D'après lui, les chances d'un règlement du conflit au Proche-Orient sont aujourd'hui plus grandes que jamais. Pour les concrétiser, estime-t-il, il faut qu'Israël mette en oeuvre des mesures anticrise allant dans deux directions: palestinienne et syrienne. "La vaine tentative de secouer la situation intérieure au Liban a révélé encore plus la nécessité d'ouvrir des négociations avec la Syrie sur la restitution du Golan", a expliqué le spécialiste dans son intervention lors de la cérémonie de présentation de son livre au siège du journal Rossiiskaïa gazeta.
"Pour les Etats-Unis, le règlement du conflit au Proche-Orient pourrait compenser bien des pertes qu'ils ont essuyées dans la région", a-t-il affirmé. Pour cela, ils feraient bien de prendre l'initiative d'entamer des négociations de paix. M. Primakov souligne d'autre part que "dans le contexte du monde multipolaire qui est en train de se former, l'Europe, la Chine et l'Inde qui sont manifestement favorables au règlement au Proche-Orient obtiennent des instruments de plus en plus puissants pour influer sur la situation mondiale".
Evgueni Primakov a consacré une cinquantaine d'années à l'étude du Proche-Orient, d'abord comme journaliste, puis comme directeur de deux établissements scientifiques, ensuite comme chef du Service de renseignements extérieurs et enfin comme ministre des Affaires étrangères. Il a connu personnellement les figures de proue de la région, a plus d'une fois rencontré Yasser Arafat, Gamal Abdel Nasser et Hafez Assad. Peu avant la guerre en Irak, il s'est rendu en mission spéciale auprès de Saddam Hussein pour le persuader de ne pas commettre d'erreurs.
Dans son livre, Evgueni Primakov évoque pour la première fois "certains faits jusqu'ici tenus secrets". Il y parle de ses déplacements secrets et ses négociations avec des dirigeants israéliens dans la période 1971-1977. Il les a rencontrés par décision du Bureau politique du Comité central du parti communiste soviétique, mais sur l'initiative de Golda Meir (Premier ministre d'Israël de 69 à 74). En l'absence de relations diplomatiques entre Israël et l'URSS (la volonté de la direction israélienne de rétablir ces relations a été l'une des raisons de ces négociations), les rencontres ont eu lieu principalement à Vienne et à Jérusalem tandis que leur organisation et leur confidentialité ont été assurées conjointement par les services secrets soviétiques et israéliens.
L'auteur analyse la politique soviétique et russe menée au Proche-Orient sous Staline, Khrouchtchev, Brejnev, Andropov, Gorbatchev, Eltsine et Poutine et porte sur elle un jugement plus élogieux que sur la politique américaine, produisant à l'appui des preuves convaincantes du point de vue des intérêts stratégiques de l'URSS ou de la Russie comme des intérêts des pays du Proche-Orient et du monde entier.
Evgueni Primakov évoque également, dans son livre, son entretien, trois mois avant l'intervention américaine en Irak, avec Condoleezza Rice, alors conseillère du président des Etats-Unis pour la sécurité nationale. L'auteur écrit à ce sujet: "Je lui ai dit: "En entrant en Irak, vous commettriez une erreur d'importance historique". Elle a répondu: "Soyez tranquille. Tout d'abord, la décision politique n'est pas encore prise. Et puis, si nous frappons, c'est que nous avons tout médité".
