Convergences russo-saoudiennes ?

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Arnaud Dubien - Sputnik Afrique
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La discrète visite de Bandar bin Sultan à Moscou, le 31 juillet, est un événement diplomatique significatif.

Les observateurs occidentaux ne lui ont accordé aucune attention. A tort. La discrète visite de Bandar bin Sultan - secrétaire du conseil de sécurité nationale et chef des services de renseignement saoudiens – à Moscou, le 31 juillet, est pourtant un événement diplomatique significatif.

L’émissaire saoudien a été reçu au Kremlin par Vladimir Poutine. Les deux hommes se connaissent de longue date. Ils s’étaient rencontrés notamment lors de la préparation de la visite historique du président russe à Riyad en 2007. Bindar bin Sultan militait alors pour une densification de la relation bilatérale, dans un contexte américano-saoudien troublé après le 11 septembre. Il avait à l’époque soutenu RZD, les chemins de fers russes, dans le dossier de la ligne Médine-La Mecque et avait entamé des discussions sur la vente de matériels militaires russes (notamment des chars T-90, des systèmes antiaériens S-300 et des hélicoptères de combat) à l’armée saoudienne. Ces projets n’avaient toutefois pas abouti.

Cette rencontre entre Vladimir Poutine et Bandar bin Sultan (à laquelle assistait Nikolaï Patrouchev, l’ex-directeur du FSB et actuel secrétaire du conseil russe de sécurité nationale, qui retrouve son influence dans les cercles de pouvoirs à Moscou), intervient alors que des évolutions importantes sont intervenues ces dernières semaines dans plusieurs dossiers d’intérêt commun : la Syrie (renversement du rapport de forces sur le terrain et enlisement des discussions sur « Genève II »), le Qatar (changement dynastique et perte d’influence au sein de l’opposition à Bachar el-Assad), Egypte (renversement des Frères musulmans), reprise des discussions israélo-palestiniennes et Iran (élection de Hassan Rohani). Sur la plupart de ces questions, des points de convergence s’esquissent. Les deux pays se réjouissent du putsch en Egypte ; Moscou et Ryiad voient d’un mauvais œil les ambitions qataries, que ce soit en politique étrangère ou dans le domaine des hydrocarbures ; ils ont intérêt à la tenue de la conférence internationale sur la Syrie et ont, plus que les Occidentaux, des leviers d’influence sur les toutes les parties ; enfin, Riyad souhaite que Moscou l’informe sur l’Iran et joue un rôle de modérateur (notons au passage que la rencontre entre Vladimir Poutine et le nouveau président Hassan Rohani, initialement prévue à la mi-août, a été reportée).

D’après certaines informations ayant filtré dans la presse arabe, Bandar bin Sultan aurait mis sur la table une « carotte » afin d’inciter le Kremlin à lâcher le régime de Bachar el-Assad : promesse d’importants investissements saoudiens en Russie (dans les infrastructures, ferroviaires notamment) et des achats d’équipements militaires et aéronautiques (pour un montant de 15 milliards de dollars). Informations rapidement démenties par le Kremlin, qui avait déjà opposé, il y a quelques années, une fin de non-recevoir à une démarche similaire des saoudiens visant à l’éloigner de l’Iran.

Si rien n’accrédite l’hypothèse d’un renversement des alliances russes au Moyen-Orient à brève échéance, les développements récents entre Moscou et Riyad indiquent en tout cas que le Kremlin souhaite y diversifier ses contacts et estime avoir de plus en plus de cartes à jouer dans la région.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

Arnaud Dubien dirige, depuis mars 2012, l’Observatoire franco-russe à Moscou. Diplômé de l’INALCO et de l’IEP de Paris, il a été, de 1999 à 2006, chercheur Russie-CEI à l’Institut de relations internationales et stratégiques. Il a ensuite dirigé plusieurs publications spécialisées sur l’espace post-soviétique, parmi lesquelles l’édition russe de la revue Foreign Policy et les lettres confidentielles Russia Intelligence et Ukraine Intelligence. Ces dernières années, Arnaud Dubien a par ailleurs travaillé comme consultant du Centre d’analyse et de prévision du ministère des Aff aires étrangères, ainsi que de grands groupes industriels français. Il est membre du Club de Valdaï.

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