Perm, ville de culture

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Alexandre Latsa - Sputnik Afrique
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Pour beaucoup de Français et pour beaucoup d’européens de l’ouest, la Russie reste un pays méconnu, voire inquiétant et dont beaucoup doutent de la capacité à devenir "moderne, européen et stable", sur le modèle imaginé par les démocraties occidentales.

Pour beaucoup de Français et pour beaucoup d’européens de l’ouest, la Russie reste un pays méconnu, voire inquiétant et dont beaucoup doutent de la capacité à devenir "moderne, européen et stable", sur le modèle imaginé par les démocraties occidentales. La crise économique dans les pays occidentaux à secoué ceux qui avaient ces préjugés, et les perspectives économiques paraissent aujourd’hui plus attrayantes en Russie que dans nombre de pays d’Europe de l’ouest.

On commence à s’en rendre compte et de plus, l’objectif primordial pour la Russie de s’ouvrir sur le monde devient de plus en plus lisible et crédible.. Pour autant, hormis Moscou et Saint-Pétersbourg qui sont devenues des villes touristiques, il reste de nombreuses villes encore peu connues en Russie, c’est le cas de Perm. Cette  ville compte un peu plus d’un million d’habitants avec l’agglomération, elle se trouve à environ 1.200 kilomètres à l’est de Moscou, juste avant la chaine de l’Oural. Beaucoup de français savent que Michel Strogoff, membre du régiment des courriers du Tsar et personnage créé par Jules Verne, est passé à Perm avant de franchir l’Oural et de poursuivre sa route vers Irkoutsk. Pour beaucoup de Français  l’Oural reste assimilé à la frontière symbolique de l’Europe, puisque cette chaîne de montagnes correspond à sa frontière géographique. On se souvient des appels du général de Gaulle qui souhaitait une Europe de l’Atlantique à l’Oural. Pourtant, en y regardant de plus près, on constate que les villes russes qui sont derrière l’Oural ne sont pas moins russes ou moins européennes que celles de la partie ouest du pays.

Mais revenons à Perm, ville fondée par Pierre le Grand en 1723, bien que le village de Perm soit mentionné dès le milieu du 17ème siècle. La ville est située au pied des monts Oural et elle est traversée par une rivière assez importante, la Kama. Plus loin vers le sud, la Kama rejoint la Volga qui poursuit sa route vers la mer Caspienne. Dans l’histoire russe, l’Oural n’est pas seulement la frontière géographique entre l’Europe et l’Asie. C’est  également le point de départ de l’expédition du cosaque Ermak, mandaté par les Stroganoff pour lever une armée afin de vaincre les Tatars, de l’autre côté de l’Oural.

Cet évènement historique important, daté de 1575, permettra de développer plus tard la conquête de l’est, puis de la Sibérie jusqu’au Pacifique. Si Perm est relativement méconnue à l’étranger, ce n’est pas le cas en Russie. Jusqu’à très récemment, elle faisait partie de ces "villes fermées" secrètes, prestigieuses, interdites aux étrangers et même aux russes, qui devaient demander une autorisation pour y pénétrer. A l’époque de l’URSS, il y avait dans ces villes fermées soit des bases militaires, soit des usines du complexe militaro-industriel ou des écoles secrètes. A Perm, cette époque a laissé des traces, et la ville dispose d’un équipement  industriel et culturel important, supérieur à celui de ses voisines de l’Oural que sont Ekaterinbourg ou Chelyabinsk.

L’économie de la ville bénéficie en outre de la richesse du sous-sol de la zone. La compagnie pétrolière Lukoil est très présente à Perm, elle extrait et transforme l’or noir de la région. Sans doute grâce à son passé de ville fermée, de ville militaire et industrielle, Perm a conservé un système éducatif très dense. Il comprend sept universités, trois écoles militaires et également de nombreux instituts de recherche scientifique. Cette densité culturelle se retrouve également dans l’amabilité de ses habitants, que chaque visiteur de la ville ne pourra que constater. Les gens de Perm sont très ouverts,  plus calmes que les Moscovites, et tournés vers l’incroyable beauté de la nature dans l’Oural.

Au bord de la Kama, les quais sont encore en cours de modernisation. En ville, on retrouve le même mélange architectural que dans d’autres villes russes. Des bâtiments de style stalinien restaurés ou en attente de restauration, des maisons bien plus anciennes, et des immeubles ultra modernes. Sur l’autre rive, face au centre ville, les nouvelles villas au bord de l’eau témoignent bien du formidable boom économique que la ville à connu ces dernières années. 

Mais on remarque aussi à Perm une particularité dans la décoration de la ville, visiblement orientée "art moderne". Au centre, sur l’avenue Lénine, juste devant l’hôtel Oural, trône un énorme et magnifique ours en bronze, symbole de Perm. L’ours fait face à un bâtiment assez surprenant, de type stalinien mais surplombé par de drôles de personnages, rouges et sans têtes à l’extérieur du bâtiment, et dotés de têtes à l’intérieur. Il s’agit du bâtiment du ministère de la culture de la ville! Les personnages ne sont pas seulement déroutants et inattendus, ils contrastent avec l’austérité que dégage habituellement un bâtiment administratif de style soviétique traditionnel.

A Perm, le visiteur aura la  surprise de pouvoir trouver d’autres monuments inattendus, qu’il s’agisse par exemple d’une porte en bois à l’entrée de la ville ou d’une grosse pomme verte croquée devant la grande bibliothèque, en plein centre ville.

Ces étonnants éléments d’art moderne ne sont pas là par hasard, la ville a un projet ambitieux: postuler et devenir prochainement capitale européenne de la culture.

 

 

 

En effet, en mars de cette année, une délégation de la Région de Perm présidée par Boris Milgram (vice-premier ministre de la région de Perm) et Alexandre Protasevitch (vice-ministre de la culture de la région de Perm) a participé aux audiences publiques du programme "Capitale européenne de la culture" organisées par la commission européenne. Pendant mon voyage à Perm, j’ai pu parler avec Alexandre Protasevitch. C’est un esprit ouvert sur l’Europe et qui fourmille d’idées pour sa ville. C’est lui qui a soutenu la mise en place dans les rues de cette forme d’art moderne public.

Le spectacle est surprenant et contraste fortement avec l’image que l’on pourrait avoir d’une ville universitaire et industrielle de l’Oural. Je reviendrai à Perm, il y a mille choses à découvrir dans cette ville et dans les premiers contreforts de l’Oural, et ne serait-ce que pour repousser un peu plus les frontières de la vraie Europe. Les Permiens, comme me l’a rappelé Alexandre Protasevitch, se sentent Européens et à Perm on dit même que l’Europe va non pas de l’Atlantique à l’Oural mais de l’Oural à l’Atlantique! Alors, pourquoi ne pas faire de Perm, la "plus à l’est", pour le moment, des capitales européennes de la culture?

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.

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* Alexandre Latsa, 33 ans, est un blogueur français qui vit en Russie. Diplômé en langue slave, il anime le blog DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la Russie".

 

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