Pourquoi les gens se plaignent-ils ?

© Photo Mikhail Kharlamov/ Marie Claire RussiaSvetlana Koltchik
Svetlana Koltchik - Sputnik Afrique
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"Alors Svet, comment vas-tu ?", me demande, lors d’un dîner, un bon ami à moi que je n’avais pas vu depuis environ six mois. "Mmmmm plutôt pas mal", répondis-je après quelques secondes d’hésitation." Naaaa… je ne te crois pas ", sourit-il. Et je réalise qu’il a raison.

"Alors Svet, comment vas-tu ?", me demande, lors d’un dîner, un bon ami à moi que je n’avais pas vu depuis environ six mois. "Mmmmm plutôt pas mal", répondis-je après quelques secondes d’hésitation." Naaaa… je ne te crois pas ", sourit-il.

 Et je réalise qu’il a raison. Une réponse plus attendue et typiquement russe à la question "comment vas-tu?" aurait été de proférer quelque chose de neutre-négatif du genre " comme ci, comme ça " ou " je survis, merci " ou " ça va, mais… " suivi de longues explications du pourquoi en réalité la vie ne va pas comme elle devrait aller. Ou, beaucoup plus souvent, moi y compris, nous dirigeons directement vers un ensemble de plaintes du genre "Oh, regarde ce trafic (cette météo, cette crise économique, ces problèmes de santé, etc.), comme diable pourrais-je aller bien? "
 
Geindre à propos de tout est notre sport national. Les Russes sont des râleurs incroyablement versatiles. Se plaindre fait depuis longtemps partie de notre identité nationale. Certains d’entre nous le font pour attirer l’attention (et rechercher l’empathie), les autres, par habitude. Nous sommes en permanence mécontents de nos longs hivers et nos courts étés, de nos routes, de notre gouvernement, de notre police, de nos concitoyens, de notre nourriture, de nous-mêmes et de nos proches et de tout le reste aussi. Comme si le fait d’être nés en Russie nous avait donné le droit inaliénable de nous plaindre de tout, y compris des choses que nous ne pouvons pas changer.
 
Nous aimons aussi qualifier les américains qui vous répondent toujours "Génial" à la question "Comment allez-vous aujourd’hui ?” de " semblables à des robots " et de " faux ". Essayer d’être à l’aise ou positif, même en interagissant avec des étrangers, semble une si superficielle et inauthentique et superficielle approche de la vie. Des plaintes constantes nous semblent beaucoup plus réelles.
 
Non pas que les américains ne geignent pas, bien sûr. En fait, je pense qu’ils sont simplement plus élaborés et plus consistants dans leurs plaintes. Celles-ci, j’ai remarqué, ont tendance à être précises et dirigées vers quelque chose de concret: certains aspects de l’assurance maladie, certaines politiques du gouvernement qui ne conviennent pas, ou le manque d’initiatives face à certains problèmes socio-économiques, disfonctionnements de service, etc.
 
En même temps, c’est peut-être tout simplement dans la nature humaine de se lamenter des choses sur une base régulière. L’état de mécontentement semble essentiel pour se sentir vivant et sobre (même si quelques verres peuvent transformer certains d’entre nous en des râleurs encore plus véhéments), ou du moins, c’est le cas dans le monde occidental. Plus nous avons, plus nous avons tendance à être insatisfaits. Une de mes connaissances parisiennes, une femme d’affaire prospère, mariée à un type qui ne l’est pas moins, a eu trois bébés coup sur coup, et a, non seulement réussi à garder son emploi, dans cet environnement de crise économique, mais aussi à avoir plus de responsabilités et à obtenir une augmentation de salaire. Pourtant, elle se plaint sans cesse de mille et une choses. A l’heure actuelle, par exemple, elle enrage car son employeur lui a repris sa voiture de fonction (or cette femme et son mari ont déjà trois voitures à eux seuls). Les Italiens, j’ai observé, se plaignent également avec art. Les Italiens du sud se plaignent chroniquement de ceux du nord et vice et versa, et tous les Italiens aiment faire des histoires sur tout: de la pasta mal cuite au plus général  lo stato decadente delle cose "l’état décadent des choses".

Mais il y a des endroits où se plaindre ne fait pas nécessairement partie de la routine quotidienne. J’écris cette colonne d’un lieu éloigné du nord de l’Inde, sur les contreforts de l’Himalaya, surplombant la rivière Gange. Je voyage ici pour le travail depuis environ une semaine et, jusqu’à présent, je n’ai rencontré encore aucun râleur, pas même dans les petits villages pauvres au milieu de l’épaisse jungle de l’Himalaya.
 
"Au moment où quelqu’un dit que ceci devrait être comme ceci ou ne devrait pas être comme cela, il risque d’être malheureux, me dit un guru local (les ashrams, ou centres spirituels de toutes sortes avec des maîtres yogi pratiquants sont nombreux dans le coin). En effet, je n’ai rencontré personne de malheureux par ici, pas même dans des circonstances où j’aurais pensé qu’ils devraient être mécontents à tout le moins. Il semble qu’accepter les choses, du moins celles qui sont inévitables, soit une croyance de base ici, tout comme le fait d’être responsable de ses propres pensées, mots et actes. Ils appellent cela le karma ici mais j’appelle cela la simple sagesse.
 
"Chaque fois que tu veux te plaindre, essaie de regarder le tableau dans son ensemble et ne regarde pas les gens au-dessus de toi mais les gens en dessous. Et tu réaliseras que tu ne peux être que reconnaissant", dit songeur un autre yogi avec lequel j’ai parlé.
 
Cela me semble sacrément juste. Comme le dit le vieil adage: "je me suis plaint de ne pas avoir de chaussures jusqu’au moment où j’ai vu un homme qui n’avait pas de pieds".

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.

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