La Russie joue très gros (Gazeta.ru)

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MOSCOU, 29 août - RIA Novosti. La reconnaissance par la Russie de l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud dépasse de loin le cadre de la crise régionale qui éclaté début août, lit-on vendredi dans le quotidien Gazeta.ru.

Il ne s'agit déjà plus de la Géorgie et de son leader. Les enjeux ont considérablement augmenté. Il semble que Moscou ait décidé de jouer son va-tout et d'assumer le rôle de fossoyeur du système des relations internationales, étrange et dénaturé à bien des égards, qui s'est instauré dans le monde à la fin de la deuxième décennie après l'achèvement de la guerre froide.

Les dirigeants russes, de même que la majorité écrasante de la société, sont sincèrement surpris par l'ampleur et l'unanimité du soutien apporté en Occident à Mikhaïl Saakachvili. Moscou ne comprend pas comment l'Europe et les Etats-Unis ont pu se ranger unanimement au côté de cet homme coupable de crimes de guerre qui a bafoué tous les principes que le "monde civilisé" ne cesse de répéter. Le fossé entre les perceptions n'a probablement jamais été aussi grave. Dans la position de l'Occident, la Russie ne voit même plus seulement des doubles standards, mais un cynisme non dissimulé dépassant le cadre de la pratique politique normale.

Cette atmosphère émotionnelle, associée au sentiment qu'il est inutile de discuter avec les capitales occidentales, ont certainement rendu la position de Moscou plus radicale.

Le facteur intérieur a probablement joué également son rôle. Dans l'atmosphère qui s'est créée autour de cette guerre dans la société, il était difficile de faire des compromis diplomatiques et de les expliquer à la population, même dans les conditions d'un contrôle des médias télévisuels.

Bref, la sensation qu'on pourrait de nouveau enlever à la Russie une victoire considérée comme telle à juste titre sur le plan moral, militaire et politique, l'a obligée à virer brusquement de bord.

On a l'impression que la décision de reconnaître les républiques caucasiennes a été prise en vue d'exclure tout recul de Moscou et de rendre ainsi la situation concernant l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud irréversible. Cela n'est pas un signe de confiance en soi, mais reflète plutôt une disposition à prendre un grand risque. A présent, il ne serait possible d'annuler le verdict prononcé que dans le cadre d'une capitulation totale et inconditionnelle.

La Russie a brusquement changé de cours, en renonçant à toute tentative de recevoir une légitimation extérieure de ses actions et, en fait, en renonçant à agir dans le cadre du droit. Elle ne mise que sur ses propres forces (il n'y a personne sur qui elle puisse compter) et sur le fait que les pays voisins réfléchiront sérieusement à la question de savoir qui est le véritable "boss" dans cette région. Si, dans l'espace postsoviétique, le pendule oscille en direction de la Russie, la question de l'établissement de nouvelles règles du jeu au niveau international, qui seront élaborées avec la participation à part entière de Moscou, passera sur le terrain des réalités pratiques.

Auteur: Fedor Loukianov, rédacteur en chef de la revue "Rossiïa v globalnoï politike" (La Russie dans la politique globale).

Cet article est tiré de la presse et n'a rien à voir avec la rédaction de RIA Novosti.

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