30 ans après sa mort le président Mao est pour les Chinois un idéal et une légende. Et aussi une marque commerciale

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Trente ans après sa mort, le président Mao reste aux yeux des Chinois un idéal et une légende. Il est aussi une marque commerciale très rémunératrice.
PEKIN, 9 septembre RIA Novosti. Trente ans après sa mort, le président Mao reste aux yeux des Chinois un idéal et une légende. Il est aussi une marque commerciale très rémunératrice.

"Je respecte Mao Zedong, c'était un grand dirigeant", dit monsieur Zhang qui tient au Panjiayuan (Jardin de la famille Pan), devenu le marché aux puces de Pékin, une échoppe où il commerce des symboles de la révolution chinoise et des raretés de la période des années 50-70 du siècle dernier.

Mao Zedong, c'est l'histoire de la Chine nouvelle, et quoique le président ait commis des erreurs, sans lui le peuple chinois n'aurait pas accédé à l'indépendance, déclare-t-il avec conviction tout en proposant aux badauds un riche assortiment d'objets à l'effigie du "grand timonier". Il y a ici des affiches montrant Mao exhortant à la lutte pour l'édification du socialisme, les fameux petits livres rouges contenant des citations tirées des discours du président, des bustes de Mao...

Les badges les meilleur marché coûtent un yuan (le dollar s'échange contre 8 yuans). Mais il y en a dont l'achat revient à plusieurs dizaines de yens. Au demeurant, comme sur tout marché chinois, le prix indiqué sert de point de départ et se prête à la négociation. Par conséquent, un grossiste désirant se lancer dans l'exportation d'articles symbolisant Mao aurait certainement toutes les chances d'obtenir de forts rabais.

Au Panjiayuan, où tout un étage a été attribué aux vendeurs d'articles datant de la "révolution culturelle", il arrive souvent que le touriste étranger tombe en arrêt à la vue de cette quantité faramineuse de "raretés". En effet, depuis un nombre incalculable d'années des hordes d'étrangers viennent littéralement dévaliser ce marché sans que ces articles glorifiant Mao Zedong ne tombent en rupture de stocks.

Pratiquement partout où il y a des étranger on trouve des vendeurs ambulants proposant des livres de citations de Mao. Le prix de ces ouvrages en chinois ou traduit en anglais et même parfois en russe dépend du bon bagout du marchand et de l'intérêt manifesté par l'acheteur. Un livre rouge proposé à 250-300 yuans fini parfois par changer de mains contre 10 ou 20 yuans.

Mao Zedong est vendu sous forme d'effigie sur des tee-shirts ou des sacs, sur des cadrans de montres et des pièces de vaisselle, bref, sur tout ce qui peut être utilisé dans la vie courante ou offert en souvenir.

Il est peu probable que le 9 septembre 1976, date de la mort de Mao Zedong, quelqu'un ait supposé que seulement 30 ans plus tard l'image du "grand timonier" serait devenue une marque commerciale et qu'au mois de mai 2006, la société privée Huacheng mettrait en vente aux enchères un portrait du président Mao ayant servi de modèle pour la représentation canonique qui est aujourd'hui encore accrochée au coeur de Pékin, sur la place Tiananmen. C'est ici qu'en 1949 le président Mao avait annoncé la naissance de la République populaire de Chine.

L'annonce de la mise en vente aux enchère de ce portrait historique avait soulevé une vague d'indignation. En l'espace de deux jours plus de 18.000 internautes avaient dénoncé avec véhémence cette transaction. Et devant l'ampleur de la protestation, décision a été prise d'annuler la vente et d'envisager la remise du portrait "à un musée ad hoc". D'après certaines estimation, cette vente aurait dû rapporter la somme de 1-1,2 million de yuans (120-150.000 dollars.

A propos, en 2003 un autre portrait célèbre de Mao Zedong exécuté par le peintre Dong Xiwen avait été acquis contre la somme de 220.000 yuans (27.000 dollars).

A l'heure actuelle la propagande officielle ne recourt que rarement à l'effigie de Mao. Certes, la veille du trentième anniversaire les grands moyens d'information chinois ont publié régulièrement des souvenirs de vétérans du parti communiste, de parents et de proches de Mao Zedong, tous ces documents cadrent pleinement avec l'interprétation officielle de la place du "grand timonier" dans l'histoire chinoise.

