Litvinenko: la menace d'un scandale politique plane sur l'Italie

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ROME, 28 novembre - RIA Novosti. Le parquet et la police de Rome sont sur les dents depuis lundi en vérifiant les liens que plusieurs ressortissants italiens et les instances officielles auraient pu avoir avec l'ex-agent secret russe Alexandre Litvinenko, décédé mystérieusement le 23 novembre dernier à Londres.

Selon le quotidien italien La Repubblica, le frère d'Alexandre Litvinenko, Maxim, a été convoqué lundi au parquet de Rome où il a été interrogé pendant toute la journée.

Maxim Litvinenko, 24 ans, réside depuis cinq ans en Italie et travaille comme cuisinier à Senigallia, sur le littoral adriatique italien. Il y a trois ans, il a demandé l'asile politique dans ce pays. C'est Maxim qui servait d'interprète à son frère lors de ses entretiens avec Mario Scaramella, consultant de la commission parlementaire chargée d'enquêter sur les activités des services secrets soviétiques en Italie, dite commission Mitrokhine (du nom de Vassili Mitrokhine, ex-archiviste du KGB qui avait transmis un dossier confidentiel aux services secrets britanniques au début des années 1990).

Mystérieusement décédé le 23 novembre dernier, l'ex-agent secret russe Alexandre Litvinenko s'est senti mal le 1er novembre dernier et a été hospitalisé après un rendez-vous avec Mario Scaramella dans le bar à sushis Itsu de Londres. Lors de leur entretien, les deux hommes auraient évoqué un éventuel attentat à la vie de Mario Scaramella et un autre à la vie de Paolo Guzzanti, sénateur de Forza Italia et président de la commission Mitrokhine.

Avant son décès, Alexandre Litvinenko avait averti ses connaissances italiennes que leur vie était en danger, après quoi le parquet de Rome a ouvert une information et a interrogé Maxim Litvinenko, sans toutefois ouvrir d'enquête à part concernant la piste italienne de l'affaire Litvinenko.

Quoi qu'il en soit, la menace d'un nouveau scandale politique semble planer en Italie: le ministre de l'Intérieur, Giuliano Amato, a ordonné lundi dernier une enquête sur la participation présumée de policiers et de membres des services secrets italiens aux travaux de la commission Mitrokhine.

Cette décision a fait suite aux aveux d'un certain Evgueni Limarev, autre ex-agent secret soviétique et connaissance d'Alexandre Litvinenko, qui avait confié à La Repubblica l'existence d'un dossier compromettant plusieurs personnalités politiques italiennes.

Selon M. Limarev, la commission Mitrokhine a cessé ses activités au printemps dernier, mais elle a été remplacée par un certain "groupe de travail permanent".

"Mario (Scaramella) m'a inclus dans ce qu'il appelait "le groupe de travail permanent" qui allait poursuivre les travaux entamés par la commission Mitrokhine. Je ne me souviens plus des noms des personnes qui m'ont été présentées, mais il s'agit dans tous les cas de responsables de la police, d'officiers carabiniers et de parlementaires", avait raconté M. Limarev à La Repubblica.

La mise en place du "groupe de travail" avait pour objectif "la recherche de documents démontrant le lien entre des responsables des partis de gauche italiens avec le KGB d'hier et le FSB d'aujourd'hui, avait-il expliqué. Bien entendu, le nom (du premier ministre italien Romano) Prodi ouvrait la liste".

Selon M. Limarev, le "groupe de travail" s'intéressait aussi aux activités du ministre des Affaires étrangères, Massimo D'Alema, et du ministre de l'Environnement, Alfonso Pecoraro Scanio.

Dans une lettre adressée à La Repubblica, le sénateur Paolo Guzzanti a nié connaître Evgueni Limarev. "Je n'ai jamais, nulle part et en aucune circonstance rencontré M. Limarev, je ne lui ai même pas parlé au téléphone, ni seul à seul ni en présence d'autres personnes", a écrit M. Guzzanti.

Dans un autre entretien accordé au quotidien Corriere della Sera, le sénateur a insisté sur le fait qu'il n'avait "jamais eu l'intention de faire la connaissance de Limarev et de Litvinenko" et avait menacé de porter plainte pour calomnie. "Il n'existe aucune structure, légale ou illégale. Limarev ment", a souligné M. Guzzanti.

Toutefois, aux yeux des partisans de Romano Prodi, ces affirmations semblent insuffisantes. La ministre chargée des affaires européennes, Emma Bonino, a proposé d'examiner la situation autour de la commission Mitrokhine en Conseil des ministres.

Les membres de la commission parlementaire chargée de la surveillance des services secrets (Copaco) ont également souhaité convoquer à leur session Paolo Guzzanti, Mario Scaramella ainsi que le ministre de l'Intérieur Giuliano Amato. M. Scaramella est par ailleurs attendu à Scotland Yard qui enquête sur le meurtre d'Alexandre Litvinenko.

Exilé en 2000 en Grande-Bretagne qui a fini par lui offrir la nationalité britannique en octobre dernier, Alexandre Litvinenko est décédé le soir du 23 novembre à l'hôpital de l'University College de Londres. Les médecins n'ont toujours pas dévoilé les causes exactes de son décès.

Vendredi dernier, l'Agence de protection de la santé britannique (HPA) a annoncé la découverte de traces de polonium-210 dans le corps de l'ex-agent secret russe. Des traces analogues ont ensuite été découvertes dans les autres endroits fréquentés par M. Litvinenko le 1er novembre: le restaurant Itsu, l'hôtel Millenium dans le centre de Londres et sa maison de Muswell Hill, dans le nord de la capitale britannique.

Lundi, des traces de polonium-210 ont également été découvertes dans le bureau londonien de Boris Berezovski, homme d'affaires poursuivi par l'Etat russe qui bénéficie de l'asile politique en Grande-Bretagne.

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