La journaliste de RIA Novosti Irina Iassina a interviewé la poétesse Tatiana Chtcherbina, qui a vécu plusieurs années en France, et le célèbre orientaliste russe Gueorgui Mirski.
Tatiana Chtcherbina: A mon avis, la France a tout à fait raison, et j'irais même plus loin: si une personne cache son visage, il peut s'agir d'un criminel. Le visage doit toujours être découvert.
La France est un pays laïc. C’est la raison pour laquelle les symboles religieux doivent être proscrits. Le voile a d’ailleurs déjà été interdit dans les établissements scolaires, tout comme les croix, sauf erreur de ma part. Mais il est clair que cela visait surtout les symboles musulmans. Le fait est que lorsque je vivais en France au début des années 1990, je n’avais jamais vu aucun voile, absolument aucun.
Le voile islamique est un grand voile que l’on porte d’une manière différente des autres. J’en ai déjà vu mais très rarement. Les ressortissants d’Afrique du Nord que je rencontrais en France se considéraient comme Français. Oui, ils sont d’origine tunisienne, algérienne ou maghrébine, mais ils sont Français. Quant au fait qu’ils n’étaient pas musulmans, la question ne se posait même pas. Je communiquais avec ces gens, j’ai donné des conférences à l’Institut du monde arabe. Il n’y avait aucun problème, aucune question. Et soudainement tout a changé. Ces personnes se sont mises à dire: nous sommes musulmans.
Je ne suis absolument pas d’accord avec les ultralibéraux. La France est un pays qui a assimilé diverses cultures, y compris la culture russe. Mais nous ne parlons pas de la religion appelée Islam, mais de l'islamisme qui tente de conquérir le monde occidental, de conquérir l’Europe et de la soumettre à ses règles. Je plaide pour l’introduction dans la constitution européenne de la notion selon laquelle l’Europe est fondée sur des valeurs chrétiennes et sur la culture chrétienne.
Les ultralibéraux disent que l'identité nationale n'existe pas, mais moi je dis qu’il existe une identité française et que la France, comme aucun autre pays, conserve son histoire et sa culture depuis l’époque romaine.
Gueorgui Mirski: Le fait est que la première génération qui arrive en Europe est très heureuse d’avoir enfin quitté un pays très pauvre pour un Etat où il est possible de vivre de manière décente. Ils connaissent mal la langue [du pays d’accueil] et parleront toute leur vie avec un accent. Ils sont conscients qu’ils ne deviendront jamais de véritables Britanniques ou Français, mais ils sont reconnaissants envers le pays qui les accueille. Mais la seconde, et surtout la troisième génération, parle couramment l'anglais ou le français et prétend à des droits parfaitement équitables.
Voici un exemple. Un jour, j’étais assis à Londres, à la bibliothèque de la London School of Economics, et une femme portant un voile était assise à côté de moi. Selon le Coran, la femme ne doit en aucun cas cacher son visage. Je lui ai demandé, pourquoi elle portait le voile. Elle a répondu: "Je veux que tout le monde voit que je suis musulmane." J’ai dit: "Mais ainsi les gens vont vous percevoir comme une étrangère. D’une certaine manière vous créez donc une société au sein de la société." Elle a dit: "C’est exactement ce qu’on souhaite. C’est ce que nous voulons, nous, les musulmans."
Certains sont convaincus que le monde entier appartiendra à l’Islam. Toutefois, il faut toujours faire la différence entre l’Islam en tant que religion et le courant politique radical appelé "islamisme." Quant à l’objectif des islamistes, jusqu’aux plus radicaux comme Al-Qaïda, ils ne veulent pas s’emparer du monde entier, qui plus est créer un califat. Ils veulent arriver au pouvoir dans certains pays musulmans clés, tels que le Pakistan, l’Arabie saoudite, l’Egypte et la Jordanie, car elle est proche de la Palestine. Et ils considéreront leur mission comme étant accomplie. Tout cela est évidemment financé.
Mais les prévisions selon lesquelles d'ici 2050 la moitié de l’Europe sera musulmane sont erronées. A en juger par les études les plus sérieuses, il pourrait s’agir de 15%. Mais il ne faut pas oublier que l’idéologie de la gauche libérale est prédominante dans les pays d’Europe occidentale. Depuis le XIXe siècle, l’élite de gauche a toujours été antibourgeoise.