C'est ainsi que Mao est qualifié de "grand dirigeant sous la conduite duquel le peuple chinois est pour la première fois de son histoire devenu maître de son destin". On reconnaît "les erreurs" commises par Mao les dernières années de sa vie, mais "ses mérites l'emportent largement sur ses fautes". D'autre part, les médias chinois ne publient jamais de critiques concernant directement Mao Zedong.

La veille du 9 septembre, le site Internet sina.com a procédé à un sondage interactif en ne posant qu'une seule question: "Qu'est-ce que vous respectez le plus chez Mao Zedong?"

38% des sondés apprécient surtout son talent militaire, 26% ses capacités de dirigeant politique, 20% ses qualités humaines Environ 10% des Chinois respectent Mao pour son talent de poète et de calligraphe. Ils sont 5% à apprécier son mode de vie frugal.

En réalité, l'attitude des Chinois vis-à-vis de Mao Zedong est plus nuancée. Les représentants de la génération des 40-50 ans avec lesquels RIA Novosti s'est entretenu se souviennent surtout du Mao de la dernière période de son existence. Cette époque de la Grande révolution culturelle prolétarienne avait été un véritable malheur pour le peuple tout entier et dans la conscience collective il est difficile de ne pas associer ces bouleversements à la personnalité de Mao.

D'ailleurs, en évoquant les erreurs de Mao l'historiographie officielle fait surtout état de la décennie allant de 1966 à 1976 et laisse entendre que la "révolution culturelle" avait pratiquement pris fin après la mort de Mao.

C'est avec beaucoup d'émotion que la génération aînée évoque Mao Zedong.

Il y a quelques jours les médias chinois ont annoncé qu'une dame de 71 ans habitant la localité de Ruzhou avait dépensé en dix ans la somme de 500.000 yuans pour créer un musée de Mao Zedong.

"Il y a trente ans, quand Mao Zedong est mort, j'ai immédiatement songé à créer un musée pour perpétuer son souvenir", a-t-elle raconté aux journalistes. Selon elle, elle a recueilli des articles de Mao, des photo du grand dirigeant et de ses compagnons de lutte, des bustes, des statuettes et des insignes commémoratifs à l'effigie du président.

"La vie heureuse actuelle a été gagnée par le sang de la génération aînée et nous ne saurions oublier son exploit".

En 30 ans la Chine est devenue un pays tout à fait autre. Les tenues uniformes au col mao font désormais partie du passé, sur les routes il y a bien moins de vélos et davantage de voitures populaires étrangères fabriquées en Chine.

Les appartements sont en vente libre, le secteur privé est devenu la force motrice de l'économie de la Chine, cette Chine qui a adhéré à l'Organisation mondiale du commerce et qui se trouve aux toutes premières places dans le monde pour ce qui est de la croissance économique. Les anciennes colonies britannique et portugaise, Hongkong et Macao, font maintenant partie de la République populaire de Chine, quoiqu'avec un statut particulier.

Aujourd'hui des hommes d'affaires peuvent adhérer au parti communiste, des organisations syndicales et des cellules du parti sont créées dans les entreprises américaines installées en Chine.

Le problème de Taiwan n'a pas encore été résolu. Cependant, s'ils ne sont pas les meilleurs amis du monde, le parti communiste et le Kuomintang, qui à l'époque avait fui à Taiwan, n'en sont pas moins des partenaires qui se respectent. Les dirigeants du Kuomintang se trouvent actuellement dans l'opposition aux autorités insulaires, ils se rendent souvent sur le continent, en RPC, où ils rencontrent les premiers responsables de l'Etat et du parti communiste qui jadis étaient leurs ennemis jurés.

Pour Mao Xinyouya, petit-fils de Mao Zedong et professeur dans une académie militaire, le fondateur de la RPC aurait apprécié positivement l'orientation actuelle du développement du pays et de la société.

"Je suis sûr que Mao Zedong aurait certainement été heureux de voir la puissance de la Chine actuelle, son ouverture", souligne ce descendant du "grand timonier".

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