La Biélorussie au bord d'une révolution colorée?

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Mercredi 1er mars, lors d'une conférence de presse à Minsk, le chef du Comité de sécurité nationale (KGB) biélorusse, Stepan Soukhorenko, a déclaré qu'un complot de coup d'Etat fomenté par l'opposition avait été découvert.

Au bureau de l'organisation non enregistrée "Partnerstvo" (Partenariat) ont été trouvés des documents témoignant du fait que ses dirigeants avaient préparé à l'avance les résultats d'un sondage de sortie des urnes, a-t-on précisé lors de la conférence. Leur publication, selon M. Soukhorenko, était prévue au soir des élections du 19 mars prochain. Les documents en question affirment que d'après un sondage effectué à la sortie de 107 bureaux de vote, le candidat unique de l'opposition, Vladimir Milinkevitch, a recueilli 53,7% des suffrages, le président en exercice, Alexandre Loukachenko, 41,3%, le président du parti social démocrate "Gramada", Alexandre Kozouline, 3.8%, et le président du parti libéral démocrate biélorusse, Sergueï Gaïdoukévitch, 1.2%.

D'après Soukhorenko, le plan prévoyait l'enchaînement suivant: comparant les résultats des élections avec ceux de ce sondage de sortie des urnes, l'opposition devait accuser la commission électorale d'avoir falsifié les résultats et appeler la population à descendre dans la rue pour protester. Ce scénario est le même qu'en Géorgie et en Ukraine, où justement des résultats de sondages avaient servi de base aux accusations portées contre les autorités.

Dans le même temps, le leader des forces démocratiques unifiées Alexandre Milinkevitch a récusé toutes ces accusations. Lors d'une rencontre avec les électeurs, il a déclaré qu'aucun plan de prise du pouvoir par la force n'existait en Biélorussie. Si, le 19 mars, les gens descendent quand même dans la rue, a-t-il déclaré, la responsabilité en incombera au pouvoir lui-même, qui est en mesure de falsifier les résultats des élections. "De notre côté, nous ferrons le maximum pour que ce mouvement garde un caractère pacifique. Si quelqu'un brise ne serait-ce qu'un carreau, cela sera considéré à coup sûr comme une provocation."

Mais le KGB biélorusse semble posséder d'autres informations à ce sujet. Stepan Soukhorenko a notamment affirmé que, selon ses informations, en plein meeting, au milieu de la foule, devaient être activés des engins explosifs. "L'apparition de sang et de victimes aurait donné les mains libres aux organisateurs des manifestations pour la deuxième étape, à savoir la prise des bâtiments officiels, des gares, le blocage des chemins de fer, ce qui aurait conduit à l'arrêt total du fonctionnement de l'Etat et, dans ce mouvement, à une prise du pouvoir par la force", a précisé le chef du KGB. Néanmoins, répondant à une demande de précisions au sujet des engins explosifs, il a avancé que les organisateurs et exécutants de cette action, qui sont déjà connus, ne se risqueraient sans doute pas à mettre en �uvre leur plan et que, même s'ils le faisaient, les explosifs seraient trouvés et neutralisés.

Alexandre Milinkevitch évoquait encore la perspective d'une révolution en Biléorussie en octobre dernier lors d'une interview donnée à l'agence de presse Associated Press. Il avait alors souligné que le Bélarus serait le prochain pays, après la Géorgie et l'Ukraine, à connaître une révolution, et s'était dit certain de sa victoire aux prochaines présidentielles.

La situation autour de cette falsification à l'avance des résultats d'un sondage de sortie des urnes est d'autant plus tendue que les documents portent la marque de la représentation lituanienne de l'institut américain Gellapa. Les représentants de cette organisation américaine à Vilnius on nié toute implication et ont rappelé en outre que l'Institut Gellapa n'avait de toute façon pas l'autorisation de mener d'enquêtes d'opinion officielles en Biélorussie, n'ayant pas d'accréditation.

Le KGB se refuse cependant à croire qu'il s'agisse d'une affaire montée uniquement par les opposants biélorusses. "L'organisation "Partnerstvo" est une structure d'origine étrangère, dirigée et financée depuis l'étranger, qui s'amuse à fomenter des révolutions", a affirmé le chef du KGB. Elle a travaillé dans la clandestinité depuis 2002 et a agi selon toutes les règles d'une conspiration, même l'information contenue dans ses ordinateurs était codée. "Il n'ont pas pu imaginer ça tout seuls. Ils ont à coup sûr suivi une formation en la matière.", a considéré M.Soukhorenko. Selon les présomptions évoquées lors de la conférence de presse, le financement serait passé par la représentation à Kiev de l'Institut Démocratique National (NDI, Etats-Unis), financé par le Département d'Etat américain et dirigé par l'ex secrétaire d'Etat Madeleine Albright. Le lien aurait été effectué par l'intermédiaire d'un certain David Hamilton.

Toujours selon le chef du KGB, les Etats-Unis auraient débloqué dans ce but en 2006 une somme de 12 millions de dollars. En matière de preuve, il a présenté aux journalistes un fragment vidéo de l'interrogatoire du coordinateur à Minsk de "Partnerstvo", Timofeï Drantchuk, dans lequel il était question du financement étranger de l'activité d'observateurs de l'élection présidentielle. Les dirigeants de "Partnerstvo" risquent jusqu'à trois ans de prison pour "Participation à l'activité d'associations non enregistrées".

Le Département d'Etat américain avait ces dernières semaines multiplié les déclarations sur la volonté du pouvoir biélorusse d'organiser des élections présidentielles correspondant aux standards internationaux. Le 21 février dernier avaient paru des informations à propos de l'arrestation de représentants de l'opposition soupçonnés de participation à l'action "d'une organisation non gouvernementale dont l'activité est liée à la violence contre les citoyens et à des atteintes à leurs intérêts légaux, leur droit et leur liberté" (Parmi eux se trouvait Timofeï Drantchuk). Sergueï Kaliakine, directeur de campagne d'Alexandre Milinkevitch, avait alors déclaré qu'il s'agissait là d'une chasse aux opposants préméditée par le pouvoir. Les Etats-Unis, dans le même temps, appelaient l'Etat biélorusse à libérer les personnes arrêtées et à "cesser de persécuter ceux qui se prononcent pour des élections démocratiques." Parallèlement, à la demande des Etats-Unis, un conseiller du secrétaire américain pour les questions russes et eurasiatiques, David Kramer, fut envoyé en Biélorussie.

Intervenant jeudi 2 mars au cours du Congrès des délégués du peuple, Alexandre Loukachenko avait cité certains pays soupçonnés de préparer un renversement du pouvoir: "Des centaines de millions de dollars sont transférés en Biélorussie via l'Ukraine, les pays baltes et la Pologne pour renverser le régime de Loukachenko. Nous savons quelles ambassades reçoivent de l'argent liquide pour l'acheminer ici."

Le même jour, au moment de l'enregistrement des participants au Congrès des délégués du peuple, le candidat social démocrate à la présidentielle et leader du parti "Gramada" Alexandre Kozouline avait été arrêté par les forces de l'ordre et conduit au commissariat.

Le soir, les partisans de Milinkevitch avaient manifesté dans les rues de Minsk, face aux forces de l'ordre, bientôt rejoints par Kozouline libéré. La foule comptait 3.000 personnes d'après les organisateurs et 1.000 à 1.500 selon la police. Aucun manifestant n'a été arrêté.

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