Pourquoi nous, les femmes russes, nous nous habillons pour impressionner ?

© Photo Mikhail Kharlamov/ Marie Claire RussiaSvetlana Koltchik
Svetlana Koltchik - Sputnik Afrique
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En fait, pas seulement pour impressionner. Nombre d’entre nous s’habillent aussi pour séduire. "Il est tellement important d’être belle pour le destin", a dit une fois Coco Chanel.

En fait, pas seulement pour impressionner. Nombre d’entre nous s’habillent aussi pour séduire. "Il est tellement important d’être belle pour le destin", a dit une fois Coco Chanel. Je pense que beaucoup de femmes russes, inconsciemment, ont adopté ces mots comme devise pour guider leur vie. Et l’essentielle n’est pas que nous cherchions à attirer un homme ou pas. Probablement le jeu de la séduction fait juste partie de notre ADN.
Mais est-ce vraiment le cas ?

Quand je voyage hors de Russie, je suis plutôt insouciante de mon image et de ce que je porte. Quelque chose d’inintéressant et de pratique comme une paire de jeans, un simple col roulé, des baskets, une queue de cheval et pratiquement aucun maquillage. Je préfère ne pas trop attirer de l’attention, en tout cas pas sur mon apparence. D’autant qu’à l’étranger, j’attire beaucoup l’attention de toute façon, ce qui n’est pas toujours le cas en Russie.

De retour à Moscou, c’est une autre histoire. Hauts talons (oubliez la météo infernale et les nombreux rendez-vous auxquels il faut se rendre pendant la journée), une robe ou un chemisier élégant et un jupe-crayon ainsi qu’un maquillage appliqué avec art. Quand il m’arrive de quitter la maison sans ce dernier (et ceci arrive très rarement), je me sens incroyablement vulnérable, comme si j’étais nue. Comme un chevalier qui a perdu son armure. Ou comme si mon identité n’était plus tout à fait en place.

D’où vient cette insécurité, je me le demande. Je ne suis plus une adolescente et je ne suis pas en chasse d’homme pour le moment – en réalité, je suis une heureuse " pas célibataire " depuis un bon bout de temps déjà. Pourtant, je ressens encore ce besoin d’impressionner et de faire de concurrencer en particulier les autres femmes, et de continuer à faire ma promotion sur à foire permanente des vanités de Moscou.

"A l’amour comme à la guerre", c’est ce que vous êtes, vous les filles russes", observait récemment un bon ami à moi, un parisien ayant vécu à Moscou pendant plus de dix ans. Contrairement aux femmes françaises qui au quotidien, ont tendance à s’habiller de manière plutôt conservatrice et nonchalante, il souligne que la plupart d’entre nous, femmes russes en âge de draguer, fournissons un effort herculéen pour avoir l’air, et agir d’une manière, ultra féminines. "Vous êtes toujours en train de séduire, quand vous êtes au volant, quand vous faites les courses ou quand vous travaillez. Vous continuez à séduire même une fois mariées", dit-il. Non pas qu’il s’en plaigne, ajoute mon ami avec un sourire malicieux.

Eh bien, je n’étais plus du tout surprise alors que ce français observateur ait décidé de rester à Moscou pour si longtemps. Mais je continue à me demander si être toujours en mode séduction fait partie de notre mystique féminine sophistiquée, alourdie par des complexes d’infériorité dus à des décennies de privations de shopping derrière le rideau de fer. D’où le besoin de montrer et même frimer avec une façade fraiche et presque parfaite. Même si nous ne pouvons pas vraiment nous l’offrir. Ajoutez à ceci la curieuse juxtaposition dans ce pays de l’Europe et de l’Asie, des influences d’est et d’ouest.

J’ai demandé à Ekaterina Mukhina, la directrice mode du magazine Vogue Russie, son opinion sur le sujet. Nos femmes s’habillent pour impressionner en désespoir de cause plutôt que par goût particulier pour la mode note-t-elle avec nostalgie. "Les femmes ici ont tendance à en faire trop, soit pour avoir un homme soit pour ne pas en perdre un", dit elle. Les mecs ici sont incroyablement gâtés par la disponibilité de femmes super belles et par l’anxiété non dissimulée de celles-ci à trouver un homme. " Alors que les mâles, affirme-t-elle, n’ont pas à se préoccuper de leur apparence. Ils savent qu’ils ne resteront pas célibataires sauf à ce qu’ils le choisissent. "Et ils sont plutôt flattés lorsque d’autres hommes regardent leur femmes habillés de manière provocatrice", dit Mukhine. "Cela valide leur choix".

J’ai mené l’enquête auprès de plusieurs hommes pour savoir si, en effet, ils aimaient la façon dont les filles étaient habillées en Russie. La plupart disent que oui. "Provocateur est beaucoup mieux que ces européennes de l’ouest sans maquillage qui sont habillées dans des trucs gris unisexe", dit Igor Chersky, l’ancien rédacteur du magazine Maxim en Russie. "C’est agréable quand les femmes s’habillent de manière sexy mais j’ai de la peine pour celles qui ont dépensé la moitié de leur salaire pour les bottes de créateur avec des hauts talons et qui ensuite se démènent à marcher avec, dans la boue et la neige " dit un autre ami à moi, fin connaisseur du sexe opposé. "Je préfère la féminité sans effort, celle avec plus de goût", ajoute-t-il.

Fait intéressant, selon les experts de la mode, la féminité sans effort semble être la direction stylistique qu’emprunte la jeune génération de filles russes. Ces femmes ont grandi en étant capables de faire du shopping librement, de voyager et du coup elles n’accordent pas autant d’importance à la compétition et au fait d’impressionner les autres. Elles tendent plutôt à s’habiller pour s’exprimer, comme leurs pairs à Londres, New York ou Paris.
Malgré tout, dès que j’en aurais fini avec cette chronique, je me précipiterais pour repasser la robe que je vais mettre demain. Oubliez qu’il va faire – 10 ° C dehors et que je ne conduis pas.

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* Svetlana Koltchik, 33 ans, est la rédactrice en chef adjointe de l'édition russe du magazine Marie Claire. Elle est diplômée de la faculté de journalisme de l'Université de Moscou et de l'Ecole de journalisme de l'Université de Columbia à New York. Elle a travaillé dans l'hebdomadaire russe Argumenty i Fakty à Moscou, le journal USA Today à Washington et a écrit pour RussiaProfile.org ainsi que pour les éditions russes de Vogue et de Forbes.

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