Quelques rappels sur les événements d’août 2008

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Alexandre Latsa - Sputnik Afrique
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Le mois d’août marque un bien triste anniversaire, celui de la guerre de 2008 qui a tragiquement opposé deux peuples voisins et orthodoxes: la Russie et la Géorgie.

Le mois d’août marque un bien triste anniversaire, celui de la guerre de 2008 qui a tragiquement opposé deux peuples voisins et orthodoxes: la Russie et la Géorgie. Cette guerre a éclaté pour diverses raisons, historiques et territoriales bien sur mais également à cause de la superposition d’aspirations géopolitiques contraires entre 3 entités bien distinctes : la Russie, la Géorgie et l’Ossétie du sud.

Le mainstream médiatique a longtemps présenté le conflit d’aout 2008 comme une manifestation de l’impérialisme russe sur ces anciennes républiques et même un envahissement de la Géorgie par la Russie. Il est d’ailleurs intéressant de relire certains articles, par exemple ici, la ou encore ici. Malheureusement pour certains journalistes, le rapport Heidi commandé par la commission européenne confirmera en septembre 2009 la responsabilité de Tbilissi dans le déclenchement de ce conflit. Le comité d’enquête de la fédération de Russie est arrivé aux mêmes conclusions en établissant que "En violation de toutes les normes internationales il y a eu de la part de la Géorgie une agression préparée, ouverte contre la population civile d’Ossétie du Sud, contre le contingent de la paix russe". La Russie pourrait d’ailleurs saisir la Cour Pénale Internationale et poursuivre le pouvoir Géorgien. Cette responsabilité historique géorgienne est d’ailleurs également reconnue par de nombreux hommes politiques Georgiens, comme par exemple l’ex premier ministre Tenguiz Sigoua.

Cette guerre est une bonne illustration de l’incroyable imbroglio caucasien postsoviétique, des difficiles rapports de Moscou avec ses marches, mais aussi de la pression géopolitique et médiatique qui existe contre la Russie. Lors de l’effondrement de l’Union-soviétique en 1991, et dans un souci de cohésion nationale post indépendance, la Géorgie supprime le statut d’autonomie de l’Ossétie, statut acquis sous l’Urss. Dès 1991: un conflit militaire oppose l’état Georgien avec les indépendantistes ossètes souhaitant notamment le rattachement à la république d’Ossétie du nord, frontalière mais située dans les frontières de la fédération de Russie. Le conflit dura jusqu’en juin 1992 et aboutit à l’accord de Sotchi qui maintient l'essentiel du territoire Ossète sous contrôle des indépendantistes. Une force  d'interposition sous mandat de l'ONU fut créée, composée de troupes géorgiennes, sud-ossètes et russes, ainsi qu’une commission composée de Russes, Nord-Ossètes, Sud-Ossètes et Géorgiens sous la présidence de la CEI. La même année, un coup d’état a lieu et Édouard Chevardnadzé est nommé président du Conseil d’État, avant d’être élu président de la république en 1995 avec 74% des suffrages. Il conservera le pouvoir jusqu’en 2003 ou un nouveau coup d’état (une révolution de couleur) aboutira à l‘arrivée au pouvoir cette fois de Mikhaïl Saakachvili. Celui ci remportera l’élection présidentielle de 2004 avec pas moins de 96% des voix. Deux ans plus tard, en 2006, les autorités sud-ossètes qui contrôlent la région, votent leur indépendance, qui ne sera reconnue que par la Russie.

Mais parallèlement, les relations Russie/Occident se sont dégradées, notamment via la Géorgie. Pour Moscou, la révolution de couleur en Géorgie de 2004, pacifique mais parfaitement orchestrée, s’inscrivait dans une logique offensive occidentale, non militaire, mais visant à déstabiliser les marches russes. L’objectif de ces révolutions de couleurs pour le Kremlin est clairement d’organiser l’installation de nouveaux dirigeants politiques hostiles au Kremlin que ce soit en Serbie en 2000, en Géorgie en 2003 ou en Ukraine en 2004. Le président Bush qualifiera d’ailleurs lui-même la révolution de couleur en Géorgie de "séquence historico-politique modèle pour d’autres pays qui recherchent la liberté". Moscou a aussi toujours affirmé que la mouvance terroriste et islamo-séparatiste qui opérait dans le Caucase a utilisé la vallée du Pankissi (en territoire Géorgien) comme base arrière, et ce avec une complicité plus ou moins passive de l’état Géorgien.

