Liban: les Israéliens poussent chrétiens et musulmans à une guerre civile (REPORTAGE)

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Par Pavel Davydov

BEYROUTH, 5 août - RIA Novosti. De nombreux Libanais sont convaincus qu'en dirigeant ses frappes aériennes contre des régions majoritairement chrétiennes, Israël souhaite déclencher une guerre civile dans le pays du Cèdre.

Après le début, il y a trois semaines et demie, de l'agression israélienne - ici on ne l'appelle pas autrement - contre le Liban, les chrétiens libanais vivaient dans la peur. En regardant détruire méthodiquement les quartiers chiites à Beyrouth, au Liban-Sud et dans la vallée de la Békaa, ils craignaient que ne vienne leur tour.

Et voilà, vendredi matin, que l'aviation israélienne a bombardé cinq ponts dans la région des villes chrétiennes Jounyeh, Byblos et Batroun situées au nord de Beyrouth, en faisant cinq morts et dix-neuf blessés et en coupant la dernière route reliant le pays à la Syrie voisine.

Mais, bizarrement, les frappes portées sur le nord du Liban n'ont pas ajouté à la peur, et les gens s'en sentent même libérés. "Nous n'avons plus peur. Tout est clair maintenant: Israël veut mettre aux prises chrétiens et musulmans pour déclencher une guerre civile dans le pays", estime Nabil, peintre originaire de Bikfaya, petite ville chrétienne située dans les montagnes du Kesrouan, interrogé par RIA Novosti.

Selon Nabil, la politique n'étant pas sa tasse de thé, il n'avait jamais eu envie d'en parler. Mais aujourd'hui, quand on voit "tuer des enfants, des femmes et de la beauté" au Liban, il ne peut plus garder le silence. "J'adore cet endroit, près du Casino du Liban, où un pont élégant est perché au-dessus d'une vallée pittoresque. J'ai été là-bas tout récemment pour faire une étude, j'y voyais des visages heureux, et j'étais heureux moi-même", se souvient l'artiste.

Mais la première nouvelle que Nabil a entendue en se réveillant vendredi matin était que des avions israéliens venaient de bombarder le pont à proximité du Casino du Liban. "En l'apprenant, j'ai senti avoir perdu quelque chose de très cher, et Israël est apparu à mes yeux comme une bête affamée prête à avaler tout. Je prononce ses paroles, et j'en ai horreur, mais cela est vrai", raconte le peintre avec émotion.

Israël a commencé par les quartiers chiites, mais il se met à bombarder des quartiers chrétiens où il n'y a pas de militants du Hezbollah, où on ne trouve pas un seul chiite. "Moi-même, je n'ai jamais été partisan du Hezbollah. Mais je dis aujourd'hui que ces gens-là se battent sur leurs propres terres, qu'ils défendent leurs maisons, leurs familles, leur Patrie. Cela est sacré pour n'importe quel peuple", insiste Nabil.

La "bête" israélienne ne se calmera qu'après avoir versé du sang des musulmans et des chrétiens, comme cela a été le cas pendant la dernière guerre civile (1975-1990).

"L'armée israélienne n'arrive pas à s'imposer au Liban-Sud, les politiques sont incapables de tenir les promesses données au peuple israélien, et ils procèdent à la tactique de la terreur au Liban et se mettent à tuer des chrétiens", renchérit Odette, une femme de ménage originaire elle aussi de Bikfaya.

La femme est également persuadée que l'Etat hébreu voulait terroriser les chrétiens libanais pour les mettre aux prises avec les musulmans. Israël "serait alors en toute sécurité et observerait calment les événements au Liban", explique-t-elle.

"Mais cela n'aura pas lieu. La guerre civile ne se répétera plus", reprend Nabil, avec conviction. A son avis, les Libanais ne combattront pas les uns contre les autres, qu'on le veuille ou non en Israël. "Nous ne permettrons pas à Tel-Aviv et à Washington de redessiner la carte du Proche-Orient avec notre sang", résume-t-il.

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