction d'une zone économique très prometteuse. Paradoxalement, l'Ukraine qui semble aujourd'hui bien loin d'adhérer à l'UE, pourrait participer à ce grand projet eurasiatique.

L’opinion exprimée dans cet article ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction, l'auteur étant extérieur à RIA Novosti.

Alexandre Latsa est un journaliste français qui vit en Russie et anime le site DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la Russie".

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