C’est dans ce contexte global difficile et très tendu que les événements d’août 2008 ont eu lien. Après plusieurs accrochages entre l’armée Géorgienne et les milices indépendantistes Ossètes, les troupes géorgiennes ont lancé le 6 août un assaut militaire sur l’Ossétie. L’attaque fit 18 morts dans les forces russes de maintien de la paix de la CEI. La réponse de la Russie fut proportionnée et dès le 08 août l’armée russe rentra en Ossétie pour repousser l’offensive Georgienne.

Récemment le mainstream médiatique français a encore frappé puisque suite à des déclarations mal interprétées ou peut être simplement mal traduites, on a pu lire que: "Vladimir Poutine a assuré à la télévision russe que la guerre de Géorgie avait été préparée par un plan d'attaque dès 2006". Ou encore que Vladimir Poutine "reconnaît avoir planifié la guerre en Géorgie" et que "L’invasion de la Géorgie avait été mise en point deux ans avant le conflit". Malheureusement, cette transcription n’est pas complète, puisque le plan cité par le président russe n’est pas un plan d’invasion ou de déclenchement de conflit, mais un plan je cite de "réaction à une invasion militaire Géorgienne en Ossétie": "У России был план реагирования на вторжение Грузии в Южную Осетию, признал сегодня Владимир Путин".

La Russie savait évidemment via ses services de renseignement dès le 04 août, qu’une opération était envisagée dans les jours qui suivaient. A ce titre le 05 août, la Russie avait du reste mis en garde la Géorgie contre une intervention militaire en Ossétie. Le mois précédent, soit en Juillet 2008, les troupes géorgiennes ont tenu un exercice militaire dénommé "réponse immédiate" impliquant près de 2.0000 hommes. Le même mois, les troupes russes ont elle aussi mené des manœuvres d’entrainement avec prés de 8.000 hommes.

Beaucoup de commentateurs ont été visiblement choqués que la Russie reconnaisse avoir entrainé des milices Ossètes dès 2006. Il faut se souvenir qu’en 2006, les autorités sud-ossètes qui contrôlent la région, votent leur indépendance (qui ne sera reconnue que par la Russie) et souhaitaient aussi réintégrer la fédération de Russie et se réunifier avec l’Ossétie du nord, elle en territoire russe. Titulaire de passeports russes, les ossètes se sentent en outre fondamentalement comme un peuple de la fédération de Russie. A la même époque (en fait dès 2002) des centaines de conseillers militaires américains sont arrivés en Géorgie, pour entrainer les troupes Georgiennes soi disant à la lutte antiterroriste. L’armée géorgienne, se préparant à une hypothétique adhésion à l’Otan dont le président Saakachvili avait fait une priorité, avait notamment lancé un très ambitieux programme militaire, visant à renforcer et développer l’armée. Elle a notamment reçu (entre 2004 et 2008) des entrainements via des troupes militaires d’Amérique, de Turquie, de France, d’Israël, de la Pologne, d’Ukraine ou encore de Hollande.

Comment dès lors être surpris que les russes aient pu envisager divers scénarios dont une attaque sur l’Ossétie menée par une armée Géorgienne remise à niveau,  attaque  décidée par un leader politique qui a naïvement cru qu’il pourrait entrainer l’Otan dans une guerre contre la Russie?

L’opinion exprimée dans cet article ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction, l'auteur étant extérieur à RIA Novosti.

* Alexandre Latsa est un journaliste français qui vit en Russie et anime le site DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la Russie". Il collabore également avec l'Institut de Relations Internationales et Stratégique (IRIS), l'institut Eurasia-Riviesta, et participe à diverses autres publications.

 

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